Recyglo est une startup « green » accélérée par l’Innovation Lab’ Phandeeyar et qui a fait des problématiques de « waste management » sa raison d’être.

J’ai eu le plaisir de rencontrer sa co-fondatrice et CEO Shwe Yamin Oo, une jeune entrepreneuse pleine d’ambition qui a dores et déjà compris que l’écologisme des entreprises est au coeur des problématiques de la transformation digitale. 

Logo Recyglo

Recyglo, une start-up spécialisée dans le « waste management » au Myanmar

Bonjour Shwe, peux-tu me parler de ton parcours avant la création de Recyglo ? 

Bonjour Guillaume et bienvenue à Phandeeyar ! Avant de créer Recyglo, j’ai étudié les Sciences  de l’informatique à l’université de Yangon. Depuis lors, je suis devenu une entrepreneuse aguerrie. J’ai fondé Shwe Bon Thar, une école spécialisée dans les technologies informatiques, je dirige une chaîne de « convenient stores » à Yangon et gère l’immobilier familial. J’ai également créé un logiciel de comptabilité SaaS destiné aux PME du Myanmar qui s’appelle « Modern Boss » et je suis donc également co-fondatrice et CEO de Recyglo, une startup innovante qui traite des problématiques de « waste management* » (*Gestion des déchets). A l’origine, Recyglo est une entreprise créée à Singapour; je viens d’en fonder une filiale au Myanmar et des filiales devraient suivre dans toutes l’Asie du Sud-Est.

Raconte-moi l’histoire de Recyglo de sa création jusqu’à aujourd’hui.  

Au Myanmar, Recyglo a été lancée en Mai 2017. Nous sommes assez fous pour travailler sur des problématiques « green » alors que la plupart des gens s’éloignent de plus en plus du secteur industriel. Ici, le secteur de l’industrie est représenté par les 3D: « Dirty, Difficult and Dangerous » et il est délaissé, voir méprisé par toute l’Asie du Sud-Est ! Néanmoins, nous avons tout de même décidé de travailler sur ce marché car il existe un fort potentiel qui permettrait d’améliorer la situation au Myanmar et dans toute l’Asie du Sud-Est. Nous souhaitons vraiment bénéficier de l’avantage du « first moove » pour gagner des parts de marché aussi rapidement que possible. 

Notre solution n’est d’ailleurs pas qu’applicable aux pays en voie de développement mais également sur les marchés développés. Au long de ce parcours entrepreneurial, nous avons déjà eu l’opportunité de travailler avec le gouvernement de la Nouvelle-Zélande, l’IFC* (*Société Financière Internationale, organisation du Groupe de la Banque Mondiale), Nordic Investors ou encore Alibaba. Ils nous ont permis de bénéficier de mentorings, de leurs réseaux et d’investissements dans notre startup. 

Nous avons aussi appris de startups internationales plus développées comment construire un business model « scalable ». Nous avons retenu que nous avons un potentiel de développement immense et que nous pourrons nous appuyer sur des réseaux pour accélérer notre plan de développement géographique mais également pour mettre en place une roadmap évolutive afin de mettre en oeuvre notre stratégie commerciale internationale. 

Peux-tu me décrire l’activité exacte de Recyglo et me donner quelques chiffres clés depuis votre création ? 

Recyglo propose d’offrir aux entreprises et aux particuliers des solutions de recyclage eco-responsables en bénéficiant de nos outils logistiques et d’une marketplace dédiée à la gestion des déchets et des objects usagés en Asie du Sud-Est. Fondée en mai 2017, notre mission est de traiter ces matériaux de manière sûre et non dangereuse, directement de la source, avec pour objectif final de préserver l’environnement mondial. Nous tentons de promouvoir un changement d’habitudes passant par le recyclage intelligent et les politiques de « waste management » dans l’optique d’obtenir des résultats à long terme. 

Aujourd’hui, nous travaillons avec environ 400 clients sur le segment B2B et l’impact de ces collaborations touche déjà plus de 120 000 personnes ! Actuellement, nous générons un chiffre d’affaire mensuel moyen de 10K US dollars et un taux de croissance de 160% MOM* (* « Month Over Month »). Sur le segment B2C « Oh my Trash », nous attendons une croissance de 25 000 utilisateurs actifs par semaine au premier trimestre 2019 et environ 80 000 utilisateurs actifs pour le dernier semestre (Q4) 2019. 

Que signifie « être une entrepreneuse » au Myanmar ? 

Beaucoup de sueur, de risque et de folie, une concentration maximale, un dévouement de tous les instants et surtout de la persistance ! Ma famille ne souhaite pas que je sois une femme entrepreneuse dans la technologie. Ils voudraient que je sois une femme au foyer, avec, au mieux, un boulot stable. Ils ont tout essayé pour me faire rencontrer des « futurs maris » car ils veulent que je sois mariée à quelqu’un qu’ils connaissent et que je sois « douée à la maison ». J’ai refusé ! Je ne correspondais pas à l’image de la femme au foyer au sens conservateur de la société mais plutôt à celle d’une entrepreneuse pleine de succès. 

Je rêve de participer à l’« Extreme Tech Challenge » de Richard Branson. Mon ambition, c’est aussi de montrer au monde entier à quel point les femmes qui entreprennent au Myanmar peuvent aller loin ! Nous avons donc prévu de participer à ce challenge et d’y dévoiler notre solution de « waste management ».

