Le Journal Du Netrévélé hier que 26 des 30 sites d’actualité les plus fréquentés ont craqué devant Google. Ils ont accepté de laisser gratuitement les aperçus et illustrations de la plateforme malgré l’entrée en application du droit voisin le 24 octobre.

Google contourne la loi française

Le 23 juillet la France a été le premier pays à transposer dans sa législation nationale la directive européenne « Le droit d’auteur dans le marché unique numérique » datée du 26 mars 2019.

Cette directive introduit notamment le fameux droit voisin dans l’article 11 du texte, devenu à force de modification l’article 15. Pour rappel, le droit voisin a pour but d’instaurer des accords de licences entre les plateformes, Google, Facebook, Twitter, et les médias qu’ils référencent et diffusent.

Les plateformes sont naturellement très hostiles à cette mesure qui aurait pour conséquence de leur imposer de redistribuer une partie de leurs revenus aux médias par le biais de ces accords de licences. Elles ont livré un intense lobbying pour barrer la route à une telle directive. Google a souhaité aller plus loin encore en défiant directement la France et par extension l’Europe.

L’entreprise de Mountain View a annoncé le 25 septembre par communiqué que plutôt que payer Google allait retirer de sa page Google Actualités et de son moteur de recherche les extraits d’articles et les illustrations. En somme seuls le titre et l’URL d’un article seront indiqués, « sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait [que l’extrait et l’illustration soient présents] » précise Google. Évidemment, cette autorisation ne signifie pas d’accord de licence, signifie aucune redistribution.

Richard Gingras, vice-président en charge des médias de Google a fait savoir « Nous n’avons pas l’intention de payer une licence pour la reprise de l’extrait d’un contenu ». Selon des propos rapportés par Le Monde Richard Gingras en fait une question de « principe ».

Dans le même communiqué du 25 septembre, Google propose aux éditeurs d’accepter d’afficher ces éléments gratuitement, ajoutant généreusement de nouveaux réglages « grâce auxquels les éditeurs peuvent indiquer la quantité d’information qu’ils souhaitent voir apparaître sous forme d’aperçu dans les résultats de la recherche ». Un contournement à peine déguisé de la loi.

Les médias n’ont pas eu d’autres choix que céder

Beaucoup d’éditeurs ont craqué face au géant du numérique. La mise à jour des services de Google a eu lieu le 16 octobre et sera complètement appliquée le 24, jour d’entrée en vigueur de la loi française. Le JDN rapporte que « 26 d’entre eux avaient déjà intégré dans le code de leurs pages articles les balises méta signifiant à Google qu’ils acceptent son deal » le 21 octobre.

Certains se sont emparés de la possibilité de limiter les aperçus fournis par Google. Franceinfo, par exemple a limité à 300 signes les extraits disponibles, Francetvinfo a limité ses extraits vidéos à 3 secondes, Le Parisien a lui limité ses extraits à 160 signes, etc. Les quatre résistants, ou plutôt qui n’était pas à jour le 18 octobre sont Le Point, La Provence, Orange Actu et Yahoo News.

Difficile de juger ces éditeurs, comme le rappelle assez perfidement Google dans son communiqué du 25 septembre, le moteur de recherche est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites de presse en Europe. C’est justement cette position dominante qui motive la loi que Google contourne.

Car cette position à un coût bien réel pour les médias. Facebook et Google à eux deux concentraient 78% des investissements numériques des annonceurs en 2017. Les médias qui créent le contenu que les deux géants ne font souvent que relayer ne ramassent que les miettes.

La France et les médias n’ont pas dit leurs derniers mots

Face à cette situation et à l’affront de Google envers la législation française Emmanuel Macron a réagi fermement le 16 octobre, « Certains acteurs comme Google souhaitent aujourd’hui s’affranchir [des règles]. Nous ne laisserons pas faire ». Le président français a demandé aux autorités de la concurrence « d’engager au plus vite toutes les procédures possibles ».

De leur côté les grands médias n’ont pas totalement baissé les bras. Le 19 septembre 2018 a été créée l’Alliance de la presse d’information générale qui rassemble 64 titres de presses et 430 éditions locale pour répondre pied à pied aux GAFA. Marc Feuillée, directeur général du Groupe Figaro et vice-président de l’Alliance a confié au Monde que « Les éditeurs étudient aussi les voies juridiques possibles ». Affaire à suivre…