Ça bouge chez les géants du web. Google a annoncé que le micro-targeting des publicités politiques sera désormais fortement limité. Pressé de réagir à l’approche des élections américaines, Facebook pourrait lui aussi sauter le pas et empêcher les candidats de cibler trop précisément les électeurs sur sa plateforme.

Les équipes de Facebook réfléchissent à augmenter le nombre minimal de personnes pouvant être ciblées par une publicité politique, passant de 100 à quelques milliers, révèle le Wall Street Journal. Du micro-targeting au mini-targeting ? Facebook n’a pas confirmé cette information mais la rumeur d’un changement de règles sur la plateforme agite déjà le camp Trump.

Sur Twitter, la campagne Trump a dénoncé par avance toute atteinte au micro-targeting, « des outils qui nous aident à atteindre plus de supers Américains et à faire entendre des voix que les médias et les géants du web choisissent d’ignorer ! ».

Ce changement de politique de Facebook, encore hypothétique, serait moins volontariste que celui pris par Google qui a décidé de limiter le targeting des messages politiques aux seules catégories suivantes : âge, genre et localisation.

La présidente de la commission électorale américaine, Ellen Weintraub, a salué cette annonce : « Le plan de Google pour éliminer le micro-targeting est une initiative qui peut — si elle est bien appliquée — faire de la publicité politique en ligne une force qui nous informe et nous inspire, plutôt que de nous isoler et de nous enflammer ».

Google s’attaque-t-il vraiment au problème de la désinformation ?

La décision de Google est néanmoins déjà critiquée par des experts du digital. En ciblant uniquement le micro-targeting, la firme américaine ne s’attaquerait pas au fond du problème de la désinformation.

« Les changements de politique de Google, des autres plateformes et des régulateurs devraient se concentrer sur l’influence des mauvais acteurs et la circulation de la désinformation », écrit un groupe de chercheurs de l’Université de Chicago. « Les changements de règles d’utilisation visant à limiter les communications et le dialogue politique légitime ne sont pas la bonne approche pour une société démocratique. »

C’est le fond du problème : faut-il corseter voire interdire les publicités politiques ou considérer au contraire que c’est un moyen démocratique de faire passer des messages aux électeurs ? Au vu du contexte, cette question est éminemment politique.

Limiter les publicités politiques, c’est porter un coup rude à Donald Trump, qui use et abuse de ces messages, parfois mensongers, sur Facebook. Depuis les élections de midterms de 2018, le président américain a investi 26 millions de dollars en publicités sur Facebook et Google.

Les démocrates sont très divisés sur la question : certains pensent qu’en limitant les publicités politiques, on limitera la désinformation du camp Trump ; d’autres sont au contraire persuadés que ces messages publicitaires micro-targetés peuvent être un moyen de répondre de manière ciblée à cette désinformation.

C’est dans cette logique qu’un super PAC démocrate a injecté récemment 75 millions de dollars dans une campagne en ligne destinée à répondre aux publicités agressives de Trump. Tara McGowan, directrice de ce fonds, est vent debout contre la décision de Google. « Ce changement n’empêchera pas la désinformation », déclare-t-elle au New York Times. « Mais il entravera le travail des équipes de campagnes qui travaillent contre la vague de désinformation et tentent atteindre les électeurs avec des faits ».

Exemple concret : sur YouTube, des dizaines de vidéos soutiennent à tort que la sénatrice démocrate Kamala Harris n’est pas une citoyenne américaine. Ces vidéos, qui atteignent parfois les 100.000 vues, ne sont pas des publicités. Le changement de politique de Google ne s’attaque pas à ce problème. Pas plus que la décision attendue de Facebook sur le sujet.