Grâce au soutien du gouvernement et des investisseurs, les startups françaises se développent. Parmi elles, nombreuses sont celles qui évoluent dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Ainsi, plus de 432 startups sont répertoriées dans ce secteur, selon un rapport présenté hier, durant la quatrième conférence annuelle consacrée à l’IA, et se déroulant dans les locaux de Station F, campus réservé au développement de start-up.

Un phénomène qui ne garantit pas forcément le succès à long terme

Pendant cette conférence annuelle du 23 octobre, les interlocuteurs auront pour objectif de pointer les défis technologiques que représente le développement de l’IA, devenu un véritable écosystème français, d’après STATION F. Ces défis, sont liés au secteurs des affaires, à l’impact sociétal et au réseau qu’il sera nécessaire de développer pour l’avenir des startups travaillant dans ce domaine.

Photo bâtiment

STATION F, campus situé à Paris, regroupant plus de 1000 startups – Crédit : SATION F/France digitale

Le rapport présentant les 432 startups, a été réalisé par Roland Berger, cabinet de conseil international, et France Digitale, association censée promouvoir cet écosystème français en IA, pas assez reconnu sur le plan international d’après l’organisation. Il est utile selon France digitale de le soutenir.

Nicolas Brien, à la tête de l’équipe opérationnelle de l’association, se réjouit des conclusions de ce rapport, arborant des chiffres censés démontrer la compétitivité de la France sur le plan international. Travaillant sur l’analyse de données volumineuses, la vente au détail, les soins de santé et le support client, les startups françaises seraient désormais en mesure de rivaliser avec les « hubs » d’IA européens traditionnels tels que le Royaume-Uni.

Cette analyse se fonde principalement sur l’argent investi sous forme de « capital-risque » entre 2014 et 2019, soit 1,241 milliard de dollars, contre 1,241 milliard pour le Royaume-Uni par exemple. Il apparait en effet que les startups aient battu leur record en levées de fond cette année, à en croire d’autres études comme celle effectuée par le cabinet In Extenso. Autre élément important selon le cabinet d’études et l’association : le nombre de startups qui a quasiment doublé dans le domaine de l’IA en 2019, tendance incitée grâce à la levée de fonds de Meero, plateforme de photographie pour l’IA qui a recueilli 203 millions de dollars, d’après le rapport – 209 millions selon In Extenso.

Logos des entreprises référencées par le rapport cité dans l'article

Startups référencées dans le domaine de l’IA – Crédit : France digitale

Crédit : France digitale

Nicolas Brien s’étonne de ce financement facilité depuis 3 ans, dans ce qu’il appelle la « technologie profonde« . Il est également précisé que le domaine de l’intelligence artificielle a été repéré par le gouvernement il y a quelques années, comme un moyen de stimuler l’économie française sans dépendre de la Chine et des États-Unis. Une étude a d’ailleurs été menée par le gouvernement sur le sujet, portant sur les défis, et les opportunités que présentent le domaine en question.

En demande de brevets et de recherches publiées, La Chine, les U.S.A et le Royaume-Uni restent en avance, indique cependant le rapport. À noter d’ailleurs que la Chine investit dans des startups anglaises. Néanmoins, les partenariats entre les startups françaises et les universités sont en train d’augmenter.

Cette dernière remarque va dans le sens de certains investisseurs pour qui l’IA représente un défi. À l’instar de Cédric Favier, directeur de l’investissement au cabinet Elaia, qui décrit les trois grands domaines de start-up dans l’IA :
Le développement de produit, autrement dit « le coeur technologique », ces sociétés sont généralement constituée de docteurs et ingénieurs recherche, dont le travail est le fruit d’une expertise IA. Vient ensuite le domaine de l’infrastructure, lié aux calculs établis grâce à l’IA, et solutions bio-informatiques, permettant par exemple des calculs sur la génomique. Enfin il y a le domaine de l’utilisation de l’IA pour définir ou développer une valeur ajoutée à un produit, et améliorer ses capacités, son efficacité.

