KissKissBankBank, la plateforme française de financement participatif fête ses 10 ans d’existence. C’est l’occasion de revenir sur le parcours de ce projet porté par trois visionnaires : Ombline Le Lasseur, Vincent Ricordeau et Adrien Aumont.

Lancée en 2009, cette entreprise est perçue comme un OVNI, dans une période où la notion de financement participatif n’existe même pas. Une décennie plus tard, KissKissBankBank est devenue l’une des plateformes de référence en matière de crowdfunding européen. Pour en apprendre davantage, Vincent Ricordeau cofondateur de KissKissBankBank, a accepté de répondre aux questions de Siècle Digital.

Siècle Digital : Comment s’est déroulé le lancement de la plateforme ? Quelles étaient les motivations de bâtir un tel projet ?

Vincent Ricordeau : Pour commencer, les mots « crowdfunding » ou « financement participatif » n’existaient pas encore. Lors du lancement de KissKissBankBank, il n’y avait pas de références. À l’origine, ce projet part d’une réflexion sur le succès de MySpace, avec l’apparition de communautés. En observant certains artistes indépendants, sans label, mais qui comptaient une base de fans atteignant jusqu’à 10 000 individus, Ombline Le Lasseur, cofondatrice de KissKissBankBank s’est faite la réflexion suivante: et si chaque fan lui donnait 50€ ? Il pourrait financer son projet et signer avec un label !

KissKissBankBank est né du désir de rebondir sur le potentiel des réseaux sociaux, à savoir celui des communautés, pour mener à bien le financement d’un projet. Lors du lancement en 2009, le financement participatif est une totale nouveauté, aucun cadre réglementaire n’existe, mais l’entreprise persévère et naît malgré le vide juridique. KissKissBankBank voit le jour deux ans après My Major Company qui a notamment remporté un franc succès avec le chanteur Grégoire. Cependant, KissKissBankBank propose un service différent, basé sur l’échange entre le donateur et l’artiste. La plateforme ne devient pas producteur de l’artiste, contrairement à My Major Company qui signe et produit les artistes de sa plateforme. KissKissBankBank marque donc le vrai lancement du crowdfunding en France.

Quels types de projets fonctionnent le plus sur KissKissBankBank ?

Vincent Ricordeau : Au départ, c’est la culture indépendante qui nous a intéressé. Ensuite, plusieurs projets en en faveur de l’environnement, ou des projets sociaux sont apparus. Puis, petit à petit, la palette de projets a continué à s’étendre même si la musique et l’audiovisuel restent les catégories qui fonctionnent le plus (40% des projets). Aujourd’hui, KissKissBankBank concerne tous les projets créatifs, associatifs, ou entrepreneuriaux.

Sur les 10 ans d’existence, avez-vous eu un ou plusieurs projets coup de coeur ?

Vincent Ricordeau : On en a eu plein ! Sur les 35 000 projets en ligne, plus de 20 000 ont réussi à obtenir leur financement. Du coup, des projets coup de coeur, on en a beaucoup! Pour en citer un, il y a « Demain », un film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, qui a récolté 444 390 € sur les 200 000 € espérés. Ce documentaire sur les contributions de la société pour lutter contre le dérèglement climatique a notamment reçu un César.

Aujourd’hui comment se porte KissKissBankBank par rapport aux prévisions que vous aviez pu faire lors du lancement ?

Vincent Ricordeau : Nous avons largement dépassé nos attentes, puisque nous ne savions pas du tout ce que cela pouvait donner il y a 10 ans. À présent KissKissBankBank est décliné en trois plateformes. Lendopolis, qui permet aux petites et moyennes entreprises d’obtenir des crédits professionnels directement auprès des particuliers. Plus récemment, KissKissBankBank a aussi racheté GooDeed, une plateforme de financement participatif permettant de collecter des fonds pour les ONG, et associations. GooDeed permet d’effectuer des dons sans dépenser d’argent, il suffit de visionner des publicités de 20 secondes. Sur l’ensemble de ces trois plateformes, plus de 130 millions d’euros ont été collectés.

Les projets KissKissBankBank sont-ils principalement français ?

Vincent Ricordeau : Oui, à 95%. Nous sommes traduits dans les langues majeures, certains contributeurs proviennent du monde entier via les réseaux sociaux. Quoi qu’il en soit, les porteurs de projets sont majoritairement francophones.

Maintenant que le groupe possède 3 plateformes, et que tout semble aller pour KissKissBankBank, quelles sont vos ambitions pour les années qui viennent ? Un développement à l’international ? Pousser plus de projets dans d’autres catégories ?

Vincent Ricordeau : Nous remarquons que la plateforme devient de plus en plus une sorte de marketplace. Par exemple, de nombreux créateurs de mode viennent tester et prévendre leur nouvelle collection, de la manière que les constructeurs d’objets technologiques. KissKissBankBank sert de testeur pour la viabilité d’un projet. Je pense notamment à des barres de céréales aux insectes, ou encore à des déodorants écologiques. Logiquement, KissKissBankBank se dirige donc vers un objectif de prévente.

Concernant Lendopolis qui en est à ses débuts, cette plateforme devrait prendre de l’ampleur avec les problématiques actuelles de transition écologique. Le financement de logement devrait aussi se développer sur Lendopolis. Quant à GooDeed, ce service de mise en relation entre annonceurs et grand public devrait être déployé à l’international courant 2020.

KissKissBankBank tend à suivre l’évolution actuelle du crowdfunding ? Il est arrivé que de nombreux donateurs Kickstarter contribuent à une entreprise qui n’a finalement jamais vu le jour. Le crowdfunding continuera de se diriger dans le « For good », ou servira-t-il simplement à financer la création d’entreprises sans tenir compte de leur impact sur la société ?

Vincent Ricordeau : Le « For good » est aujourd’hui un mouvement de fond dans notre société . Les entrepreneurs actuels sont très portés sur le « For good » pour conserver une économie raisonnée. Le « For good » n’est pas une mode, mais plutôt une responsabilisation des jeunes entrepreneurs. Quand il s’agit du domaine technologique, les acteurs ont tendance à se tourner vers Kickstarter. Sur KissKissBankBank nous avons eu très peu de projets technologiques. Ce n’est qu’un mal pour un bien, puisque la plupart des échecs en crowdfunding concernent le secteur de la technologie. Nous ne sommes pas contre, mais nous avons réussi à nous immiscer dans d’autres catégories de produits tout aussi intéressantes et utiles pour la société.

Vous allez donc célébrer vos 10 ans pendant le festival We Love Green, ce sera aussi l’occasion de présenter une pépinière de start-ups, en quoi consiste ce projet ?

Vincent Ricordeau : Ce partenariat avec We Love Green portera essentiellement sur 11 start-ups innovantes qui oeuvrent en faveur de l’écologie.