La première réunion officielle des membres du projet de monnaie virtuelle Libra, initié par Facebook, s’est tenue le 14 octobre à Genève. En parallèle Booking.com a annoncé se retirer du projet, un énième départ pour Libra.

Les gouvernements font pression contre Libra

Difficile pour l’association qui chapeaute Libra de moins bien débuter sa première réunion officielle à Genève. Booking.com, le numéro un de la réservation d’hôtel en ligne, s’est à son tour retiré du projet lancé par Facebook. Après 4 mois seulement, il reste 21 entreprises et associations sur les 28 présentes à l’annonce de la création de Libra le 18 juin 2019.

Les membres de l'association Libra à l'origine.

Les membres de l’association Libra à l’origine.

Des mastodontes demeurent membre de l’association, Facebook bien sûr, représenté par sa filiale Calibra, Spotify, Vodafone, Uber ou encore Iliad, l’entreprise de Xavier Niel, qui s’est fendu d’une tribune dans les Échos pour défendre le projet.

Mais la structure a perdu l’essentiel des sociétés de paiements mondiales, Visa, Mastercard, PayPal. Ces acteurs auraient pu être bien utiles pour inciter les consommateurs à transformer leur devise en cryptomonnaie. Dans ce secteur le dernier survivant est PayU, une entreprise néerlandaise qui n’est implantée ni en Amérique du Nord, ni en Afrique, ni au Moyen-Orient.

La pression de plusieurs gouvernements est pour beaucoup dans ces défections. Deux sénateurs américains, Brian Schatz et Sherrod Brown ont par exemple envoyé des lettres à Mastercard, Visa et Stripe, une autre entreprise qui a déserté le projet, pour leur demander de bien réfléchir avant d’intégrer Libra.

Mi-juillet Libra s’était même invitée au menu d’une réunion du G7 des ministres des Finances et patrons de banques centrales. À cette occasion, un groupe de travail a été constitué pour réfléchir à la création de la cryptomonnaie.

La principale crainte pour les États est de voir disparaître leur souveraineté monétaire. En septembre, en marge d’une conférence de l’OCDE, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, hostile dès le 11 juillet à l’apparition de Libra dans l’Hexagone, a développé ses craintes : « Le libra soulève des risques pour les consommateurs et les entreprises. Et aussi un risque systémique, à partir du moment où il y a 2 milliards de consommateurs ».

Il a ajouté que la monnaie de Facebook pouvait amener une « privatisation éventuelle d’une monnaie qui soulève des risques d’abus de position dominante » dans les pays à devise faible. Sans compter les risques de blanchiment que pourrait permettre Libra.

L’association basée à Genève essaie tant bien que mal d’apaiser les inquiétudes. La monnaie virtuelle sera adossée à des devises stables comme l’euro ou le dollar, explique-t-on du côté de Libra. Bertrand Perez, un franco-espagnol, ancien de PayPal, tout juste nommé directeur par intérim de l’association, assure également que le Libra « est un système de paiement, pas une monnaie spéculative » et qu’elle ne devrait pas dépasser les 200 milliards de dollars rapporte Le Monde.

Libra provoque un autre trouble, celui du respect de la vie privée. Le rôle de Facebook, qui ne s’est pas vraiment illustré dans le domaine ces dernières années est pointé du doigt. Sa filiale créée pour l’occasion, Calibra, assure que les deux entités seront séparées et la maison mère ne pourra s’en servir pour son ciblage publicitaire… Même si le Libra pourra être utilisé sur Messenger et Whatsapp.

L’association Libra affiche sa sérénité contre vents et marées

Toutes ces méfiances et défections n’entament pas le moral des membres de l’association officiellement fondée le 14 octobre en Suisse, où est installée l’association.

Un conseil d’administration de cinq personnes a été formé, avec notamment David Marcus, le représentant de Calibra, et une charte signée par les membres. Une obligation pour s’inscrire auprès du régulateur suisse, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers.

Pour Bertrand Perez, interrogé par Capital, « Les 21 membres officiels sont motivés à 2.000%, croient vraiment au projet et ont la volonté de le faire avancer ». Il ajoute que 1600 sociétés se sont montrées intéressées pour le projet qui vise les 100 membres en décembre. Encore faut-il que parmi ces 1600 structures il y en ait suffisamment pour répondre aux conditions demandées, 10 millions de dollars à mettre sur la table, toucher 20 millions de personnes, etc. D’après le communiqué annonçant la création de l’association, elles sont 180 à répondre actuellement aux critères.

Le lancement de Libra devrait toutefois être repoussé pour répondre aux interrogations des régulateurs. un retard qui n’inquiète pas vraiment Bertrand Perez « Un décalage de la date ne sera un drame pour personne et surtout pas pour nous. ».

Désormais la prochaine échéance majeure pour Libra est le 23 octobre. À cette date Mark Zuckerberg doit s’exprimer devant le Congrès, une première depuis Cambridge Analytica. La Chambre des représentants a bien l’intention de questionner le PDG de Facebook au sujet de sa future cryptomonnaie.