On se souvient du programme fourni par la société Palantir, à la police de la Nouvelle-Orléans. Celle-ci s’était « dotée secrètement d’un logiciel censé anticiper les crimes ». Depuis plusieurs années, la France, et plus précisément la DGSI est en contrat avec cette société dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Une Europe en retard sur le Big data et en cybersécurité

La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) travaille avec la start-up américaine depuis 2015. Le contrat signé après les tragiques attentats du 13 novembre 2015, arrive bientôt à échéance, et la DGSI a annoncé que celui-ci serait reconduit pour les trois prochaines années.

Cette alliance avait été, sinon critiquée, du moins l’objet de quelques inquiétudes. Palantir reconnu comme le champion du Big data, a été lancé avec le soutien de la CIA, qui fait d’ailleurs partie de ses meilleurs clients. La légende voudrait même que la startup spécialisée dans les logiciels d’analyse de données pour les services de renseignement ait permis l’arrestation d’Oussama Ben Laden.

Sa valeur, estimée à 20 milliards de dollars en 2015, pourrait atteindre les 41 milliards de dollars en 2020 rapportait le Wall Street Journal en début d’année.

A priori, la France ne compte pas profiter du programme utilisé par la police de la Nouvelles-Orléans. Si la DGSI a fait appel aux services de la start-up américaine, c’est pour son logiciel mis en place entre 2004 et 2008, connu sous le nom « Gotham » – décidément, on aime les références culturelles chez Palantir – qui parvient à extraire « les données de centaines de sources différentes et d’établir une cartographie des réseaux criminels et terroristes. ».

Bernard Barbier, fondateur de la direction technique de la DGSE, alertait en mars 2019 sur ce type d’association. Pour lui l’Europe « a raté plusieurs virages technologiques, dans les réseaux télécoms, l’analyse Big data, le cyber » ce qui l’empêche aujourd’hui de travailler indépendamment de services comme celui proposé par Palantir, ou comme ceux inventés par Huawei, autre géant Tech. Pour lui l’Europe pourrait disparaître du secteur cyber. Une tragédie pour la suite des opérations, en particulier  celles menées par les renseignements.

Face à ces critiques, Nicolas Lerner, à la tête de la DGSI, déclarait à l’Express mardi dernier : « La ligne rouge qu’on s’est fixée depuis le début, c’est que toutes les données qui sont traitées par ce système-là sont sur notre réseau interne, qui est un réseau confidentiel défense, qui est fermé ». Ce à quoi il ajoute « Palantir nous aide, c’est-à-dire qu’on ne dépend pas de Palantir ».

Si Palantir, interrogé par Reuters, refusait tout commentaire, la DGSI a déclaré qu’il ne s’agissait que d’une solution transitoire. Avant qu’une technologie du même type, et aussi efficace, soit développée par des groupes français. Seulement voilà, avant de pouvoir établir un système équivalent à celui établi par Palantir, et, au passage, rien n’est dit sur le temps nécessaire pour une mise en place d’un logiciel aussi puissant, les besoins en cybersécurité, eux, n’attendent pas. À en croire les propos de Bernard Barbier, les prévisions pour créer un éventuel Gotham « français » sont encore très floues. Pour l’heure, comme dit le proverbe, faute de grives, on mange des merles…