Le succès de Qwant se poursuit et ne fait que commencer. Aujourd’hui, le moteur de recherche français a annoncé un partenariat avec Microsoft afin d’exploiter la puissance du cloud d’Azure pour accélérer son développement. Ainsi, Qwant vise l’Europe, mais aussi le reste du monde.

Eric Léandri, fondateur de Qwant, et Carlo Purassanta, Area Vice President of Microsoft France, ont répondu aux questions de Siècle Digital.

Siècle Digital : en quoi va consister votre partenariat ?

Carlo Purassanta : nous sommes en Europe, il y a beaucoup d’innovations et la technologie va très vite. Il y a deux choix pour l’Europe. Soit on continue à regarder les innovations qui viennent d’ailleurs, et puis on dit on achète ou on n’achète pas. Soit il y a une innovation qui arrive, et on se demande comment est-ce qu’on peut l’utiliser pour faire en sorte que des entreprises françaises, européennes, utilisent ces nouvelles technologies pour en faire une offre, pour qu’elle soit différenciée, différenciante, belle, éthique responsable, et européenne … par exemple. Sans tout réinventer, en utilisant ce qu’il y a de mieux, mais en en faisant une offre de valeur spécifique.

Microsoft souhaite être un acteur qui permet ce type d’innovation. L’idée n’est pas d’imposer les services de Microsoft, non. On préfère construire de la technologie. Parfois on va jusqu’à créer du SaaS, des services, et la plupart du temps c’est juste notre plateforme qui va aider à réaliser les dernières étapes de la proposition de valeurs. Dans la recherche [sur internet, ndlr] notamment, on annonce le fait que Qwant est une proposition de valeur très spécifique.

Le respect de la vie privée d’abord, ça répond à un vrai besoin de citoyens, d’organisations, d’administrations, de tout le monde. Et c’est une bonne proposition de valeur. On avait déjà un partenariat, on le renforce on permettra de scaler, d’être encore plus fort en France, mais d’être aussi fort en Europe, et de pouvoir s’étendre. Nous considérons que c’est un partenariat qui amène une nouvelle offre pour des citoyens, et qu’elle a du sens. On veut la rendre très efficace et puissante.

Éric Léandri : C’est parfaitement dit. De notre côté, continuons à avoir notre infrastructure, nous continuons à avoir la garantie de l’anonymisation. Nous avons obtenu une offre de partenariat sur la publicité qui est renforcée sur l’anonymisation, et qui en plus me permet de rajouter de la publicité Qwant avec de la publicité Microsoft, qui est quand même la deuxième plateforme au niveau mondial sur la pub.

L’année dernière, quand on a eu énormément d’afflux sur Qwant, nous avons dû rajouter 200 PC en catastrophe. Il a fallu les acheter, il a fallu les installer, il a fallu les configurer, et il a fallu les mettre en place. On a ralenti notre index, on a ralenti plein de choses quand on a fait ça.

Donc à chaque fois qu’on rajoute des PC, de la puissance, on avance, mais ça prend du temps. Aujourd’hui on a trouvé le moyen d’indexer 2 milliards de pages par jour. La France a à peu près 4 milliards de pages, donc ça nous prend 2 jours. En complétant avec la puissance du cloud de Microsoft, on est allé chercher de la puissance parce qu’on a 20 milliards de pages dans l’index, et on veut monter à 100 milliards, on veut monter à plus.

C’est là qu’on va avoir besoin de cette puissance en plus. Nous on fait du GPU, une technologie Microsoft et Google de 2016, c’est pas mal déjà … Mais aujourd’hui, eux sont passés au FPGA et au Graphcore. Je vais pouvoir aller jouer là, je vais pouvoir mettre mon intelligence artificielle là, je vais pouvoir mettre ma puissance de calcul là, mettre mes dernières gestions algorithmiques, et compléter avec eux, parce que j’ai pas l’Inde, j’ai pas l’Amérique, j’ai pas une grosse partie du monde, mais je la complète et je vais pouvoir l’étendre.

