Il a fasciné le monde entier avec son Flyboard à eau, puis dans les airs. Franky Zapata, Iron Man français fan de Marvel et de science-fiction a toujours choisi de vivre ses rêves. Il a pourtant quitté l’école à 16 ans, mais travaille avec l’armée des États-Unis ou encore les forces spéciales françaises. Guidé par sa passion et son acharnement pour le travail parfait, le marseillais n’est jamais à court d’idées et semble ne jamais vouloir s’arrêter.

Après une ouverture du défilé du 14 Juillet plus que remarquée et une traversée de La Manche, on aurait pu le voir prendre la grosse tête. Il n’en est rien. L’accent du sud peut-être … Franc, naturel, transparent, lors du Forum Mastercard de l’innovation 2019, Franky Zapata s’est livré sur son aventure, du titre de champion du monde de jet ski, jusqu’au Flyboard, vendu par l’entreprise Zapata.

Siècle Digital : Qu’est-ce qui a fait que vous êtes passé du jet ski au Flyboard ?

Franky Zapata : Disons que j’ai passé toute une vie de passion. Je ne cours pas après le fait d’enchaîner les titres, les amasser, ou gagner beaucoup d’argent … Je suis parti avec une idée, un rêve, et je n’aime pas laisser les choses inaccomplies. Quand j’ai débuté tout ça, j’avais 16 ans. Pour moi, je ne pouvais pas laisser tomber sans être champion du monde. Je voulais aussi construire mes propres jets, donc je ne pouvais pas laisser tomber tant que mes jets n’avaient pas été champions du monde. Une fois que c’est arrivé, je me suis dit : je fais quoi aujourd’hui ? J’enchaîne les titres ? Ou finalement je regarde ailleurs ? Et j’avais laissé de côté ce rêve de voler, j’avais aussi ce désir de réussir dans ma vie. Parce que même si ce n’était pas une fin en soi de réussir financièrement, c’est malheureusement ce qui régit ce monde. Je ne veux pas être perçu par les gens comme un Géo Trouvetou et passer de l’inventeur dans son garage à un génie, il y a un millimètre. Malheureusement, ce millimètre c’est l’argent. Donc je me suis dit qu’il faudrait peut-être que j’essaye de mettre à profit ce que j’ai appris en vingt ans de vie en hydrodynamique, en mécanique, en pilotage … J’ai commencé à me poser des questions, et ma passion du vol est revenue.

Un jour en travaillant, j’ai vu que j’avais assez de poussée dans une turbine de jet ski pour soulever un humain. J’ai commencé à faire des calculs pour pouvoir faire des essais avec un tuyau de pompier. Et quand j’ai vu qu’il y avait de la poussée, je me suis demandé quelle serait la machine la plus fun pour se balader sur l’eau. Étant fan de Marvel, de science-fiction, j’ai essayé de faire une version édulcorée de Iron Man avec cette machine qui volait grâce à de l’eau.

Siècle Digital : Comment fonctionne le Flyboard Air ?

Franky Zapata : L’idée m’est venue à la seconde même où j’ai posé mes pieds sur le Flyboard à eau quand il fonctionné. À ce moment-là mes amis m’ont dit « ça fait 17 ans que tu galères avec tes jets, là déjà tu as un truc qui marche. Finis-le, et après tu penseras à le faire voler sans eau. » Ils avaient raison. Du coup, comment ça fonctionne ? Il y a cinq turboréacteurs placés sous mes pieds, avec un algorithme de stabilisation, et tout un tas d’autres algorithmes de redondance, et de système mécanique de redondance pour éviter que tout puisse tomber en même temps en panne. Et tout est 100% étanche. Il y a beaucoup de code. Beaucoup d’algo’, sur le fonctionnement du réacteur lui-même, sur les gestions des pannes, etc. Tout n’est pas automatique, mais c’est le dénominateur commun de l’aviation : le pilote a quand même un rôle à jouer dans sa propre sécurité. Donc il y a aussi des protocoles à suivre en cas de panne, pré-écrits et prédéfinis.

Siècle Digital : Dans les rapprochements avec l’armée américaine ou les forces spéciales françaises, est-ce qu’ils sont force de proposition ils vous aident à améliorer le Flyboard Air ?

