Dix huit fois la France ! C’est la taille du territoire canadien aux caractéristiques spatiales proches d’un pays comme l’Australie. Le défi n’était donc pas de parcourir le pays de long en large mais plutôt d’axer mes recherches sur la transformation digitale de sa partie la plus « française », le Québec. Ainsi, c’est à Montréal que j’ai eu le plaisir d’échanger avec Liette Lamonde et Patrick Gagné, les deux co-fondateurs du réseau « Bonjour Startup Montréal » pour qu’ils partagent leur vision de l’éco-système startup de leur région. Morceaux choisis !

Liette Lamonde et Patrick Gagné

Liette Lamonde et Patrick Gagné, les deux co-fondateurs de Bonjour Startup Montréal

Bonjour Liette, bonjour Patrick, vous êtes tous deux co-fondateurs de « Bonjour Startup Montréal » qui a pour mission d’accompagner les startups montréalaises. Pourriez-vous me raconter l’histoire de cette jeune communauté ? 

Liette Lamonde, Directrice Générale, Montréal Inc. : Au départ, il y avait une volonté du Gouvernement du Québec de créer des pôles d’innovation à la grandeur de la province ainsi qu’une intention de nos deux organisations « Montréal Inc » et « Osmo » de travailler main dans la main. Nous avons postulé conjointement pour porter ce projet « rassembleur » et nos deux expertises, tout comme notre vision de l’écosystème startup montréalais, ont fait en sorte que nous avons remporté l’appel d’offre du gouvernement. C’est ainsi qu’est née la communauté startup « Bonjour Startup Montréal« . Ensuite, rapidement, la Ville de Montréal s’est jointe au projet pour nous appuyer et nous appuie toujours à ce jour.

Patrick Gagné, CEO, Osmo : Ce qui est super, c’est que l’initiative a été dès le départ soutenue par la grande majorité des acteurs de l’écosystème de Montréal ! C’est un projet qui met en lumière les besoins de notre écosystème, ceux des organismes de soutien aux entrepreneurs comme ceux des startups elles-mêmes. Dès l’origine, il existait cette nécessité commune d’avoir une voix unique pour représenter l’écosystème entrepreneurial montréalais et simplifier l’expérience globale des startups locales. La création de « Bonjour Startup Montréal » (BSM) est le résultat de la convergence de tous ces désirs exprimés par l’écosystème aussi bien que par les différents niveaux du gouvernement.  

De gauche à droite : Philippe Telio, OSMO Board Director, founder of Startupfest; Patrick Gagné, OSMO CEO-In-Residence ; Alan MacIntosh, OSMO Chairman of the Board; Liette Lamonde, Executive Director of Montréal inc.;
Stéphane Billette, Minister for Small and Medium Enterprises, Regulatory Streamlining and Regional Economic Development ; Philippe Couillard, Premier Minister of Québec ; Laurence Lalonde Lavigne, Member of the Executive Committee of the City of Montreal, Responsible for transparency, democracy, governance, citizen life and Espace pour la vie ; Géraldine Martin, Director of Entrepreneurship, City of Montréal (CNW Group/Fondation OSMO)

Quels sont les différents « services » d’accompagnement que vous proposez ?

LL : Notre mission est de positionner Montréal dans le Top 20 des écosystèmes startups les plus dynamiques de la planète. La première étape, c’est de devenir une référence unifiée dans un écosystème actuellement plutôt fragmenté. On s’assure donc de répertorier les services, événements, appels à candidatures, etc. afin que les entrepreneurs puissent naviguer plus aisément dans l’écosystème. On agit comme une sorte de « guide » pour les entrepreneurs de l’écosystème. 

Cela passe également par une collaboration étroite avec les organismes de soutien aux entrepreneurs sur le terrain avec, par exemple, la mise en place de plusieurs outils pour faire en sorte que les initiatives de ces organisations soient visibles auprès de la communauté ; cela s’illustre, par exemple, par la possibilité pour ces organismes de publier des appels de candidatures directement sur le site web de BSM. 