Ce partenariat, c’est un partenariat entre la première société du monde : un géant américain qui a décidé de passer sur l’open source, qui comprend que la privacy est un droit de l’Homme, et qui au lieu de se dire tiens je crée Bing Europe en vantant la privacy par défaut et j’essaie de faire ça, se dit qu’il y en a un qui travaille, il y en a un qui fait vraiment des choses, on va l’aider à scaler, on va lui permettre d’être meilleur.

Et pour être très clair j’aime beaucoup ce qu’a dit Carlo tout à l’heure : en Europe on croit toujours qu’il faut tout refaire du sol jusqu’aux murs tout repeindre. On croit toujours, ça mais c’est une erreur. Depuis le début de Qwant, on savait que c’était une erreur. Sinon on ne serait pas là on n’aurait pas la possibilité d’accélérer et de créer un moteur de recherche souverain en partenariat avec la première boîte du monde.

Je garantis la vie privée de mes utilisateurs. C’est vraiment ma première chose. Les utilisateurs sont des banques, ce sont des administrations, ce sont des pays, ce sont des consulats, ce sont des ambassades, et ça c’est garanti avec la CNIL avec l’ANSSI. Je garantis le fait de travailler avec de la puissance, et je garantis le fait de créer nos algorithmes, mais j’ai besoin de compléter, comme tout le monde. Microsoft ils ont dit chiche ! On le fait avec vous, on le fait pour l’Europe, on le fait pour la France, on le fait dans le cadre de Choose France ,on le fait dans le cadre de Choose Europe.

Microsoft a repensé son business model. La différence entre eux et les autres, c’est que le business model n’est pas le même, et qu’ils ont vraiment pris un virage, notamment dans l’open source.

Carlo Purassanta : Nous sommes une entreprise à plateforme. On n’en est pas là pour vendre à des utilisateurs les produits d’autres. On n’est pas là pour prendre des données sur l’utilisateur et puis essayer de monétiser en vendant la donnée. On ne fait pas tout ça. On est une boite qui fait de la technologie. On fait de la technologie qui doit être efficace, utile, et qui peut aider un innovateur, où qui soit, dans n’importe quel pays, à prendre ces briques technologiques, et à faire une offre de valeur à lui. On se dit que Qwant est un très bon partenaire. Donc on va leur donner tout ce dont ils ont besoin. Il y a des choses à eux. Il y a des choses à nous. L’important c’est que l’offre de valeur soit différenciée, européenne, et qui répond à un besoin.

Allez-vous garder vos propres machines ou passer à 100% sur Azure ?

Éric Léandri : Ce sera toujours nos propres machines, et du cloud. Toute la partie front, toute la partie middle, c’est 100% Qwant. Il n’y a pas de solution pour l’anonymisation, il n’y a pas de solution, d’être dans le cloud d’un autre, et de vouloir garantir quoi que ce soit. C’est pas possible. Donc tout ça c’est nous. Mais quand vous avez les 20 milliards de pages sur mes 4 pétaoctets (Po) de disques, et quand vous allez faire 100 milliards de pages sur les 10 Po ou 12 Po dont je vais avoir besoin chez Azure. C’est pas vous. C’est pas vos données perso.

Je double que ma puissance. Je triple ma puissance. Je complète, je crée de la techno. Ils ont les derniers Graphecore, ça va être disponible dans 6 mois, si moi je les veux sur mes machines. Eux ils l’ont maintenant. J’aurai besoin de faire la France en une journée, je peux. Mais pas en appuyant sur un bouton. En compétences que j’ai, ça va nécessiter quand même des liens forts. C’est pas aussi simple justement que d’aller dans le cloud d’Amazon tout y mettre et d’acheter des serveurs tous les jours. C’est pas si simple. Quand vous devez passer la technologie de Qwant sur du FPGA, ça nécessite que nous on fasse un bon technologique, et ça nécessite qu’on puisse faire les tests avec leurs ingénieurs.

Si on avait continué, ça aurait pris 3 – 4 ans, peut-être 2 ans. Moi j’avais dit 2021, ou 2022. Là je dirais, 2019, 2020, on va commencer à ressembler à du très très joli. Et puis après, là où c’est génial c’est que si vous aimez les résultats de Bing vous irez sur Bing. Les résultats de Google ? Vous irez sur Google. Vous aimez les résultats de Qwant ? Vous irez sur Qwant. Vous aurez vos propositions de valeur, chacun aura la sienne, et on pourra jouer à qui est le meilleur en Europe.

