Avez-vous déjà remarqué que lorsque vous discutez avec un ou plusieurs amis, vos cerveaux semblent se synchroniser ? C’est ce que des neurologues du monde entier tentent de comprendre en utilisant une technologie très complexe surplombée d’innombrables calculs très compliqués, nommée « l’hyperscanning ». Leur but est de comprendre ce qui se passe dans les cerveaux lorsque deux ou plusieurs personnes discutent entre elles, se racontent des histoires, se concentrent sur un sujet commun, ou toute autre activité nécessitant d’échanger.

Le domaine de la neuroscience sociale interactive n’en est qu’à ses débuts, mais ne désespère pas à l’idée de comprendre comment fonctionne cet organe si complexe qu’est notre cerveau. Par ce biais, les neuroscientifiques espèrent également comprendre le fondement neuronal d’un échange social, afin de modifier la base même de la communication, dans le but d’améliorer l’éducation et de comprendre les troubles psychiatriques liés à la déficience sociale. Thalia Wheatley du Dartmouth College a déclaré que « nous passons notre vie à nous parler et tisser des liens. Pourtant nous comprenons très mal comment les gens arrivent à se connecter entre eux. Nous ne savons rien sur la façon dont les esprits arrivent à se coupler ».

La première étude, dirigée par le physicien Read Montague de Virginia Tech et ses collègues, visant à surveiller simultanément deux cerveaux a eu lieu il y a 20 ans environ . Les deux sujets ont été placés dans deux machines à imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) distincte afin d’observer leur activité cérébrale. Le premier sujet (l’expéditeur) devait dire à l’autre sujet (le destinataire) s’il avait vu la couleur rouge ou la couleur verte, tandis que ce dernier devait essayer de deviner s’il mentait ou non. Les suppositions du deuxième sujet, qui étaient très souvent justes, ont permis à Montague de créer cette nouvelle technologie, qui pendant des années a donné la possibilité aux chercheurs du monde entier de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain : l’hyperscanning.

Le neuroscientifique David Poeppel de l’Université de New York affirme qu’il est très difficile de mener ce genre d’expérience. Cela requiert de l’immobilité et de la rigueur de la part des scientifiques en matière de contrôle expérimental. Il explique que sur deux cerveaux, l’expérience est d’autant plus complexe car il faut « synchroniser les machines, les données, et l’acquisition des données ».

Depuis sa création, l’hyperscanning a été utilisé pour toutes les recherches d’imagerie cérébrales incluant plus d’une personne. De nos jours, les neuroscientifiques se tournent plus vers l’électroencéphalographie (EEG), la magnétoencéphalographie (MEG), ou encore l’imagerie spectroscopique, proche infrarouge fonctionnelle (ISPIf). L’utilisation de ces technologies est très récente et a permis d’élargir l’éventail de recherches des neuroscientifiques, a rendu cette pratique beaucoup plus populaire.

Encore plus récemment, nous avons pu constater l’arrivée de l’intelligence artificielle dans ce domaine. Cette dernière, mise au point par le MIT, est capable d’enregistrer et d’analyser des scanners cérébraux avec une vitesse de traitement 1000 fois supérieure à celles disponibles actuellement. Bien qu’elle soit dans un premier temps destinée à la chirurgie, rien ne nous dit que d’ici quelques années elle soit développée dans le domaine de la neuroscience.

Les effets du contact visuel sur notre cerveau

Une question philosophique a été soulevée : que se passe-t-il lorsque les personnes sont seules, ne se regarde pas, ou ne sont présentes qu’en tant qu’observateur ? Autrement dit, que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de contact visuel ? Est-ce que ce lien neuronal a quand même lieu lorsqu’on entend l’information sans regarder la personne ? Apparemment oui. Selon le psychiatre et neuroscientifique en sciences sociales, Leonhard Schilbach de l’Institut de psychiatrie Max Planck de Munich, « la cognition sociale est fondamentalement différente quand on est directement engagé dans une discussion avec une autre personne que lorsqu’on observe une autre personne ».

Schilbach a été l’un des principaux activistes de ce qu’il aimait appeler la neuroscience à la deuxième personne. Dans ses recherches, il a inclus des personnages virtuels qui semblaient répondre au regard du participant. Il explique que « le soi-disant réseau de mentalisation et le réseau d’action-observation semblent être beaucoup plus étroitement liés que nous ne le pensions. Ils s’influencent mutuellement, parfois de façon complémentaire, parfois inhibitrice ». Schilbach affirme également que lorsqu’une personne pense qu’on la regarde alors qu’on regarde derrière, cela va stimuler l’activité dans les circuits de récompense du cerveau et plus particulièrement dans le striatum ventral.

Comprendre les troubles psychiatriques liés à la déficience sociale par la neuroscience

Il est également intéressant de comprendre ce qui se passe dans un cerveau atteint de troubles psychiatriques liés à la déficience sociale, tel que l’autisme. C’est ce qu’a fait la psychologue Elizabeth Redcay de l’Université du Maryland, en étudiant les interactions sociales de l’autisme sur l’enfance moyenne. Alors qu’elle était boursière post-doctorale, Redcay travaillait avec Rebecca Saxe au Massachusetts Institute of Technology. Cette dernière a mis en place une expérience mettant en scène un sujet à l’intérieur d’un scanner et un chercheur (qui était annoncé comme étant un autre sujet) en interaction vidéo dans un autre scanner. Celles enregistrées par le chercheur ont servi de contrôle, tandis que les vraies enregistrées par l’enfant ont permis à Redcay de constater une plus grande activation dans les zones du cerveau impliquées dans la cognition sociale et la récompense.

