Avaaz, une ONG de cybermilitantisme a réalisé un rapport faisant état des réseaux d’extrême droite présents sur Facebook. Elle s’est concentrée sur 6 des pays les plus stratégiques : la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Italie, la Pologne, et l’Allemagne. Facebook a déjà pris des mesures en bloquant et supprimant un grand nombre de pages et de groupes, mais il en revient toujours. À l’aube des élections européennes, quelles sont les techniques utilisées par ces réseaux, combien sont-ils, et qu’en est-il en France ?

État des lieux des réseaux d’extrême droite sur Facebook en Europe

En Europe, 37 réseaux, gèreraient 550 Pages ou Groupes, ainsi que 328 profils. Cela représente en tout une audience de près de 32 millions d’utilisateurs. C’est 16 fois la ville de Paris. Pire, ces réseaux sont actifs et engagés puisque sur les trois derniers mois, les chercheurs de l’étude ont démontré qu’il y a eu plus de 67 millions d’interactions (likes, commentaires, partages).

Le nombre de supports d'extrême droite suspects identifiés par Avaaz sur Facebook

Le nombre de supports suspects identifiés par Avaaz sur Facebook. Crédit : Avaaz

Depuis la remise d’un rapport, détaillé à Facebook, le réseau social a supprimé 77 pages et groupes, 154 publications, ainsi que 230 des profils signalés.

L’ONG insiste sur un point important. Les réseaux de personnes de groupes et de pages supprimés possédaient plus de fans et d’engagement que tous les partis d’extrême droite d’Europe réunis : 5,9M contre 2M.

Comment prospèrent-ils ?

Le travail d’investigation met en exergue des techniques dignes des plus grands growth hackers. En marketing, le growth hacking est une pratique qui consiste à dynamiser la croissance d’une entreprise grâce à par un ensemble de techniques d’accélérer rapidement et significativement la croissance. Ici, tout est fait pour booster le plus vite et le plus intelligemment possible les pages.

L’utilisation de faux comptes

Tout commence par là. Ces différents groupes utilisent de nombreux faux comptes et les dupliquent. Ils sont utilisés pour administrer des groupes ou des pages, mais également pour amplifier la portée des publications. Ainsi, ils donnent plus de visibilités à leurs messages, tout en ayant des comptes de secours en cas d’intervention de la part de Facebook.

Coordination et partage de médias alternatifs

Avaaz a aussi identifié un comportement très coordonné, « anormalement coordonné » même. Cela se concrétise par des pages et des groupes qui partagent des articles des contenus provenant de médias alternatifs, comme nouvelordremondial.cc, par exemple.

Changer le nom d’une page

Cette pratique est courante chez des pureplayers du buzz que l’on ne citera pas. Vous créez une page avec un nom bien nul comme « j’adore le Nutella » ou « si toi aussi tu parles tout seul » … Vous faites grandir votre page jusqu’à ce qu’elle atteigne une taille suffisante pour que les contenus aient un impact. Une fois ce but atteint, changez le nom de le page, et vos obtenez une communauté d’extrême droite qui ne l’a pas décidé.

Il suffit ensuite d’y partager des contenus sur des sujets clivants comme les violences policières, les avantages des migrants, etc.

Du football à la fake news

Une approche alternative du changement de nom, c’est de maintenir une page dans une thématique précise comme le football, la mode, la nourriture … Lorsque l’audience est suffisamment solide, ces pages partagent de façons plus clairsemées des contenus d’extrême droite. Avaaz note d’ailleurs la façon donc cette pratique est coordonnée avec d’autres pages.

Quelle est la situation en France ?

Dans notre pays, Avaaz a noté la présence de 3 réseaux, 44 pages et groupes, et 6 profils. Ils totalisent une audience de 1,7M de personnes, pour près de 4 millions d’interactions sur les trois derniers mois. Dans les suppressions de comptes, pages ou groupes, Facebook n’a retiré qu’une portée de 20 000 utilisateurs. C’est très faible, mais cela s’explique par le climat social actuel en France, parsemé d’infox, et réelle revendication. Un beau bazar difficile à maîtriser pour Facebook et les politiques, et encore plus à dénoncé pour les ONG.

Elle « a identifié et étudié trois réseaux en France. L’un diffuse systématiquement de fausses informations à grande échelle, l’autre diffuse des messages principalement provocateurs, déshumanisants, politiquement conflictuels, visant en particulier les migrants et les étrangers. Un autre réseau faisait la promotion du nationalisme blanc et du « racisme scientifique ». Ensemble, ces réseaux ont eu une portée totale de plus de 1,7 million de followers, » apprend-on dans le rapport.

Au-delà des suppressions, Facebook a rétrogradé certaines pages comme celles de La gauche m’a tuer (430 000 fans), mais aussi Peuple de France (31 000 fans), et La révolte des vaches à lait (125 000 fans). Il existe le groupe Peuple de France qui regroupe 49 000 membres. Cette pratique s’inscrit dans une nouvelle approche du réseau social, qui souhaite réduire la portée de diffusion de ces comptes, retirer les contenus inadaptés, et informer par le biais de contenus de vérification de l’information. – –

L’articulation de la diffusion à partir du réseau de La gauche m’a tuer est pointée du doigt par l’ONG. Elle note une synchronisation anormale de partage de contenu, de même que l’utilisation de faux profils pour administrer pages et groupes. Par exemple, dans l’image ci-dessous on constate le partage de 4 fois le même contenu, avec une minute d’intervalle. Le message est clairement haineux, avec des informations invérifiables, et déshumanisantes évoquant le viol d’enfants et de femmes par des migrants en France.

Partages de publications synchronisés sur Facebook

Crédit : Avaaz

À l’aube des Européennes, il est plus nécessaire de mettre en place des moyens juridiques en France et en Europe pour protéger les utilisateurs, et les informer de la meilleure manière possible. Il est également important de soutenir techniquement les plateformes que sont Facebook et Twitter pour les aider à lutter contre ces contenus. Si certaines sont légitimes, une grande partie ne le sont pas, et ont un impact puissant sur les émotions des internautes.