Et ça ça correspond aussi aux valeurs européennes c’est : une offre plurielle de compétition. Une possibilité de choix pour les citoyens, c’est important.

Moi je vais continuer à faire comme je fais. Donc vous aurez toujours sur Qwant des résultats qui sont moins bons en publicité, parce que vous n’êtes pas ciblés, vous aurez toujours sur Qwant, des résultats qui sont peut être moins bons, parce que vous avez l’habitude de cliquer. D’autres pourront vous donner d’autres types de résultats. La concurrence est à un clic, c’est super, sauf que la concurrence maintenant se fera dans le respect des autres et avec de la puissance, pour pouvoir jouer et voir si nos algo’ sont très bons. Ou si on est mauvais. Mais je ne crois pas qu’on soit mauvais …

Votre collaboration avec Microsoft et Google remonte au partenariat avec Bing qui vient de compléter de temps en temps les résultats de recherche. Maintenant avec le cloud Azure … Qu’est ce que vous auriez à répondre à des gens qui peuvent s’inquiéter du traitement ou de l’accès à leurs données ?

Éric Léandri : C’est très simple. Avant de faire ce partenariat avec Microsoft nous sommes allés voir la CNIL nous sommes allés voir l’ANSSI nous avons regardé comment travailler tout ça. On a passé des mois à discuter de comment pouvoir travailler sur la partie qui n’est pas dans les données des utilisateurs. Donc en gros que Microsoft vienne récupérer les données des utilisateurs chez Qwant, il faudrait que Microsoft vienne nous hacker, vienne nous pirater, vienne dans nos serveurs et nos datacenters. C’est là que sont vos données.Soyons sérieux … Ils ont autre chose à faire et franchement ils ont pas besoin de faire un accord avec nous pour essayer de nous pirater ou nous hacker.

Qu’est ce que j’aurais moi à gagner à avoir la moindre donnée qui irait chez Microsoft de façon personnelle ? Je perds ma crédibilité, je perds l’ensemble de mes utilisateurs, je perds l’ensemble de l’offre de valeur, je perds tout ce qu’on a construit jusqu’à présent, alors qu’on a trouvé la technologie, qu’on a la puissance, et qu’on va la scaler, et qu’on va donner la souveraineté à l’Europe.

Carlo Purassanta : il y a la garantie d’un contrat entre nous qui explique, d’un point de vue juridique et technique comment ça se passe, et comment les informations ne passent pas d’un côté à l’autre. C’est tout simple. Et tout ça a été approuvé par les autorités françaises qui s’occupent de la liberté et de la privacy des données. Il n’y a aucune aucune crainte à avoir pour l’utilisateur.

L’article 13 a marqué un tournant dans la gestion des droits d’auteurs, vous aviez fait une annonce très médiatisée, en évoquant un soutien de Qwant à la presse. Votre travail avec Microsoft va vous permettre de mettre tout ça en place ?

Éric Léandri : Oui, la directive européenne impose aux acteurs du Web d’être capables de reconnaître les droits d’auteur dans les contenus que leurs envoient les utilisateurs, lorsqu’ils sont partagés avec les internautes. Or on ne peut pas faire ça si l’on ne sait pas quelles sont les oeuvres protégées et à qui appartiennent les droits. Qwant a développé l’architecture d’une solution open source, décentralisée, qui permettra à tous de vérifier les droits sur un contenu, mais c’est un gros chantier qui demande d’y travailler avec plusieurs partenaires, et Microsoft dispose à la fois de l’expertise technologique et des capacités à déployer cette plateforme à grande échelle.

Grâce à ce partenariat là, on peut maintenant reverser 5% de notre chiffre d’affaires à la presse, et 5% de notre chiffre d’affaires, ça va être beaucoup d’argent. Et puis 2% à la culture aussi. Notre CA sera amené énormément par Microsoft, mais aussi par nous, puisqu’on a aussi le droit de compléter avec nos publicités.

On va commencer à rigoler. Parce que grâce à eux je vais pouvoir maintenant être sur des millions de téléphones peut être dans les millions de voitures. Donc attendez la suite parce que maintenant on va pouvoir jouer.