Le confinement, la fermeture des magasins non alimentaires, tout cela représente une opportunité pour le premier site mondial de vente en ligne. Une aubaine dont se féliciter serait très mal perçu par l’opinion étant donné la gravité de la crise du coronavirus. Toute la question est de savoir si Amazon pourra répondre à la demande sans négliger la sécurité de ses employés.

100 000 employés recrutés par Amazon aux États-Unis

Fin 2019, pendant la période des fêtes, Amazon comptait 798 000 employés. Un chiffre énorme qui varie habituellement selon les périodes, suivant la demande. La crise du coronavirus et les mesures de confinements qui se multiplient en Europe et aux États-Unis ont provoqué un véritable boom pour les activités du leader mondial de l’e-commerce.

En France les magasins non alimentaires sont, à quelques exceptions près (pharmacie, bureau de tabac), fermés et les Français coincés chez eux. Pour Bob O’Donnel de Technalysis Research, cité par l’AFP, le constat est simple, « Regardez la journée typique des gens en ce moment : ils travaillent en ligne, en utilisant peut-être des outils collaboratifs alimentés par les serveurs d’Amazon. Ils font leurs courses sur internet et le soir ils se divertissent avec des plateformes comme Netflix, qui fonctionnent à partir du cloud d’Amazon ».

Amazon s’adapte à la situation. Via un communiqué le 16 mars, l’entreprise a annoncé le recrutement de 100 000 personnes rien qu’aux États-Unis.  « Nous constatons une augmentation significative de la demande, ce qui signifie que nos besoins en main-d’œuvre sont sans précédent pour cette période de l’année » précise déjà un précédent billet de blog, le 14 mars.

En France il n’existe pas de chiffres, mais un membre du syndicat CFDT Amazon Logistic cité par France Bleu confirmait qu’Amazon était en train de recruter des intérimaires.

Pour inciter au recrutement, l’entreprise propose une hausse des salaires de 2 dollars par heure aux États-Unis et environ 2 euros pour l’Europe jusqu’à début avril au moins. L’investissement global représente une enveloppe de 350 millions de dollars (310 millions d’euros).

Dans son communiqué du 16 mars, Amazon se place comme un recours pour les employés mis au chômage par la pandémie, « Nous savons également que de nombreuses personnes ont été touchées économiquement par la perte ou la mise à pied d’emplois dans des domaines tels que l’hôtellerie, la restauration et les voyages, dans le cadre de cette crise. Nous voulons que ces personnes sachent que nous les accueillons dans nos équipes jusqu’à ce que les choses reviennent à la normale et que leur ancien employeur soit en mesure de les ramener ».

Répondre à la demande croissante

Le défi pour Amazon est de parvenir à satisfaire les demandes de ses clients dans cette période si particulière. La firme a déjà pris une décision forte, donné la priorité aux livraisons de produits médicaux. Une priorité qui pourra durer jusqu’au 5 avril.

Encore faut-il que l’entreprise ait les moyens de livrer. Selon l’analyste Rob Enderle cité par l’AFP, « Leur faiblesse, c’est les livraisons ». Selon lui « Si UPS ou Fedex fermaient, Amazon ne serait pas capable d’assurer la distribution ».

Dans le cas où Amazon parviendrait à maintenir les livraisons, ils « seront applaudis comme des sauveurs » estiment Patrick Moorhead, de Moor Insights and Strategy. Il faut l’admettre, au bout de 15 jours et peut-être plus, cloitré chez soi, un nouveau jeu vidéo ou un nouveau livre peut améliorer le moral.

Pour le moment il semble s’en sortir, mais le rythme des livraisons est déjà affaibli. Tout le monde peut le constater en se rendant sur leur site web. En haut à droite de l’écran, sous le panier, s’affiche déjà un message d’avertissement « Compte tenu de la situation actuelle, nos délais de livraison peuvent être allongés ».

Faire face à ses responsabilités

Il y a toutefois un élément à prendre en compte sur la question des livraisons, la sécurité des employés eux-mêmes, ceux qui préparent les commandes. Seattle, où est basée l’entreprise, est l’un des foyers importants de l’épidémie aux États-Unis. Patrick Moorhead confirme, « L’enjeu pour Amazon, c’est d’empêcher la propagation du virus dans ses centres de distribution ».

Le télétravail a déjà été décrété pour ceux qui le pouvaient. Pour les préparateurs de commandes, les livreurs, cette option n’est pas envisageable. L’entreprise affirme avoir mis en place des mesures comme le nettoyage fréquent de ses hangars, la mise à disposition de gel hydroalcoolique ou de lingettes nettoyantes. Les employés contaminés auront le droit à deux semaines de salaires et les règles sur les congés rémunérés ou non ont été assouplis.

Des mesures qui ne suffisent pas selon un certain nombre de salariés dans le monde. Outre-Atlantique, une pétition demande des indemnités de prise de risque, des congés maladie payés, un service de garde d’enfant, la levée des pénalités de rendement, la fermeture immédiate d’un centre où une personne a été testée positive au coronavirus. Lundi soir elle réunissait 1500 signatures.

En Espagne et Italie, 5 employés en entrepôt étaient touchés par le coronavirus lundi. Des travailleurs italiens ont décidé de lancer un appel à la grève. En France la grogne s’installe également. Les syndicats jugent les mesures prises par Amazon très insuffisantes. Sur les sites de Toulouse, Lauwin-Planque et Montélimar, plusieurs centaines de salariés ont fait valoir, ou souhaitent faire valoir, leur droit de retrait.

La position du gouvernement français semble en tout cas claire sur la fermeture agences de livraison : Bruno Le Maire l’a rappelé sur BFM Business ce 18 mars, « J’invite tous les salariés dont les entreprises sont encore ouvertes, dont les activités sont indispensables au bon fonctionnement du pays, à se rendre sur leur lieu de travail ».

Le scénario du pire pour Amazon, à savoir la fermeture de ses centres de distribution, mettrait l’entreprise dans la situation de tous les magasins physiques. À la différence que ses activités de cloud et de streaming vidéo vont également bénéficier de la situation de confinement.