Face à l’importance grandissante des réseaux sociaux dans l’acte d’achat des consommateurs, les nouvelles initiatives marketing impliquant des influenceurs se multiplient à la vitesse de l’éclair. Mais quel cadre légal appliquer dans la relation marques – influenceurs ?

Marketing et influence sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux occupent une place centrale dans le quotidien des consommateurs : Instagram par exemple compte 1 milliard d’utilisateurs actifs par mois dont 500 millions qui se connectent quotidiennement (Etude Statista, 2008). L’influenceur, nouveau leader d’opinion dans son secteur, dispose ainsi d’un pouvoir de recommandation plus ou moins fort auprès de sa communauté. Ce dernier est mesuré par son taux d’engagement, ce que les marques recherchent aujourd’hui de façon croissante grâce à des outils d’analyse toujours plus pointus qui permettent de lutter contre la fake influence (faux abonnés ou faux likes).

Quelle que soit la catégorie à laquelle il appartient (nano, micro, macro-influenceur ou star), l’influenceur va inévitablement être sollicité par les marques. Néanmoins, que la relation qui va se nouer entre eux soit directe (partenariat) ou indirecte (envoi de cadeaux par exemple sans obligation de publier), il existe des règles spécifiques qu’il convient de respecter.

Le rôle central de l’ARPP dans la fourniture de lignes directrices

Contrairement aux Etats-Unis, où un corpus juridique spécifique régit les relations marques-influenceurs, il n’existe pas, en France, une loi spécifiquement applicable à ces collaborations.

En l’absence de loi spéciale, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a édicté un certain nombre de règles destinées à encadrer les collaborations entre marques et influenceurs et a notamment publié en 2017 la quatrième version de sa Recommandation Communication Publicitaire Digitale.

L’ARPP a également mis en place un jury déontologique, instance de contrôle dont la mission est de statuer sur les plaintes de consommateurs estimant que certaines publications ne respectent pas les règles de transparence. Par exemple, l’ARPP a rendu, le 8 juillet 2019, un avis* pointant du doigt le post d’un influenceur qui ne mentionnait ni la collaboration commerciale l’unissant à une grande marque de champagne, ni les mentions sanitaires relatives à l’alcool et prescrites par le code de la santé publique.

Toutefois, l’ARPP ne dispose d’aucun pouvoir de sanction, apanage exclusif des tribunaux et de l’administration, mais plutôt d’une faculté comminatoire de nommer publiquement les acteurs qui ne se conforment pas à la réglementation (sur le principe du « name and shame« , pratique qui, par ailleurs, se développe de façon croissante en France).

La nécessité de transparence

Selon l’ARPP, les posts sponsorisés doivent obéir à deux principes généraux : la nature commerciale d’une publication doit être divulguée sans ambiguïté et le caractère publicitaire doit être clairement identifiable (si la qualification de publicité est retenue).

Par conséquent, la question centrale est celle de la qualification du contenu publié par l’influenceur. Selon que celui-ci soit éditorial, commercial ou publicitaire, les règles qui s’appliqueront ne seront pas les mêmes.

Contenu éditorial ou contenu commercial ?

Afin de distinguer un contenu éditorial d’un contenu commercial, l’ARPP propose de suivre un test en deux étapes :
1- L’influenceur a-t-il l’obligation contractuelle de publier le contenu ?
2- L’influenceur reçoit-il une contrepartie (en nature ou financière) en échange de la publication du post ?

Si la réponse à ces deux questions est négative, alors le contenu sera qualifié d’éditorial et aucune mention particulière ne devra apparaitre sur le post. A l’inverse, le contenu sera qualifié de commercial et l’influenceur devra impérativement être transparent et en avertir ses followers par un libellé clair et directement intelligible intégré au début du post. A ce propos, les #ad, #collab ou #merci@marque sont considérés comme insuffisants par l’ARPP.

Contenu commercial ou contenu publicitaire ?

L’ARPP propose également de distinguer le contenu commercial du contenu publicitaire à l’aide de trois critères cumulatifs :
1- Le contenu est-il de nature commerciale ?
2- La marque exerce-t-elle un contrôle éditorial sur le post ou exige-t-elle une validation du contenu a priori ?
3- Le post fait-il directement la promotion du produit ou du service dont il est l’objet ?

Si les réponses à ces trois questions sont positives, les règles relatives au droit de la publicité doivent s’appliquer, et ce en plus des recommandations de l’ARPP. Dans ce cas, les influenceurs et les marques devront par exemple respecter les règles spécifiques à la promotion des boissons alcooliques (insertion d’un message sanitaire préventif, absence d’incitation à la consommation etc.) et rédiger leurs posts en langue française.

La menace d’une lourde sanction en cas de non-respect des règles en vigueur

Si la marque et l’influenceur ne respectent pas les règles précitées, la dissimulation de la collaboration pourrait être considérée comme une pratique commerciale trompeuse susceptible d’une lourde sanction : jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre les 300.000 euros. Alors que ces règles générales étaient très peu respectées, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a lancé en 2016 une série d’enquêtes afin de faire respecter ces obligations de transparence.

En définitive, il est fortement recommandé aux marques et aux influenceurs, quelle que soit la taille de leur audience, d’encadrer leurs collaborations afin d’éviter toute sanction ou « bad buzz« .

*Avis publié le 8 juillet 2019 MUMM/TREIBER – 582/19