Ce dernier cas est parfaitement illustré par Meero, considéré par de nombreux professionnels de la photographie comme « l’uberisation du métier de photographe ». Statut lui-même reconnu par le fondateur de Meero, Thomas Rebaud : « Pour qu’une entreprise soit susceptible de nous racheter un jour, explique-t-il aux Echos, nous devons développer et intégrer une communauté, ne pas être seulement le Uber de la photo ». Aussi l’objectif de Meero sur le long terme, n’est pas le développement, mais le rachat. Est-ce là un objectif commun à beaucoup de startups ?

Si oui, alors le domaine de l’IA perd de son aura, car cette prouesse technologique est utilisée dans des cas comme celui-ci, comme un simple vecteur d’argent, au détriment d’une certaine qualité, à l’image de Meero, précisément. Car c’est le regard de l’auteur qui est perdu. Bradant les prix des photos corporate grâce à l’utilisation d’algorithmes d’IA, et permettant un maximum de retouches en un minimum de temps, pour une meilleure valeur ajoutée. En effet, amélioration des capacités, et efficacité il y a, avec en prime la mort d’un métier et d’un savoir-faire, les photographes faisant leur chiffre en grande partie dans le corporate. D’autant que le bénéfice accumulé ne se répercute pas, bien entendu, sur le salaire des photographes employés. Il est vrai qu’une start-up n’a aucun intérêt à agir de la sorte, le salaire des employés, et encore moins celui des travailleurs indépendants (il va de soi) n’entrant dans la valorisation de l’entreprise…

Autre point dont il faut tenir compte, la difficulté qu’ont les startups en France à passer le premier tour d’investissement. Aussi, si les chiffres témoignent de nombreux investissements en capital-risque, les entreprises peinent ensuite à trouver des investissements plus « importants, et plus tardifs ». Cette tendance vient peut-être de deux éléments à prendre en compte : l’objectif des investisseurs, et la durabilité du produit ou du service proposé par la start-up. Certaines entreprises se voient refuser un investissement en capital-risque car leur business plan ne montre pas une courbe de rentabilité suffisamment exponentielle sur un temps court. Autrement dit les investisseurs ont une exigence de rentabilité assez rapide, à l’image du gouvernement qui, grâce à son programme d’investissement dans les start-up compte augmenter le nombre de licornes d’ici 2025. Pourtant certains produits nécessitent parfois d’un certain temps pour se développer, et cela n’entache en rien leur efficacité par la suite. Autre élément qui découle du précédent : comment susciter d’autres investissement sur le long terme, si le produit ou le service imaginé ne permet pas une certaine pérennité ?

Par conséquent le modèle économique des startups ne confèrent pas une durabilité au domaine de l’IA, et si celui-ci reste porteur, les futurs entrepreneurs auront intérêt à bien examiner la portée, et la durabilité de leur produit pour être sûr de ne pas se tromper en choisissant la statut de start-up, plutôt qu’un autre type d’entreprise. En d’autres termes, et pour prendre le problème à l’envers, le domaine de l’IA ne confère pas non plus la durabilité des startups ou leur réussite, il apparait simplement que compte-tenu de l’avenir qui se dessine, ne serait-ce qu’en observant les tendances établies par la Chine, leader dans ce domaine, les besoins en IA n’auront de cesse d’évoluer.

Enfin, comme le rappelait une étude de MMC Ventures (cabinet d’investissement londonien), rapportée par les Échos au début de cette année : il ne suffit pas de se déclarer start-up en IA pour l’être vraiment. L’étude avait en effet constaté que 60 % des startups référencées dans ce domaine, n’étaient pas en mesure de prouver qu’elles « faisaient de l’intelligence artificielle ». Sans forcément présumer d’une mauvaise intention de la part des fondateurs des entreprises – un peu moins des marketeurs, rapporte le journal – cette constatation de la part du cabinet, tiendrait du flou encore présent quand il s’agit de définir ce qu’est l’intelligence artificielle, parfois réduite à de l’apprentissage automatique. Pour information, voici la définition complète de celle-ci, établie par Marvin Minsky : « La construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique. ». Le rapport proposé à la 4e édition annuelle de STATION F, consacrée à l’IA, ne précise pas si toutes les startups référencées suivent cette définition, en tout cas pas d’après ce qui est rapporté.