Concept issu de la Silicon Valley, la ville intelligente, ou « smart city », est aujourd’hui vue comme un modèle à suivre. De nombreuses technologies se développent pour la rendre effective. Les phases d’expérimentation se révèlent plutôt concluantes et semblent illustrer la pertinence d’un écosystème fondé principalement sur les services connectés, la communication et la mobilité.

De l’intelligence théorique…

SMS, réseaux sociaux etc., nous communiquons en permanence, d’une manière ou d’une autre. La smart city fait de même et pousse toujours plus loin les technologies de l’information et de la communication (TIC) que nos sociétés utilisent, au premier rang desquelles Internet. Elle s’appuie notamment sur les informations qu’elle recueille via les objets connectés et via de nombreux capteurs pour en faire un usage utile pour les citoyens : open-data, mises à jour diverses en temps réel, données GPS pour gérer sa mobilité, etc.

Cette communication des données s’illustre très concrètement par plusieurs technologies. En cas d’accident un véhicule connecté peut communiquer immédiatement les données médicales des personnes impliquées aux services de la ville pour une transfusion sanguine d’urgence : ceci grâce aux objets connectés qui couvrent l’ensemble des activités d’une ville (transport, logistique, gouvernance, santé, B2C…) Les soins médicaux peuvent aussi nécessiter de se rendre au plus vite à l’hôpital. Les appareils connectés communiquent alors entre eux et permettent de faire passer un feu au vert à l’approche d’une ambulance. C’est déjà le cas dans la « première smart city d’Europe » Santander en Espagne. C’est alors l’intelligence artificielle (IA), une autre technologie connectée, qui garantit un traitement optimal des données. La Blockchain, service connecté décentralisé, peut également jouer un rôle central dans la smart city. Elle peut notamment garantir une mobilité fluide au moyen de smart contracts entre les citoyens et des services de transport autonomes, ou optimiser le trafic et trouver les routes les plus courtes pour parvenir à un hôpital (1).

… à l’intelligence pratique

Une fois conçues, ces technologies sont alors implémentées dans les villes. Les services connectés facilitent la mobilité que ce soit à Santander, ou en France, dans une ville moyenne comme Dijon ou une grande métropole comme Lyon. Un projet européen auquel collabore le Commissariat à l’énergie atomique français, Smart Santander est l’exemple-type de la Smart City destinée à simplifier la vie de ses habitants. L’application  » Pulso de la Ciudad  » (« Le pouls de la ville ») permet à ceux-ci de communiquer à la municipalité des informations de toutes sortes. Si le trafic est congestionné, si un bruit est incommodant, ou si un stationnement encombre des zones d’urgence comme les sorties d’hôpitaux, les citoyens jouent le rôle d’optimisateurs. Ils complètent ainsi les 12 000 capteurs d’Internet des Objets disséminés dans l’environnement – par exemple pour le parking intelligent – ou sur les transports et le mobilier urbain – pour sécuriser la ville ou connaître l’état du trafic (2). Enfin, le service connecté Smart Santander RA (RA pour réalité augmentée), qui concerne2 700 points de la ville, optimise la mobilité des habitants par sa communication en open data : en donnant accès en temps réel aux caméras de surveillance du trafic et des plages, aux prévisions météorologiques ainsi qu’aux services de transport disponibles.

La France n’est pas en reste avec ses 25 smart cities. Dijon, première ville française finaliste des World Smart City Awards de 2018, dispose déjà d’outils de la ville du futur. D’abord la multimodalité, qui vise à faciliter les déplacements des habitants par un système de paiement unique pour tous les transports. Ensuite elle a mis à disposition des citoyens des applications, pour une communication en temps réel avec les services municipaux. Enfin une centralisation des services connectés reliés à une plateforme unique, Muse, a été mise en œuvre. Développée par Citelum, spécialiste de l’éclairage intelligent, celle-ci permet de suivre l’état et l’activité des équipements urbains connectés tout en affichant les données transmises par les habitants. Les objectifs visent notamment à développer une meilleure coordination des services de la ville. Sur une seule plateforme, ceux-ci peuvent par exemple accéder aux informations générées par tous les luminaires et paramétrer ainsi l’éclairage. De même pour l’entretien et les réparations des éuipements, toutes les données sont centralisées et permettent aux équipes techniques d’intervenir rapidement et avec efficacité. Enfin « l’intelligence » de Muse lui permet de trier les informations, de sorte que soient sollicités les services techniques compétents. Pour Carmen Munoz-Dormoy, directrice générale de Citelum, cette plateforme est également un outil efficace pour contrôler les économies d’énergie générées par les nouveaux équipements. (3)
Pour Adid Assou, expert métier Sécurité Globale et consultant Smart City à Capgemini Technology : « L’interopérabilité des systèmes et le regroupement des moyens, ainsi que le rapprochement des différents acteurs sont des enjeux majeurs pour une smart & safe city mature. L’apport des outils comme le big data ou l’intelligence artificielle permettront à terme des gains opérationnels significatifs : meilleure compréhension des événements, mobilité, réduction des délais d’intervention, analyse en temps réel. »(4)

Pour autant, un service connecté comme la multimodalité ne garantit pas à lui seul la fluidité du trafic : il demeure en effet possible de n’utiliser qu’un titre unique mais de se retrouver dans les embouteillages urbains ou à une borne sans vélo. Lyon a lancé Optimod’Lyon pour pallier cet écueil. Ce projet a été élaboré avec plusieurs entreprises, parmi lesquelles le constructeur automobile Renault Trucks. Première en Europe pour la prévision du trafic une heure à l’avance (5), l’application mesure en temps réel le trafic urbain et centralise les données. L’usager reçoit sur son téléphone une alerte une heure avant de partir, qui lui précise le mode de transport le plus approprié. Les données concernent aussi bien les voitures particulières que les transports en commun ou les mobilités douces comme le vélo. Comme dans la plupart des smart cities, Lyon a mis en place une communicationen open data pour construire un service public de la donnée afin d’encourager la participation et le partage de données par les citoyens (self data), dans le but d’améliorer l’intelligence de la ville, c’est-à-dire la capacité de renseigner sur ses besoins pour y répondre au plus vite.

Dès 1964, l’intellectuel canadien Marshall McLuhan écrivait qu’ « à mesure qu’augmente le nombre de canaux de perception augmente aussi le besoin d’analyse globale des données » (6). Un demi-siècle plus tard, les services connectés et une communication optimisée, qui permettent entre autres une mobilité fluide et adaptée, semblent avoir pris en compte son analyse et s’être concrétisés dans la ville intelligente.

(1) https://atelier.bnpparibas/smart-city/article/blockchain-service-mobilite
(2) http://www.smartsantander.eu/index.php/testbeds/item/132-santander-summary
(3) http://www.economiematin.fr/news-la-nouvelle-strategie-de-citelum-entretien-avec-carmen-munoz-dormoy-directrice-generale
(4) https://sd-magazine.com/strategie-et-politique/dijon-imaginer-et-construire-la-metropole-francaise-du-futur
(5) https://www.construction21.org/france/articles/fr/la-plateforme-de-mobilite-optimodlyon-1re-en-europe-pour-la-prevision-du-trafic-a-1-heure.html