En 2015, la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) avait demandé à Google de supprimer de manière globale les informations considérées comme fausses ou erronées par les internautes, et faisant l’objet d’une demande de déréférencement. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : face à une demande de déréférencement au sein l’U.E., la firme de Mountain View ne sera pas tenue d’opérer sur l’ensemble des territoires.

Une décision prônant un certain équilibre

Google avait refusé une mise en demeure de la part de la CNIL, conviant le groupe à pratiquer le déréférencement sur l’ensemble de la planète. La firme s’était cependant contentée de supprimer les liens en réponse à des recherches effectuées depuis les noms de domaine uniquement au sein de l’Union européenne. Non contente de la réaction de Google, et jugeant insuffisante sa proposition de géo-blocage, la CNIL avait alors réclamé au groupe une amende de 100 000 euros.
Refusant d’exonérer son amende, Google avait donc demandé l’annulation de cette délibération par requête à introduite devant le Conseil d’État. Celui-ci avait ensuite posé des questions préjudicielles à la CJUE.

Pour rappel, les demandes de suppression de données dites « sensibles » devaient selon la CNIL être effectuées à échelle mondiale, car l’utilisation d’une autre extension, type Google.com, ou d’un réseau privé virtuel (VPN), suffisait à contre-carrer le géo-blocage mis en place par la firme. Enfin la Commission justifiait ces réclamations faites à Google par le « droit à l’oubli », dont est censé disposer chaque internaute selon elle.

Or il a été estimé par la CJUE que le droit au déréférencement ne devait s’appliquer qu’à l’intérieur des frontières de l’Union européenne, suivant ainsi les directives de l’avocat général chargé de l’affaire, Maciej Szpunar. Selon lui, le droit à l’oubli devait s’équilibrer avec l’intérêt légitime à l’accès à l’information recherchée. Cet équilibre méritait donc qu’une différenciation s’applique en fonction du lieu à partir duquel la recherche est effectuée. Un déréférencement mondial risquerait de permettre à certains États d’user de ce droit pour empêcher l’accès à l’information, précisait l’avocat général dans un communiqué de presse début 2019.

La CJUE a donc rendu son jugement en faveur d’une garantie du droit à l’information. Il a été également précisé que répondre en faveur du CNIL reviendrait à vouloir appliquer le droit européen au monde entier : « L’équilibre entre la protection de la vie privée et la liberté d’expression des internautes est susceptible de varier à travers le monde ».

Avant de connaitre la décision de la CJUE, Google avait mis en garde contre un conflit d’intérêt avec les États-Unis, où la liberté d’expression est très protégée, rapporte Le Monde. Considération fort louable bien entendu, mais qui peut éventuellement trouver ses limites dans l’atteinte à la vie privée, elle-même davantage protégée par le droit européen. Ainsi, sont par exemple considérées comme « données sensibles » au sein de l’U.E. : l’appartenance sexuelle, l’orientation politique, l’origine ethnique ou les antécédents judiciaires. Ces nuances ne sont certainement pas à prendre à la légère, elles sont prises très au sérieux par certains, et notamment par Qwant. Le moteur de recherche met explicitement en avant le respect de la vie privée, et applique fièrement le droit à l’oubli sur l’ensemble de son index dans le monde.

Compte tenu de ces dernières subtilités, la CJUE a rappelé l’obligation pour Google de tenir compte du droit européen concernant les données reconnues comme sensibles, et donc de les supprimer en cas de demande de déréférencement. Elle a cependant ajouté que dans certains cas, « lorsque l’intérêt des internautes à pouvoir accéder à ces informations est plus important que la vie privée des demandeurs, le moteur de recherche peut refuser le déréférencement ». Il semblerait donc qu’elle préconise le cas par cas.