PG :  On veut également faciliter les échanges entre pairs ; c’est pour cette raison que nous avons mis en place plusieurs canaux de communication tel que notre espace de travail Slack, sur lequel se retrouvent désormais près de 450 membres, à peine deux mois après sa création! 

LL : Nous avons également mis en place des initiatives globales axées sur le développement de notre écosystème comme un tout. Le document des « Faits Saillants du portrait startup de Montréal », lancé en juillet dernier, est un bon exemple de projet porteur pour l’écosystème. Il comprend une cartographie de notre communauté afin que tous puissent s’y retrouver ; à cela s’ajoutent plusieurs statistiques importantes qui nous guident chaque jour dans la création et le soutien d’initiatives pertinentes pour l’écosystème.

… et comment fonctionne votre business model ?

LL : Pour l’instant, nous sommes 100% subventionnés par le Ministère de l’Economie et de l’Innovation du Québec, ainsi que par la Ville de Montréal, mais fonctionnons également grâce à l’apport financier de Montréal Inc. et d’Osmo. 

PG : … et la prochaine étape c’est d’aller chercher le soutien financier des grandes entreprises !  

Quelles sont les principales tendances en matière d’innovation que vous pouvez observer chez les startups montréalaises ? 

PG : En matière de tendances générales, le « Global Startup Ecosystem Report » de Startup Genome identifie trois grands secteurs d’innovation à Montréal : 

    • L’IA et tout ce qui s’en rapproche puisque ce domaine représente la majeure partie des investissements en 2019, qu’ils soient réalisés par le gouvernement mais également par les différents hubs d’innovation des grandes entreprises de Montréal. 
    • Le « manufacturier 4.0 » comme le montre l’exemple du consortium SCALE.IA qui a reçu un financement du gouvernement canadien dans le cadre de l’initiative des super grappes d’innovation.
    • La robotique est également un secteur clé de l’innovation sur lequel de nombreux acteurs se positionnent.

Au-delà de ces tendances globales, nous observons un intérêt sur le terrain pour tout ce qui touche les « UrbanTech » mais aussi tout ce qui est en rapport avec les sciences de la vie (BioTech etc.). 

LL : Montréal a une scène startup très diversifiée et plurielle avec de plus en plus d’entreprises à impact social, culturel ou environnemental. C’est également notre rôle que de faire en sorte que les différentes sphères d’innovation se parlent et collaborent. 

Lancement du réseau « Bonjour Startup Montréal »

Quels sont les principaux écueils que rencontrent les startups à Montréal et comment les aidez-vous à les franchir ? 

LL : L’une des barrières actuelles réside dans le fait que les ressources et opportunités offertes par l’écosystème sont riches et nombreuses mais demeurent très fragmentées ; de ce fait, pour les startups, il est difficile de s’y retrouver ! En agissant de manière neutre, à la manière d’un guide, grâce entre autres à notre site web et nos différents outils d’accompagnements, nous facilitons leur démarrage, leur croissance et leur internationalisation. 

PG : De plus, comme le dévoile le rapport Startup Genome, nous sommes conscients de notre faiblesse au niveau de la connectivité internationale ; c’est pourquoi nous essayons de tisser des liens à l’étranger afin de soutenir nos startups et de faciliter leur développement international. Nous contribuons également à positionner Montréal sur la scène internationale afin d’attirer un maximum d’acteurs – investisseurs, VC, talents, etc. – du monde entier et de combler petit à petit certaines lacunes de notre marché local. 

En nous plaçant comme « la voix » de l’écosystème startup montréalais, nous pouvons en même temps faire valoir les intérêts des entrepreneurs auprès des différents acteurs gouvernementaux ce qui permet de favoriser la mise en place de politiques publiques dédiées et de programmes adossés à leurs besoins. 

Vous souhaitez positionner la métropole montréalaise dans le Top 20 mondial des écosystèmes les plus dynamiques ; quels sont les modèles internationaux à suivre et que lui manque-t-il aujourd’hui pour en faire partie ? 