Redcay a réussi à établir des différences dans la façon dont le cerveau en action va réagir. Pour les enfants, elle a remarqué que ce sont des régions qui impliquent de la réflexion qui sont touchées, elles sont engagées lorsqu’il y a une interaction avec un pair. La psychologue a également constaté un élément essentiel de l’interaction social : les régions cérébralisantes du cerveau, telle que la jonction des lobes pariétal et temporal, réagissaient différemment lorsqu’elles se sentaient concernées que lorsqu’elles observaient.

La puissance du regard

Le contact des yeux est l’endroit logique à regarder, il est le signal qu’une personne est bien attentive à la discussion. C’est une façon de partager l’intention et les émotions. Norihiro Sadato de l’Institut national des sciences psychologiques du Japon et ses collègues ont utilisé l’hyperscanning pour montrer, début 2019, que le contact visuel prépare le cerveau à faire preuve d’empathie en activant simultanément les mêmes zones du cerveau des interlocuteurs. Le cervelet aide à prédire la conséquence sensorielle des actions et du système miroir limbique, qui est un ensemble de zones du cerveau qui deviennent actives à la fois lorsque nous bougeons une partie du corps, y compris les yeux, que lorsque nous observons les mouvements de quelqu’un d’autre. Car oui, le non verbal est également un moyen de communication, qui en dit long sur ce que pense une personne.

Le neuroscientifique Uri Hasson de l’Université de Princeton a mené des expériences déterminantes sur le couplage cérébral, en utilisant la narration. Dans l’une de ses expériences, il a placé un sujet dans un scanner et lui a fait raconter une histoire. Ensuite, il a placé un autre sujet dans le même scanner et lui a demandé d’écouter un enregistrement de l’histoire racontée par la première personne. Hasson a comparé les activités de locuteur et de l’auditeur, et a trouvé la preuve que les deux cerveaux s’étaient couplés entre eux. Il explique que « le cerveau de locuteur devient semblable à celui de l’auditeur ». Il affirme que plus les cerveaux étaient alignés, plus la compréhension était grande. Il ajoute que « votre cerveau en tant qu’individu est vraiment déterminé par les cerveaux auxquels vous êtes connecté ».

Hasson s’est associé à Wheatley de Dartmouth pour aller plus en profondeur dans sa recherche. En plaçant chaque sujet dans un scanner, il leur a fait raconter l’histoire à tour de rôle. Un peu comme à l’école où le professeur demande à un élève de lire une première partie et qu’un autre continue ensuite. Par ce biais, il leur serait alors possible de capturer les états cérébraux lors de cette interaction, et de voir comment deux cerveaux se rapprochent et se séparent l’un de l’autre au cours d’une conversation.

Où que vous soyez, vos ondes cérébrales se synchronisent

Les études ont démontré que lorsque nous sommes en groupe, avec des personnes que nous connaissons ou pas, comme par exemple à des concerts ou au cinéma, nos ondes cérébrales se synchronisent. Cela insinue que l’intention du public est concentrée sur une seule et même émotion commune. Cela n’a rien d’étonnant, mais les scientifiques affirment avoir appliqué la même chose en classe dans une école du secondaire de New York. Ils ont constaté que les ondes cérébrales des élèves étaient plus synchrones les unes avec les autres lorsqu’ils étaient tous plus engagés pendant le cours. Cette synchronisation reflète également la sympathie qu’ont les élèves entre eux et envers l’enseignant. Pour les chercheurs, des relations plus étroites amènent vers la synchronisation. Cette dernière pourrait également permettre de mieux apprendre. D’ailleurs contrairement à ce que l’on pense, le cerveau d’un humain adulte produit toujours de nouveaux neurones. L’hippocampe est responsable de l’apprentissage, de la mémoire et de la régulation de nos humeurs, et joue donc un grand rôle dans notre développement.

Des découvertes majeures en termes de neurologie

La technologie a eu un réel impact sur les recherches, et ce, depuis des années. De nos jours, les chercheurs arrivent à déceler de nombreuses questions que l’on se pose depuis des décennies voire des siècles sur le fonctionnement du cerveau. L’intelligence artificielle fait également de plus en plus sa place dans ces domaines. Même si les machines en elles-mêmes sont très performantes, l’IA arrive à faire des choses bien plus incroyables, d’autant plus qu’elle n’en est qu’à ses débuts. Vous n’êtes pas sans savoir que l’intelligence artificielle est développée par l’Homme, mais il est tout de même assez surprenant de constater ses capacités, peu importe le secteur. À titre d’exemple, une intelligence artificielle a été mise au point par des chercheurs d’IBM pour détecter la maladie d’Alzheimer à partir de tests sanguins. Ces nouvelles technologies font partie intégrante de nos vies désormais, que ce soit dans le domaine de la recherche ou celui de la santé. Bien qu’elles soient souvent mal perçues, elles permettent tout de même de réaliser de grandes prouesses.

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