Dans son communiqué du 18 novembre, l’agence spatiale européenne s’amuse elle-même de sa théorie pourtant très sérieusement envisagée, un voyage vers Mars avec des astronautes en état d’hibernation. L’agence explique que lorsque l’on ne possède pas d’hyperpropulsion, un peu comme la vitesse de la lumière dans Star Wars, l’autre solution pour explorer le vide et ses distances inhumaines, c’est l’hibernation à la mode Alien.

L’hibernation a été reconnue par l’ESA comme une « enabling technologie », c’est-à-dire une technologie pouvant faciliter la conquête spatiale. Une équipe, « Team for Topor & Hibernation » a été mise en place pour étudier l’état de la recherche, et ses perspectives.

« L’idée de base de mettre les astronautes en hibernation de longue durée n’est pas si folle : une méthode largement comparable a été testée et appliquée comme thérapie dans les soins intensifs aux patients traumatisés et à ceux devant subir des chirurgies majeures depuis plus de deux décennies. La plupart des grands centres médicaux ont des protocoles pour induire l’hypothermie chez les patients afin de ralentir leur métabolisme » explique Jennifer Ngo-Anh, chef d’équipe du SciSpacE, un programme de recherche spécialisé dans l’étude du corps et du mental humain dans l’espace.

Comment ça se passe

Sur le modèle des animaux qui connaissent des périodes d’hibernation, l’astronaute serait, grâce à un médicament, mis dans un état de torpeur, le corps plongé dans une nacelle à carapace molle, dans l’obscurité et avec une faible température. Il faudra au préalable que les astronautes prennent de la masse graisseuse. Lors du réveil, 21 jours de récupération seront nécessaires. Selon l’ESA « notre expérience de l’hibernation animale laisse penser que l’équipage ne montrera aucune perte de masse osseuse ou musculaire ».

Un module d'hibernation imaginé par l'ESA

Crédit : ESA

Une équipe du SciSpacE, Concurrent Design Facility (CDF), pour adapter les contraintes de l’hibernation à une mission spatiale. La mission choisie est celle vers laquelle se tourne la course internationale, des États-Unis à la Chine, la mission pour poser les pieds sur Mars. Les chercheurs se sont basés sur la configuration préétablie pour un éventuel futur voyage vers la planète rouge. Cette mission prévoit un équipage de 6 personnes pour une durée de 5 ans, dont les deux fois 180 jours prévues pour franchir le vide spatial entre la Terre et Mars. Ils y ont ensuite ajouté l’élément hibernation.

« Nous avons travaillé à l’ajustement de l’architecture du vaisseau spatial [à l’hibernation], de sa logistique, de sa protection contre les radiations, de sa consommation d’énergie et de la conception générale de la mission « , explique Robin Biesbroek, membre du CDF qui ajoute « Nous avons cherché à déterminer comment une équipe d’astronautes pourrait être mise en hibernation de manière optimale, ce qu’il faudrait faire en cas d’urgence, comment assurer la sécurité des personnes et même l’impact psychologique de l’hibernation sur l’équipe ».

Une solution pleine d’avantages

Conclusion : l’hibernation a beaucoup de côtés pratiques pour une mission vers Mars. La principale et non des moindres, est de réduire la masse de l’engin spatial d’un tiers, soit plusieurs tonnes de matériel en moins ou d’énergie à déployer pour s’extraire de l’atmosphère. Les stocks de nourriture et d’eau pourraient être sensiblement réduits.

Comparaison de deux nacelles de vie pour Mars

Autre avantage, le vide spatial est loin d’être inoffensif, au contraire il expose les astronautes à des radiations. Avec les cellules d’hibernation, un blindage supplémentaire, et des stocks d’eau pourraient faire barrage contre ce danger.

Reste à développer une ou plusieurs IA pour rendre le vaisseau capable d’être autonome la durée du voyage et de ranimer ses occupants. Il faut aussi prévoir, pour éventuellement programmer tout élément inattendu durant l’inconscience de l’équipage. Les recherches vont continuer… En attendant, il n’y a plus qu’à observer la science grappiller toujours un peu plus de terrain sur la Science-fiction.