Pourquoi as-tu choisi de créer une startup ? 

J’ai toujours été intéressée par l’entrepreneuriat. J’aime trouver des solutions aux problèmes et confirmer dans la réalité les hypothèses que j’ai émises dans mon esprit. Je ne suis pas très « corporate ». J’aime faire évoluer les choses d’un point A à un point B avec ma propre sueur et mon intellect. Une startup me permet d’être le capitaine de mon propre navire et de voguer dans la bonne direction sous mon contrôle. Ce style de vie me permet aussi d’être plus créative, plus active et d’agir positivement sur la société.  

Au Myanmar, les femmes n’aiment pas diriger. Pourtant, le leadership est quelque chose dont tu peux être fière et qui peut permettre indirectement de nourrir des millions de famille. J’emploie désormais 30 personnes et presque 100 personnes dépendent de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle, il est important de créer des emplois et encore mieux, des emplois de qualité, afin de montrer l’exemple et d’aider les gens à devenir, à leur tour, capitaines de leur propre navire. 

Pourquoi les problématiques environnementales sont-elles si importantes à tes yeux ?

A mon sens, le sujet le plus important est le rejet des déchets dans les rivières et leurs courants qui terminent dans les océans et génèrent des problèmes monstrueux. Nous sommes également de fervents alliés du SDG* (*Sustainable Development Goals = Objectifs de Développement Durable ») de l’ONU. Nous visons les objectifs suivants: 

  1. Recyglo oeuvre pour atteindre l’objectif 8 (« Travail Décent et Croissance Economique ») en créant des opportunités d’emplois pour les familles marginalisées à bas revenus en les faisant participer au « waste management » et au recyclage.
  2. Recycglo oeuvre pour atteindre l’objectif 9 (« L’innovation dans l’industrie et les infrastructures ») en offrant une plateforme aux entreprises et organisations pour réduire, réutiliser, recycler leur matériel ancien et usagé.  
  3. Recyglo oeuvre pour atteindre l’objectif 12 (« Une consommation et une production responsables ») en recyclant plus de 100 tonnes par mois de papier, plastique, verre et aluminium. 
  4. Recyglo oeuvre pour atteindre l’objectif 13 (« Action pour le climat ») en sensibilisant de jeunes étudiants dans les écoles supérieures et les universités aux problématiques de réchauffement climatique, de waste management et de « durabilité » environnementale. Nous proposons également de nombreux stages dédiés à ce sujet à travers l’Asie. 
  5. Recyglo oeuvre pour atteindre l’objectif 14 (« La Vie sous-marine ») en s’assurant que les déchets organiques deviennent du compost et que les déchets recyclables non organiques, y compris les sacs en plastique, soient collectés et recyclés à la source avant leur rejet dans les rivières et l’océan.  
  6. Recyglo oeuvre pour atteindre l’objectif 15 (« Vie sur terre ») en s’assurant que les déchets et les décharges ne polluent pas nos terres agricoles et notre environnement naturel. 
Pollution Myanmar

Pollution au Myanmar, un problème de grande ampleur

Comment avez-vous été sélectionnés pour être accélérés par Phandeeyar ? 

Il est difficile de lever des fonds au Myanmar car l’éco-système n’est pas encore assez développé. Je crois que sans Phandeeyar, il n’y aurait pas de Recyglo ! On travaille dur pour leur prouver que leurs investissements sont entre de bonnes mains. Nous avons une croissance mensuelle à deux chiffres et nous sommes convaincus que cela servira le pays tout entier dès fin 2019. 

En outre, nous avons bénéficié d’un nouvel investissement de 150K dollars de l’accélérateur Katapult Ocean d’Oslo afin de nous aider à rendre notre business model scalable. Par ailleurs, nous sommes actuellement en train de faire un tour de table à hauteur de 500K via le réseau  Nordik Investors et de créer un syndicat d’investisseurs. 

Comment Phandeeyar vous aide-t-il a atteindre vos objectifs business ? 

Phandeeyar nous a aidé à passer au palier supérieur et nous offre encore d’autres services qui nous aident à grandir à notre manière. Ils sont toujours là lorsque nous avons besoin d’aide ! En ce moment, ils nous accompagnent dans le développement de notre stratégie et de sa mise en oeuvre mais nous aident aussi à lever des fonds. 

Où vois-tu Recyglo dans 1 an, 3 ans, 10 ans ? 

Nous aurons une croissance massive sur notre marché en se concentrant sur les problématiques de « waste management » pour les PME’s. Puis, en step 2 et 3, il faudra exporter nos services dans toute l’Asie. 

Quel est ton point de vue sur la transformation digitale du Myanmar ? 

Le Myanmar est le dernier arrivé sur la scène tech. L’éco-système n’est pas encore florissant mais nous souhaitons atteindre le fameux « leapfrog ». Pour ce faire, nous avons besoin d’infrastructures de qualité. Le gouvernement doit également apporter sa contribution pour réellement aider l’éco-système à se développer. Si tu regardes le Vietnam il y a cinq ans, ils n’avaient pas non plus d’éco-système tech ou startup mais, aujourd’hui…