Le 21 octobre Facebook a annoncé une liste de mesures prises pour « protéger » la campagne présidentielle 2020. Parallèlement, la firme affirme le même jour avoir supprimé 4 réseaux de faux comptes provenant de Russie et d’Iran.

Des nouvelles mesures pour « protéger l’intégrité des élections »

En septembre 2019, Nick Clegg, désormais responsable des affaires internationales et de la communication de Facebook, annonçait que la firme ne soumettrait pas les publications des politiques à son système de vérification. Pas question « d’arbitrer les débats politiques et d’empêcher le discours d’un homme politique d’atteindre son auditoire et de faire l’objet d’un débat et d’un examen minutieux ». Pas question non plus pour la société Facebook de revivre les accusations portées contre elle en 2016. Cette décision s’accompagne aujourd’hui d’un ensemble de mesures pour « protéger » la campagne présidentielle de 2020. Les voici répertoriées ci-dessous.

Les comptes des candidats seront automatiquement soumis à la double authentification, et surveillés par Facebook pour vérifier s’ils ne sont pas piratés, et si aucune tentative de connexion suspecte n’est effectué depuis un autre appareil ou à partir d’un emplacement individuel.

Les comptes d’organisations spécifiques verront des informations supplémentaires apparaitre obligatoirement sur leur page comme : le nom légal, la ville, le numéro de téléphone, ou le site Web de l’organisation.

Les éditeurs « entièrement ou partiellement sous le contrôle éditorial de leur gouvernement » seront marqués comme « médias contrôlés par l’État », ce qui n’est pas sans rappeler la décision de YouTube à ce sujet. Le Journal The Verge ajoute que le Russia Today, connu pour couvrir les nouvelles provenant des U.S.A, fera partie de cette liste. Il n’est pas précisé quels autres médias seront concernés pour le moment, mais Facebook annonce qu’une liste sera bientôt disponible en novembre. Il est également précisé qu’une distinction sera faite entre les « médias contrôlés par l’État et les médias publics ».
Si le média public – et donc financé par l’État – peut démontrer qu’il dispose d’un contrôle éditorial indépendant, il ne sera pas considéré comme étant sous le contrôle de quelconque autorité gouvernementale. Pour établir cette distinction, la firme déclare avoir fait appel à des experts du monde entier, regroupant des spécialistes des médias, de la gouvernance, et des droits de l’homme. Les personnes consultées appartiennent à des institutions universitaires « de premier plan », des organisations à but non lucratif, et des organisations internationales telles que Reporters sans frontières, le Centre international d’assistance aux médias, le Conseil de l’Europe ou encore UNESCO. Il nous tarde donc d’aller consulter cette liste en novembre…

Autre décision, pour le moins intéressante : la mise à disposition d’un outil permettant d’afficher les dépenses consacrées à la publicité de leur campagne par les candidats, ainsi que les dépenses réalisées au sein des régions et des États pour tenter d’atteindre les électeurs dans certaines zones géographiques.

Outil mis à disposition par Facebook pour rétudier les dépenses des politiques pour leur campagne publicitaire

Crédit : Facebook

Outil présentant la liste des politiques dont les dépenses ont été étudiées

Dépenses publicitaires des politiques – Crédit : Facebook

Seront également mis à disposition des journalistes, des législateurs et des chercheurs, des outils comme les rapports publicitaires et les API (Interface de programmation applicative) pour leur permettre d’analyser toutes ces données. Les annonces diffusées sur Facebook, Instagram, Messenger seront relevées, les filtres d’API permettront également un « accès par programmation au téléchargement de créations publicitaires ».

Le groupe a également pour intention de lutter contre la « désinformation » et la « propagation » des fausses informations relevées sur Facebook et Instagram, grâce au système de vérification par un tiers : soit en réduisant la distribution de ces informations erronées sur Explorer et dans les hashtags, soit en les étiquetant dans les prochains mois, comme le montre l’image ci-dessous :

Notification de Facebook pour indiquer qu'il s'agit d'une fausse information

Crédit : Facebook/Instagram

Comme rappelé précédemment, Facebook avait annoncé que les propos des candidats ne serait pas soumis à la vérification car le réseau social n’a pas pour rôle d’intervenir dans la campagne électorale, avait-il été déclaré. Ce type d’opération ne devrait donc pas s’appliquer aux politiques.

