L’agilité est incontestablement un sujet d’actualité. Cependant, plus nombreuses sont les sociétés à s’y essayer, plus nombreuses elles sont à échouer. Quelles sont les principales caractéristiques de ces échecs ?

L’environnement de l’entreprise conditionne en grande partie le succès de la mise en place de l’agilité. Il peut-être un accélérateur du changement mais aussi un frein. Frein reposant sur des causes racines multiples mais dont cinq grandes caractéristiques se dégagent.

Première caractéristique : une culture d’entreprise non adaptée à l’agilité et une résistance des managers

Rappelons que l’agilité se définit comme une culture soutenue par des valeurs et des principes permettant d’être performant dans un environnement complexe. Elle n’est ni une méthode, ni un processus, ni un produit. Elle est une culture pouvant se résumer en quatre verbes : livrer, communiquer, réfléchir, s’améliorer. Pour qu’elle puisse permettre à une organisation d’atteindre ses objectifs, il est primordial que la culture de cette société ne soit pas un obstacle à celle de l’agilité. Si tel est le cas, la mise en place de l’agilité ne se résume qu’à un ensemble de pratiques vidées de leurs sens.
Si une organisation empêche ceux qui font d’avoir un pouvoir décisionnel, si elle est centrée sur sa structure et non sur les personnes, si elle inonde le quotidien de ses collaborateurs par des processus lourds, elle répond alors à la complexité de son environnement par une complication de son système. Concrètement, cela peut se matérialiser par une hiérarchie forte, par la nécessité d’écrire quotidiennement de fastidieux comptes-rendus, par la multiplication des règles internes ou encore par la volonté de s’assurer du respect scrupuleux des procédés mis en place.
Difficile donc dans cette situation d’évoluer vers l’autonomie et la responsabilisation de chacun des membres de l’organisation – deux éléments clés de la culture agile mais surtout deux éléments indispensables à la performance d’équipe dans un contexte mouvant.
Une transformation agile peut être rendue difficile également par la résistance de certains managers voyant dans l’agilité une perte de leur pouvoir. Cette résistance est une réaction naturelle, elle n’est pas à envisager comme un obstacle mais comme une opportunité pour lancer des discussions permettant de la comprendre et de l’accompagner. C’est aussi l’occasion d’aider les managers à lâcher prise, à changer de posture afin qu’ils soient au service des salariés de l’entreprise en leur permettant de travailler à leur manière, en leur permettant également de décider eux-mêmes de leurs gestes et outils vers un but commun défini par le manager. Celui-ci quitte progressivement un état d’esprit basé sur le contrôle pour apporter de la valeur à ses collaborateurs en les formant en permanence, en cassant les barrières entre les services, en instituant un programme de développement personnel ou, encore, en informant et écoutant les employés.

Seconde caractéristique : une transformation agile imposée et non une transformation co-construite

Le succès d’une transformation agile repose en grande partie sur l’engagement des personnes. En imposant des pratiques et des cadres de travail (comme Scrum ou SAFe), l’adhésion des salariés est difficile. Les conséquences sont alors désastreuses : les équipes, ne se sentant ni respectées, ni comprises, rejettent en bloc leur nouvelle organisation.
Pour susciter l’engagement il est indispensable d’impliquer les personnes. Cela peut être réalisé, notamment, par le biais de forums ouverts comme décrit initialement par Harrison Owen dans son livre Open Space Technology puis, plus tard, par Dan Mezick dans The OpenSpace Agility Handbook. Ces évènements sont l’occasion d’inviter l’ensemble des membres de l’organisation à s’écouter, à réfléchir, à se comprendre et à construire ensemble les prochaines étapes de la transformation agile.

Troisième caractéristique : la capacité de production comme objectif et non comme indicateur

L’important est de produire mieux. Si la vélocité est le prisme par lequel la direction juge de la bonne marche d’une équipe, il est fort à parier que la qualité et la satisfaction du client seront les grands perdants de l’équation. Les conséquences sur le terrain sont terribles : les équipes, persuadées par la gouvernance d’être éternellement en retard, tiennent un rythme difficilement soutenable. Elles s’essoufflent, se fatiguent, s’énervent et se retrouvent incapables de livrer fréquemment de la valeur – soit le but affiché de la culture agile.

Quatrième caractéristique : le sentiment d’urgence et non l’urgence du résultat

Sans sentiment d’urgence, il est difficile d’amener le changement. C’est d’ailleurs très bien expliqué par Vineet Nayar dans son livre Employees First, Customers Second et par John P. Kotter dans son livre Leading Change. Seulement, cette urgence ne doit pas se traduire par une urgence du résultat et une urgence de la transformation agile. Cette dernière prend du temps, beaucoup de temps. Pour citer François-Xavier Maquaire, il est important de : « prendre le temps, pas à pas, de voir que ce que je regarde se développe » . En mettant la pression sur le résultat, l’organisation pousse inconsciemment les équipes à prendre des raccourcis et à créer une dette technique et une dette émotionnelle dont les coûts de remboursement seront, à terme, gigantesques.

Cinquième caractéristique : une direction absente

Toute transformation agile dépend avant tout de l’implication de la direction qui doit définir un futur rêvé, partager des objectifs à court terme, incarner les valeurs de la culture agile, porter des convictions, clarifier ses intentions, décrire les bénéfices attendus, limiter les projets en cours, s’assurer de la gestion des dépendances entre équipes, distribuer le pouvoir décisionnel, mesurer l’avancement, montrer la voie, communiquer sur l’avancée du changement, encourager l’effort, miser sur la production de valeur à l’échelle, laisser la place à l’expérimentation, inviter et non imposer. Avec l’engagement de la direction, les nouveaux comportements désirés des employés deviennent des habitudes permettant à l’organisation de s’adapter et de s’améliorer face au changement.

Pour conclure, réussir l’implémentation de la culture agile au sein d’une organisation demande de s’inscrire dans une démarche prenant en compte le contexte de l’entreprise tout en s’employant à donner du sens et définir une identité au service d’un environnement permettant l’engagement, l’autonomie, la confiance et le respect de tous les acteurs de l’organisation.