J’ouvre cette tribune par un titre volontairement choc de façon à ancrer le sujet d’aujourd’hui dans son époque, celle de la dénonciation affective, irrationnelle et quasi systématique de l’argent dans le business de l’influence. Un peu facile certes, mais ce titre témoigne d’une tendance à la surenchère dont usent et abusent certains médias depuis quelques mois, quitte à nous faire perdre tout esprit critique devant les sommes déboursées par les marques en matière d’influence marketing.

10 Octobre 2019, Les sommes délirantes gagnées par Ronaldo sur Instagram, titre GQ.
23 Octobre 2019, Influenceurs sur Instagram, la bulle commence à éclater, renchérit Slate, et de sous-titrer « Et si toutes ces belles images, ces belles personnes, présentant ces beaux produits n’étaient finalement qu’une grande illusion, un grand bidonnage ? »

Loin de distribuer les blâmes, ni de convaincre médias et partenaires du caractère vertueux d’une campagne d’influence, mon propos prétend avant tout apporter un éclairage rationnel sur notre rapport à l’argent dans une industrie aux pratiques très décriées, par manque de discernement, d’intérêt réel ou d’expertise.

« Le seul intérêt de l’argent, c’est son emploi », écrivait Benjamin Franklin, père fondateur des États-Unis au 18ème siècle. En effet, l’enjeu n’est pas tant de savoir combien on a investi mais comment et à quelles fins ? Voici 4 arguments pour ne pas céder à la vindicte médiatique et poser un regard dépassionné sur un débat corrosif.

1 / Acceptez l’irrationnel

Avant de rentrer dans l’analyse des logiques économiques et marketing qui sous-tendent le déploiement d’une campagne d’influence, il me semble indispensable d’accepter ce postulat : une personnalité, un artiste, quel que soit son talent, bénéficie d’une cote qui évolue au gré des époques, des tendances et de la versatilité du consommateur.
L’évaluation de cette cote repose donc sur une logique spéculative et revêt en cela, une part d’irrationnel. Aussi, on ne s’étonnera pas qu’un annonceur, soucieux d’exalter le désir du consommateur final, s’associe à une personnalité en phase avec l’ère du temps, sans s’offusquer du montant de son cachet. Il s’agit là de logiques économiques pures, cessons de feindre la surprise ou de crier au scandale !

2/ Amortissez vos investissements sur la durée

Célébrité, influenceur, artiste, quel que soit le statut de la personnalité avec laquelle vous choisirez de collaborer, considérez ce partenariat comme un investissement. Celui-ci doit s’éprouver sur la durée pour être profitable. Appliqué au domaine de l’influence, on préférera nouer des relations pérennes, au lieu de multiplier les initiatives opportunistes et dispersées, souvent révélatrices d’incohérences en termes d’image et de positionnement. Négociez un volume de publications mensuels sur les réseaux sociaux, une fréquence d’apparition annuelle aux événements associés à votre marque ou Public Appearances.
Bref, contractualisez votre relation de manière à considérer votre représentant comme un levier indissociable de votre stratégie marketing, actionnable de façon récurrente et par définition, rentable. Voir à ce titre, l’officialisation du partenariat entre l’influenceuse Caroline Receveur et l’enseigne de mode MOA pour une durée de deux ans, le 1er Novembre dernier.

3/ Rationnalisez vos investissements en regard du Mix Media

Nous l’évoquions plus haut, si l’influence peut être un levier d’image stratégique, actionnable facilement, il ne peut se suffire à lui-même et doit s’appréhender en regard d’une stratégie média globale. Jouez par exemple la carte de la complémentarité entre un plan média on line pour atteindre un objectif d’awareness et une campagne d’influence pour toucher d’autres niches et gagner la bataille de l’engagement. Ce faisant, vous réexaminerez le budget dévolu à votre campagne d’influence en regard de l’assiette globale. Et si les tarifs publicitaires appliqués par les régies média de titres dit statutaires, ou les publi-rédactionnels financés par les grandes maisons de mode ont fini de heurter les puritains du marketing, les mêmes s’habitueront à cet irrémédiable changement de paradigme.

4/ Mesurez le ROI de vos campagnes

Pour étayer ce dernier argument, je vous invite à lire ou relire ma dernière tribune LinkedIn, le ROI de l’influence, pourquoi c’est simple. Basique. Elle recense les principaux objectifs de l’influence marketing (awareness, engagement, conversion) et offre des clés pour en prendre la mesure.
En outre, j’attire votre attention sur un indicateur de performance rarement abordé dans ces débats, le Cost Per Engagement ou CPE. Généralement appliqué au media buying, le CPE permet de calculer la rentabilité de votre campagne par rapport à un objectif d’engagement. Le calcul du CPE est effectué en divisant la totalité des coûts publicitaires par le nombre d’actions d’engagement (likes, commentaires, clics, partages).
Appliqué à la sphère de l’influence, vous l’obtiendrez en divisant le montant du cachet d’un influenceur (hors coût de production du contenu, défraiement, traitement, etc.…), par le volume total des interactions générées dans le cadre d’une campagne ou sur une période de temps donnée. Une approche fondée, rationnelle et quantifiable, pour échapper à la doxa et nourrir une réflexion marketing éclairée !