Aux États-Unis les élections présidentielles de 2020 sont lancées depuis déjà plusieurs mois. Et qui dit campagne présidentielle dit dépenses publicitaires. Pour profiter au mieux de cet immense marché, Google a introduit, récemment, un nouvel outil sur YouTube. Appelé Instant Reserve, il doit permettre aux politiciens américains de réservés automatiquement des emplacements publicitaires sur la plateforme pour toute l’année 2020. Avec cet outil YouTube se rapproche, en matière de publicité, des pratiques de la télévision.

Cette annonce montre à quel point les plateformes se mettent en ordre de bataille avant l’élection présidentielle de 2020. Il y a quelques jours le sujet n’était pas la publicité, mais la modération. Une question qui n’est pas anodine après les outrances de 2016. YouTube avait annoncé que les politiques seraient soumis aux mêmes règles que les autres utilisateurs, un commentaire considéré comme une incitation à la violence sera supprimé. Mais la plateforme a mentionné quelques exceptions. Les commentaires liés à l’éducation, le domaine scientifique, artistique ou les références à l’actualité seront gardés. Les vidéos qui s’inscrivent dans le contexte du débat politique ou les analyses d’un événement en cours le seront également.

3,2 milliards de dollars dépensés pour la campagne présidentielle américaine de 2016

En 2016 la campagne présidentielle avait atteint des sommets en termes de dépense. L’ensemble des candidats avaient dilapidé 3,2 milliards de dollars, établissant ici un record stratosphérique. Ce chiffre ne s’explique qu’en partie que par le contexte politique : le président sortant, Barack Obama, ne se représentant pas, les deux primaires, démocrates et républicaines avaient un réel enjeu, ce qui rime mécaniquement avec frais supplémentaires. Cependant l’explication serait plutôt à situer du côté d’une loi de 2010. La loi en question autorise les PAC, comités d’action politique, devenus à l’occasion des super PAC, à récolter de l’argent de façon illimitée.

Forcément, argent illimité rime avec entreprises pour en profiter. Instant Reserve ouvre les réservations disponibles dès le 15 novembre, presque un an jour pour jour avant l’élection présidentielle du 3 novembre 2020.

Les politiciens font figure de test pour ce nouvel outil qui est destiné à être ouvert plus largement. L’objectif de Google est de montrer qu’un spot sur YouTube va atteindre plus finement l’électorat cible que s’il était diffusé à la télévision. En 2018, à l’occasion des élections de mi-mandat, les middterms, Google a recruté des consultants et sondeurs pour prouver que YouTube pouvait cibler de façon granulaire un électeur hésitant. L’Ohio et la Caroline du Sud, deux États clés pour l’investiture démocrate, font déjà l’objet de ciblages publicitaires importants auprès de Google.

C’est une réelle course au meilleur emplacement publicitaire qui est en train de se jouer. YouTube, pour mieux en profiter, à même ajouté un emplacement publicitaire très exposé, sur l’en-tête de la home page de son application TV.

En 2016 Trump et Hillary Clinton avaient dépensé à eux deux 81 millions de dollar en achat publicitaire sur Facebook. Pour 2020 Donald Trump et l’ensemble des candidats démocrates ont déjà dépensé 70 millions de dollars pour leur campagne digitale. Ce n’est pas Google qui est le plus recherché, selon les chiffres d’une association à but non lucratif, Acronym, 46 millions de dollars d’espaces publicitaires ont été achetés à Facebook, contre 23 millions pour Google.

Les dépenses publicitaires sur Google et Facebook des candidats à la présidentielle 2020. Crédit : Acronym.

Donald Trump représente à lui seul 40% des achats de publicités politiques sur Facebook et Google

Facebook reste LE réseau par excellence de Donald Trump, celui qui, dit-on, l’aurait fait gagner en 2016. Dès le 17 juin, à la veille de l’annonce de sa candidature à sa réélection, Trump a dépensé 6,7 millions de dollars sur Facebook. Les publicités en question permettaient d’envoyer une carte au président pour son anniversaire, et surtout de récolter de précieuses données pour la campagne à venir.

Aujourd’hui, Trump représente à lui seul 40% des dépenses publicitaires sur les réseaux sociaux, tous candidats confondus. Soit 24 millions de dollars dépensés pour environ 262 000 publicités. À titre de comparaison, Elizabeth Warren, passé en tête des sondages pour la primaire le 8 octobre a dépensé 5,5 millions de dollars, l’équivalent de 40 000 publicités.

Grâce aux données récoltées par Acronym il est même possible de savoir quelles États sont ciblés par les publicités. Donald Trump a, par exemple surtout acheté des publicités au Texas, 7,9%, État historiquement républicain qui pourrait tomber dans l’escarcelle des démocrates, et en Floride, 7,2%, swing state bien connue, État clé de la réélection des trois prédécesseurs du président des États-Unis. Sa possible concurrente, Elizabeth Warren a choisi la Californie, 9,1%, État démocrate a conquérir pour la primaire, et pour les premiers États qui vont voter à la primaire, Iowa, 6,8%, New Hampshire, 5%.

Répartition des achats publicitaires sur Google et Facebook de Donald Trump par État. Crédit : Acronym.

Les dépenses en publicité sur les réseaux sociaux seront sans doute particulièrement scrutés. Le scandale Cambrdge Analytica est encore dans tous les esprits. Pour rappel, l’entreprise britannique avait récupéré, à leur insu, des informations sur 87 millions de comptes Facebook, au bénéfice de Donald Trump pour l’élection présidentielle de 2016. Des informations récentes tendent à prouver que Facebook avait été mis au courant dès 2015 des pratiques illégales de Cambridge Analytica. La récolte et l’utilisation de données pour cibler les électeurs dont devenus un enjeu incontournable pour toute élection, mais il est souhaitable que pour les élections 2020 leur gestion soit plus éthique.