Les visites du site ne cessent d’augmenter depuis ces dernières années sur le site de Tchernobyl, situé non loin de Kiev. La zone connait un « intérêt grandissant » depuis que la série à succès, Chernobyl, est diffusée sur Netflix, reprenant les terribles évènements de 1986. Face à cet « engouement » les organisateurs de Tchernobyl Tour ont décidé d’ouvrir la salle de contrôle du réacteur 4 au public. Pour entrer dans cette chambre encore hautement radioactive, les touristes devront respecter certaines conditions de sécurité.

Une visite pour le moins particulière

En juillet, le président ukrainien Vladimir Volydymyr a officiellement proclamé par un décret la région comme attractive pour les touristes, de par son histoire, et peut-être aussi en raison du vif intérêt causé par la série HBO Chernobyl. C’est en effet avec un profond réalisme que cette dernière relate la plus sombre catastrophe nucléaire de l’histoire. Depuis sa sortie en mai 2019, les visites auraient augmenté de 30 %, « les gens sont de plus en plus curieux » et posent énormément de questions en lien avec la série, déclarait l’une des guides à Reuters.

Reconnu pour faire partie des sites de « tourisme macabre », le Tchernobyl Tour organise des visites sur la journée. Plus les gens sont prêts à mettre le prix fort, plus ils seront en mesure d’accéder à des sites sensibles, comme le site abandonné de Tchernobyl, la station radar d’une base militaire secrète, la centrale nucléaire, et la zone d’exclusion de 30 km. Il semblerait que les organisateurs aient décidé d’aller encore plus loin en ouvrant l’accès à la salle de contrôle du réacteur 4.

Autrement dit la salle dans laquelle les tests dépassant les consignes de sécurité ont causé l’explosion du réacteur en 1986. Il sera désormais possible, en suivant quelques consignes de sécurité, de la visiter. Hormis la tenue vestimentaire qui comprend une combinaison, des gants et un casque, les touristes devront se soumettre à un test de radioactivité pour « évaluer leur exposition ». Le temps de visite ne pourra pas excéder les 5 min, la salle présentant toujours un taux de radioactivité 40 000 fois supérieur à la normale.

Tchenobyl : salle de contrôle du réacteur 4 ouverte au public

Crédit : Dailymail

Le président ukrainien a déclaré vouloir sortir la région autour du site du « négatif », rappelant qu’étant inhabitée ou presque depuis 33 ans, la zone abrite une « impressionnante biodiversité qui attire des chercheurs du monde entier ». lien (lactualité.com). D’après plusieurs groupes de recherches, les études montrent une faune abondante, et une absence « générale » d’effets négatifs des rayonnements sur les populations animales. Les anomalies persistantes sont à prendre au cas par cas, expliquent les scientifiques, et les altérations génétiques, ou les dommages causés sur les systèmes immunitaires ne semblent pas mettre en péril le maintien des populations animales.

Bonne nouvelle, si l’on en croit cette équipe de chercheurs venus de différents pays. De là à inviter des personnes à s’exposer dans une salle encore hautement radioactive, le doute persiste. Le travail de mémoire sur cette catastrophe qui aura causé des radiations 400 fois supérieures à celles causée par Hiroshima en 1945 est indiscutable. Au même titre que les camps de concentration ou d’extermination par exemple. Que ce type de visite puisse venir « renflouer » les comptes de la région semble également acceptable, il faut bien reconstruire, et laisser un site à l’abandon ne semble ni judicieux, ni responsable. À cette différence près qu’un groupe de touristes visitant Auschwitz, forcément atteint et marqué par l’horreur des camps, n’est pas soumis à des ondes radioactives dont on ne connait toujours pas les réelles répercussions encore possibles.

La zone est pour l’instant toujours considérée comme inhabitable pour l’humain, les 350 000 personnes évacuées ne sont jamais revenues sur leur lieu d’habitation. Les populations vivant à proximité de la zone subissent encore les conséquences des radiations. Parmi les « liquidateurs », soit plus de 500 000 personnes recrutées pour nettoyer les dégâts sur place, et détruire les villages contaminés, 10 % seulement sont encore en vie. Après l’explosion en 1986, plus de 5 000 cancers de la thyroïde ont été relevés chez des enfants ukrainiens contre quelques cas auparavant isolés. Le journal Le Monde rappelait que le bilan sanitaire concernant les répercussions des radiations n’était toujours pas exhaustif. Le nombre effectif des morts liées directement à l’accident est encore discuté, de même que le nombre de morts à venir encore reliées à la catastrophe qui aura atteint le niveau 7 de radiation, soit le niveau le plus élevé. Tchernobyl est reconnu comme encore plus dangereux pour la population et l’environnement que Fukushima en 2011, ayant atteint le niveau 7 également.

Qu’une série reprenant des éléments de la réalité permettent aux spectateurs de réfléchir sur le contexte des évènements cités, et ses répercussions, à l’image de Black Mirror par exemple : difficile de voir où est le mal. Que ce type de série puisse conduire à de telles décisions ensuite, peut toutefois laisser perplexe.