La firme souhaite combattre la suppression et l’intimidation des électeurs. Cette mesure vient redorer le blason de Facebook, qui, entre 2010 et 2016 avait mené plusieurs expériences pour mesurer l’influence exercée par le réseau social sur les intentions de vote des électeurs. Depuis les accusations de 2016, et le scandale de Cambridge Analytica, le groupe a été forcé de constater l’existence de nombreuses dérives circulant sur le réseau social, comme : la collecte de données personnelles associées à des tentatives de déstabilisation, la création de fausses informations vendues à la presse via de faux comptes Facebook, et la diffusion massive de fausses informations grâce à la création de groupes.

Tout ceci avait été reconnu lors d’une enquête interne conduite par trois chercheurs de Facebook, Jen Weedon, William Nuland et Alex Stamos, en avril 2017, rapportait le Figaro il y a un an. Depuis, nombreuses ont été les déclarations faites par Mark Zuckerberg pour exprimer sa volonté de lutter contre la désinformation et protéger les données des utilisateurs.

Pas étonnant donc de constater qu’une rubrique est aujourd’hui consacrée à la lutte contre l’intimidation des électeurs, rappelant que toute tentative d’influencer les votes seront mises à l’écart. D’une part en interdisant les publicités payées suggérant que le vote est inutile, d’autre part en travaillant avec les institutions pour lutter contre la répression localisée des électeurs. On se souvient effectivement des campagnes menées pour discréditer certains candidats sur les réseaux sociaux, dissuadant ainsi les électeurs d’aller voter.

Enfin, Facebook annonce avoir investi 2 millions de dollars pour soutenir des projets conçus pour « aider » les gens à « déterminer ce qu’il faut lire et partager – à la fois sur Facebook et ailleurs ». La firme se targue d’inclure les leçons tirées par « l’équipe jeunesse et médias du Centre Berkman Klein », et de mettre à disposition la licence « Creative Commons » (établie par l’université de Harvard) à sa bibliothèque d’alphabétisation numérique. Il est pour le moins étonnant de constater cette volonté de « déterminer ce qu’il faut lire et partager » de la part d’un réseau social, ayant indiqué que son rôle n’était pas d’intervenir dans les campagnes électorales. Facebook affirme cependant vouloir développer les « efforts » en matière « d’éducation aux médias aux États-Unis ».

Jusqu’ici la firme n’a jamais hésité à faire part de ses « valeurs » et de son souhait d’inculquer la gentillesse aux enfants grâce à Messenger Kids, par exemple. Cette dernière mesure vient cependant placer le réseau social sur une autre échelle, celle de l’éducation. Est-il souhaitable qu’un groupe aussi puissant que Facebook, collectant des millions de données personnelles, vienne en plus afficher sa volonté et sa participation à l’enseignement des citoyens ? N’est-il pas pour le moins étonnant qu’une société privée s’octroie le droit, et le rôle, d’intervenir dans le financement de l’éducation aux médias ?

Rien n’est dit au sujet du fonctionnement et de l’application de ces mesures à Facebook Watch, ayant pour le coup, une vocation à transmettre des contenus d’actualité.

Des réseaux de propagande

Parallèlement à ces mesures de protection, Facebook a également déclaré avoir démantelé trois réseaux de propagande en Iran, et un en Russie. Ces derniers avaient pour cible les États-Unis, l’Afrique du Nord, et l’Amérique latine. Leur comportement présumé « inauthentique » a conduit Facebook à supprimer leur compte, qui précise avoir agit en fonction de leur comportement, et non du contenu publié. Les réseaux sont ainsi accusés d’avoir agi en coordination et d’avoir utilisé des « faux comptes pour se présenter sous un faux jour ». Plus de 50 réseaux ont ainsi été évincés, rappelle Facebook.