Publiée dans la revue International Journal of Gaming and Computer-Mediated Simulations, l’étude serait la première du genre. Une équipe d’universitaires a ainsi conduit des tests psychologiques auprès des joueurs, pour mesurer l’impact du eSport sur la condition physique et physiologique des professionnels du sport électronique.

Des enjeux monétaires et concurrentiels

L’anxiété liée aux performances, la peur de l’échec, la concurrence acharnée, sont des lieux communs pour tout athlète professionnel. La compétition des joueurs eSport, n’aurait rien à envier au quotidien d’un sportif de haut niveau. C’est en tout cas ce que tend à démontrer une étude dirigée par le Docteur Phil Birch, maître de conférences en psychologie du sport et de l’exercice à l’Université de Chichester, au Royaume-Uni.

Pour mener leur étude à bien, l’équipe de chercheurs a conduit des tests sur des joueurs eSport professionnels qui évoluent sur Counter-Strike : Global Offensive, jeu de tir à la première personne. Il place des équipes l’une en face de l’autre, (opposant des terroristes à des contre-terroristes), les enjeux de communication et de cohésion se rapprochent beaucoup de ceux expérimentés par les équipes de football, ou de rugby, explique Phil Birch.

En outre, l’argent mis en jeu lors de ces compétitions équivaut à des sommes suffisamment importantes pour que le stress et la concentration soient de rigueur : les cagnottes à gagner allant de 75 000 dollars à un million de dollars. À cela s’ajoutent des niveaux d’audience qui mettent une pression supplémentaire. Plus de 380 millions de personnes auraient visionné les compétitions eSport en 2018.

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Une forte pression © Anthony Brolin – unsplash

Aussi depuis quelques années, les équipes d’encadrement eSport se préoccupent de plus en plus des conditions psychologiques dans lesquelles évoluent leur joueurs. En Australie par exemple, une équipe d’élite de CS:GO, Astralis, avait fait embaucher en 2016 un psychologue du sport pour aider les joueurs à faire face à la pression et à la concurrence. Il semblerait que les effets aient été bénéfiques.

Une étude qualitative

L’équipe de Chichester a conduit ses tests sur très peu de joueurs : 7 au total. L’équipe participant à la finale de printemps de la CS:GO Premiership de l’ESP. L’expérience des joueurs allant de 2 à 6 ans dans les sports de compétition.

Les entretiens avec les joueurs ont porté sur l’environnement concurrentiel durant les trois semaines qui ont suivi le concours. L’analyse des conversations réalisées par Skype a ensuite permis d’étudier les facteurs de stress auxquels ont été confrontés les joueurs.

Au total, 51 facteurs de stress ont été relevés. Parmi eux des problèmes d’anxiété due à la compétition en elle-même, ou la diffusion du jeu devant une large audience. La pression exercée sur les joueurs naît également des problèmes de communication entre eux. Sous le stress de la compétition, les critiques verbales qui émanent du leader de jeu peuvent être blessantes. Enfin la peur d’être à l’origine de l’échec de l’équipe ou les tendances à jouer de manière trop individuelle, sont des éléments qui existent aussi. Il semblerait donc que ces facteurs soient semblables à ceux des athlètes jouant dans un stade en effet.

Une pression en interne, mais en externe également. Les propos injurieux des équipes adverses, et les attaques sur les réseaux sociaux sont facteurs de stress eux aussi.

L’équipe de chercheurs en a déduit qu’il existait des stratégies pour améliorer l’état d’esprit des joueurs, les mêmes que dans les équipes de sport traditionnelles. Logique. Aussi des techniques de gestion de stress, de concentration sur le jeu sont préconisées par Phil Birch et ses collègues. Pour résoudre les problèmes de confiance en soi ou la « tenue des discussions en groupe », l’équipe de chercheurs conseille aux joueurs d’éviter les interviews (sans commentaire…), et les réseaux sociaux.

D’autres tests en prévision

Pour continuer leurs recherches, les universitaires pourraient conduire des tests quantitatifs à l’avenir. Notant qu’aucune femme n’était présente dans l’équipe, les chercheurs expliquent qu’il va falloir varier les types de personne à l’étude. Rappelant que les joueuses sont susceptibles de faire face à d’autres facteurs de stress, comme le harcèlement sexuel par exemple.

L’équipe souhaiterait également orienter d’autres études spécifiques aux leaders de jeu – fort critiqués par les joueurs – mais qui doivent forcément subir un autre type de pression. D’autres tests de personnalités sont également envisagés.

Rob Black, chef des opérations de l’ESL (Electronic Sports League), a déclaré : « En tant qu’industrie, nous nous attendons à ce que des facteurs de stress à long terme affectent les joueurs […]. Cette étude le prouve et renforce ce que nous disons depuis des années. De nouveaux développements sont nécessaires dans ce domaine, ce qui sera essentiel pour garantir que le nombre de joueurs professionnels continue de croître dans le monde entier. ».

Les similitudes avec le sport professionnel de haut niveau ne s’arrête pas là. L’industrie devenant très fructueuse, les compétitions semblent devenir sujettes aux arnaques. C’est ainsi qu’en septembre 2019, six joueurs professionnels de CS:GO furent arrêtés en Australie, soupçonnés de vouloir truquer des matchs, et parier sur leurs défaites. Face à un marché qui prend de plus en plus d’ampleur, il va probablement falloir investir dans des systèmes de surveillance toujours plus performants pour déjouer ce genre d’actions.