Une enquête menée auprès de 750 décisionnaires par Algorithmia, start-up spécialisée dans la proposition d’algorithmes en intelligence artificielle et machine learning, tend à démontrer qu’il n’est pas si simple pour les entreprises d’installer un modèle IA au sein de leurs programmes. L’étude relayée par VentureBeat le 11 décembre, entre quelque peu en dissonance avec l’engouement qui règne autour de ces technologies.

Un déploiement en IA et ML pas si facile à mettre en place

D’après Algorithmia, 50% des entreprises passent entre 8 et 90 jours à déployer un modèle d’IA unique. Selon la start-up, 33% des sociétés étudiées attribuent leur difficultés de mise en place à l’échelle de leurs besoins, 32% ont du mal à reproduire le modèle initial, tandis que 26% considèrent qu’il existe un manque d’adhésion de la part des dirigeants.

« Les entreprises accroissent leurs investissements dans le machine learning, et l’opérationnalisation du machine learning [ML] arrive à maturité dans tous les secteurs, mais il reste encore une marge de croissance et d’amélioration. Le cycle de vie du déploiement de modèle doit continuer d’être plus efficace et plus transparent pour les équipes ML. Néanmoins, les entreprises dont le cycle de vie de déploiement ML est établi bénéficient de résultats mesurables, notamment de réductions de coûts, de détection des fraudes et de satisfaction des clients. Nous nous attendons à ce que ces tendances se poursuivent à mesure que les technologies et les processus ML arrivent sur le marché et soient adoptées. »

En résumé… pas de doute, pour Algorithmia, le machine learning, c’est bien, et même très bien, mais les sociétés peinent finalement à le mettre en place correctement. Certes, Algorithmia avance un argument intéressant, expliquant que cette mise en place est difficile en raison notamment d’un manque de personnel spécialisé dans la science des données : plus de la moitié des cas étudiés n’ont employé qu’entre 1 et 10 collaborateur de ce type, 39% déclarent avoir une équipe de plus de 11 spécialistes des données, tandis que 5% seulement prétendent en avoir plus de 1000. Encore faudrait-il savoir de quelle entreprise il s’agit, de leur ordre de grandeur, des services que celles-ci proposent, pour avoir une représentation plus exacte du contexte évalué.

Toujours est-il que cette analyse chiffrée, mais peu explicitée, permet à Algorithmia d’avancer la chose suivante : les sociétés investissent davantage dans les logiciels, mais n’emploient pas suffisamment de personnes qualifiées pour permettre un bon déploiement. Il faut admettre que depuis quelques années, tout le monde est emprunt d’un grand enthousiasme pour ce type d’algorithmes. Les sociétés de conseil en marketing, type Forrester, bien connu en la matière, les startups plus ou moins implantées, les investisseurs à capital risque, ou même les institutions, tous considèrent que l’IA, et le machine learning représentent l’avenir.

Les entreprises investissent dans le secteur IA, mais le personnel vient à manquer

Sans chercher à les contredire, on peut toutefois s’interroger sur la manière dont chacun souhaite déployer ce système. Le problème soulevé par Algorithmia a le mérite de mettre en avant l’importance de la gestion de ce déploiement, qui semble difficilement pouvoir se passer de l’humain.

Par conséquent, si l’engouement est certain, il risque cependant d’avoir une pénurie de gens aptes à déployer les algorithmes en IA et ML correctement. Entre 2012 et 2017, les offres d’emploi pour les spécialistes de données ont augmenté de 650%, mais qui est vraiment qualifié pour ce poste ?

Une autre étude, menée par l’IDC (International Data Corporation), a révélé que parmi les sociétés ayant déclaré utiliser l’IA, un quart seulement a su développer une stratégie à l’échelle de leur entreprise, rapporte Venture Beat.

Tout cela semble un peu dommage quand on constate que 43% des personnes interrogées déclarent avoir augmenté leur dépenses en IA et machine learning de 1% à 25%, et pour 26% d’entre elles, de 26% à 50%.

L’IA et le ML peuvent avoir différentes utilités. Les sociétés spécialisées dans la finance les emploient généralement à la fidélisation des clients, ou la détection des fraudes. Les services publics ont tendance à les utiliser pour prédire les fluctuations de la demande.

On l’aura compris, il ne s’agit pas de remettre en cause les algorithmes IA et ML, bien au contraire. Algorithmia ayant effectué d’importantes levées de fonds en 2014 et 2017, dispose aujourd’hui d’une plateforme bien implantée sur le marché, avec plus de 5000 modèles à proposer, et revendiquant 60 000 utilisateurs répartis sur l’ensemble du globe. Autrement dit, les entreprises en difficulté peuvent compter sur eux pour déployer leur système… tel est le message, à peine subliminal, de la start-up américaine qui ne manque pas de rappeler aux entreprises encore « à la traîne », que leurs concurrents sont sûrement en train de s’équiper. Les voilà prévenus.

D’autres aspects à prendre compte

Si l’étude fait part des réductions de coût attribuées aux algorithmes ML, un aspect est laissé de côté toutefois. Le machine learning peut en effet être très séduisant, l’automatisation permet d’obtenir des retours plus facilement, et la fidélisation de la clientèle passe en réalité par un ensemble de données propre à chacun, traités par les systèmes mis en place, alors capables de proposer des ajustements aux clients, et quelques offres au passage.

Néanmoins, il semblerait que machine learning, IA et chatbots confondus, soient encore un peu faibles pour permettre, non pas la fidélisation, mais la satisfaction de la clientèle. Aussi dans le secteur de l’après-vente, les algorithmes ne suffisent pas, et les clients ne voient encore leur problèmes se résoudre qu’après l’intervention d’une personne spécialisée.

Enfin, si la pénurie du personnel est évoquée, il convient donc de prendre le problème au sérieux. Ainsi quand des gouvernements, la France en premier, souhaitent investir dans des startups dites spécialisées dans ce secteur, prétendant même attendre en retour le développement de plusieurs licornes, il conviendrait d’investir en parallèle dans la formation à ces métiers.

Pour l’heure, le marché n’en est pas moins prisé, et Algorithmia, ainsi que ses concurrents, principalement Microsoft Azure, et Kaggle, racheté par Google en 2017, n’ont pas fini de proposer des logiciels d’automatisation de déploiement en IA et ML. Kaggle allant même jusqu’à organiser des compétitions pour les entreprises afin d’évaluer les performances des développeurs, susceptibles d’être recrutés par la suite.