Franky Zapata : Pas du tout. En revanche, ils avaient des demandes qu’on croyait farfelues au début. Justement sur le EZFLY qu’on a créé spécialement, car on nous demandait un Flyboard qui vole 10 minutes, mais pas 5 minutes. Que le carburant ne soit plus dans le dos, mais dans la machine. On veut que la taille ne change pas. Que la formation ne soit pas de quelques centaines d’heures, mais quelques dizaines de minutes, voire quelques heures … Donc on nous a fait une lettre au père Noël, mais il n’existe pas. Ça a mis six à huit mois à mûrir dans ma tête, puis finalement j’ai convergé vers le EZFLY qui est un hybride entre un Flyboard Air et un Segway. La machine ne fait qu’un avec le corps du pilote. Et comme la machine ne fait qu’un, le réservoir, qu’il soit sur le dos ou sur la machine c’est pareil. Donc on a pu l’intégrer. Comme on se tient à la machine, pas besoin d’entrer dans des boots. Du coup on peut monter avec ses propres chaussures et du coup comme le haut du corps est maintenu à la machine, elle peut prendre des décisions d’attitudes. Si vous vous penchez trop, elle peut vous remonter. Finalement, on a créé le produit de leurs rêves on a fait le père Noël . Quand on a fini ils ont applaudi, ils nous ont dit bravo, mais pour l’instant les commentaires ne sont pas là (rire).

Siècle Digital : Pour votre participation au défilé du 14 Juillet, c’est Emmanuel Macron qui vous a envoyé un SMS ?

Franky Zapata : Non, c’est passé par l’Agence Innovation Défense avec qui on bosse depuis sa création en novembre de l’année dernière. On est en relation depuis longtemps avec le Ministère de la Défense, la DGA … Déjà après la sortie du Flyboard tout le monde s’est un petit peu excité autour du projet. Depuis la création de l’Agence, on a fait un vol sur la Seine. Et il y avait cette idée du 14 Juillet qui planait un peu dans l’air. Moi je n’y croyais pas personnellement. Je ne pensais pas qu’on allait me faire assez confiance pour voler à quelques dizaines de mètres du Président et des chefs d’État. Une semaine avant je n’avais pas pris la décision. Finalement je me suis retrouvé là bas, et c’était un honneur immense pour moi. Je suis Français et je suis patriote. J’aime mon pays, j’aime la région dans laquelle je vis. Et pour moi le 14 Juillet ça représente avant tout la République, ça représente avant tout les valeurs de la France. C’était un jour crucial où avoir pu voler devant les Français représentait beaucoup pour moi.

Siècle Digital : Vous revendiquez d’être patriote, et de tout faire en France. Vous n’avez jamais eu de propositions pour aller vous installer aux États-Unis, par exemple ?

Franky Zapata : J’en ai tous les jours. J’ai même eu une proposition du Michigan qui me proposait 5 ans exonérés d’impôts. On me donnait un terrain pour construire une usine pour faire mes Flyboard à eau. Depuis le lancement du Flyboard air, ça s’est juste accentué, avec plutôt les demandes de pays du Golfe etc. Mais moi je suis bien dans mon pays. Tant que je pourrai rester en France je resterai. Le jour où je partirai, ça ne sera pas pour une question d’argent, ni de rentabilité. Plutôt de capacité. Si je ne suis plus capable de faire mon métier et d’accomplir mes rêves en France, évidemment qu’il faudra que je parte. Mais tant que je serai capable, je resterai en France.

Siècle Digital : Vous avez fait une petite blague tout à l’heure sur l’obsolescence programmée en expliquant que vos machines étaient trop robustes. C’est un problème ?

Franky Zapata : Moi, je suis tout le contraire d’un stratège. Je suis dans la réaction, tout le temps. Et du coup, comme je ne suis pas un stratège, je ne peux pas programmer de l’obsolescence. Le Flyboard, c’est un succès. On n’a quasiment pas de garantie, on a des produits qui tournent encore, qui ont 7 ans et qui sont quasiment neufs.

La leçon à en tirer c’est que les prochains produits qu’on fabrique on ne les vendra pas, on va les louer. J’ai cette philosophie du travail parfait, ça devient obsessionnel peu chez moi. Je ne peux pas mettre en circulation un produit qui n’est pas hyper robuste, testé, et re-testé. Donc ça fait des produits trop fiables et qui saturent les marchés. Donc voilà ces deux leçons à en tirer, c’est bien entendu de ne pas faire de l’obsolescence programmée, ce n’est pas notre philosophie, mais de trouver comment proposer des produits hyper fiables, les utiliser, et gagner de l’argent avec.