PG : Nous aimons à nous comparer à des villes de taille économique comparable à la nôtre telles que Barcelone, Tel Aviv, Stockholm, Amsterdam ou Toronto. Chacune de ses villes se situe dans ce fameux « Top 20 » et elles partagent toutes des caractéristiques communes, notamment des infrastructures qui rassemblent les différents acteurs de l’écosystème startup. Autre caractéristique qui leur est propre, ils se focalisent sur les relations à l’international et, à ce jeu-là, Stockholm, Tel Aviv et Amsterdam tirent leur épingle du jeu. 

A notre échelle, nous tentons donc de travailler sur deux indicateurs clés : la connectivité locale qui concerne aussi bien les relations et la proximité entre entrepreneurs locaux mais aussi les relations avec les investisseurs domestiques pour que l’ensemble évolue dans la même direction et crée un cercle vertueux dynamique. L’autre indicateur clé est donc la connectivité internationale, c’est-à-dire que nous devons faciliter les connexions entre les startups montréalaises et les puissants écosystèmes d’innovation internationaux présents sur le marché. 

Au-delà de ces priorités, nous devons également travailler sur la création de Scaleups, notamment en développant des programmes de soutien à la croissance, ce qui manque cruellement actuellement à Montréal ! Et puis, bien entendu, intégrer les grandes entreprises au cœur de ces dynamiques afin de permettre à nos startups de tester leur solution IRL et de croître plus rapidement.

Equipe BSM à un événement

L’équipe de « Bonjour Startup Montréal »

De ce fait, comment comptez-vous connecter les différents acteurs de l’écosystème que sont notamment les grandes entreprises, les startups ou les investisseurs ? 

PG : Il faut que nous réussissions à impliquer les grandes entreprises qui n’ont pas encore cette culture de l’innovation ; tous les secteurs vont inévitablement subir des disruptions et il faut que ces acteurs prennent conscience que c’est grâce à une étroite collaboration avec les startups qu’ils vont créer plus de richesse, voire même certains avantages concurrentiels bénéfiques pour leur futur. C’est en impliquant aujourd’hui l’écosystème startup dans leur processus de réflexion, de création et de croissance qu’elles atteindront ces objectifs. L’une des meilleures façons d’arriver à ces collaborations est de présenter des startups pertinentes à ces entreprises et c’est l’un de nos principaux objectifs ! 

LL : Pour faire collaborer tous ces acteurs, il faut mettre en place des lieux et des projets de collaboration concrets ; c’est tout l’intérêt de l’espace de travail Slack que nous avons mis en place. Cet espace de communication rassemble aussi bien des investisseurs, des journalistes, des startups ou de futurs fondateurs et permet ainsi des échanges constructifs pour veiller à la croissance de nos startups et, plus globalement, de l’écosystème entier. Notre plateforme web a été pensée de manière à réunir tous ces acteurs ; un organisme de soutien peut y déposer un appel à candidatures qui sera visible par toute la communauté de startups tout comme une grande entreprise peut y partager un événement à venir sur l’Open Innovation, etc.  

PG : A Montréal, le maillage entre investisseurs et entrepreneurs est globalement sain ; la communauté d’investisseurs est présente sur le terrain et notre rôle est donc de veiller à encourager les initiatives existantes plutôt que d’en créer davantage. Aussi, nous sommes très actifs sur le terrain grâce, notamment, à une Escouade Connexion qui infiltre les événements de Montréal pour faciliter les mises en relation pertinentes pour toutes les parties. C’est ainsi que naissent des opportunités d’affaire et de collaboration au profit de tous ! Il ne faut pas non plus oublier les universités ! Montréal est reconnue comme un paradis pour les étudiants et a d’ailleurs récemment été couronnée meilleure ville étudiante des Amériques. Aussi, il faut réussir à faire collaborer les universités avec les startups et valoriser l’entrepreneuriat au sein de ces universités. 

Il faut faire collaborer les universités avec les startups, et voir comment favoriser l’adhésion à l’entrepreneuriat au sein des universités. 

L'équipe BSM au travail

« Pour faire collaborer tous ces acteurs, il faut mettre en place des lieux et des projets de collaboration concrets » Liette Lamonde © Sébastien Leroy