À la maison, au travail, en voiture, à l’école ou encore à l’hôpital, notre quotidien est  » smart  » et connecté. La tendance s’accélère, avec les perspectives offertes par le big data ou l’intelligence artificielle. Or, ce sont aujourd’hui les hommes qui sont aux manettes du digital. Pire : les femmes ont même tendance à déserter le numérique. Il est urgent de réagir, en commençant dès le plus jeune âge à déconstruire les stéréotypes.

En matière d’entrepreneuriat numérique, l’absence de mixité est particulièrement frappante : moins d’un entrepreneur numérique sur dix est une femme, selon une étude réalisée par Ernst & Young avec France Digitale. Les start-uppeuses françaises lèvent également moins de fonds que les hommes, notamment en phase d’amorçage : les levées féminines étaient de 1 500 000 euros en 2017 contre 3 200 000 euros pour des start-ups dirigées par des hommes !

Le constat est encore plus alarmant si l’on tient compte des métiers du numérique dans leur ensemble : en trente ans, le nombre de femmes ingénieurs est passé de 30% des effectifs à seulement 15%. Même constat chiffré sur les bancs des écoles d’ingénieurs. Elles ne sont également que 11% à travailler dans un secteur aussi stratégique que la cybersécurité.

Les femmes, adeptes de la techno utile

La litanie des chiffres a de quoi laisser pantois. D’autant que cette désertion des femmes est triplement dommageable : pour les femmes d’abord, qui passent à côté d’opportunités de carrière, pour les entreprises ensuite, qui recrutent massivement sur ces secteurs et peinent à trouver les talents, pour l’humanité entière enfin, dont l’avenir ne peut décemment pas se construire sans les femmes !

L’apport des femmes est en effet précieux pour inventer des solutions en phase avec les besoins réels du quotidien. La technologie pour la technologie n’est pas leur moteur premier, elles imaginent des services dont l’enjeu est d’abord de résoudre un problème concret. Prenez la créatrice de Leetchi, Céline Lazorthes, elle a créé la cagnotte en ligne parce qu’elle a eu un mal fou à collecter l’argent d’un groupe d’amis pour organiser un week-end. C’est en partant d’une idée simple que son entreprise a vu le jour… et ça marche : six ans après sa création, la plateforme a été racheté par le Crédit Mutuel pour 50 millions d’euros.

Algorithmes biaisés ?

Laisser la conception des algorithmes aux seules mains des hommes est également regrettable ! Le Conseil National du Numérique considère aujourd’hui que l’inclusion et la diversité sont des chantiers prioritaires. Ce n’est pas un hasard : les risques de biais sexistes – la plupart du temps inconscients – sont bel et bien réels si les hommes restent les créateurs exclusifs des algorithmes, à l’origine de tous les nouveaux usages du quotidien. Le code ne peut pas rester l’apanage des hommes !

Détricoter les représentations

Pour développer l’inclusion et pousser les femmes à (ré)investir le numérique, il n’y a qu’une solution : détricoter les représentations mentales, et ce dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, l’image de l’ingénieur informatique reste collée, de façon caricaturale, à celles du geek enfermé dans sa chambre, accroché à son ordinateur, à ses jeux vidéo et à ses lignes de code. Autrement dit, le  » modèle  » est peu séduisant pour une jeune fille, d’autant que son entourage est trop souvent enclin à lui faire comprendre que l’informatique, « ce n’est pas pour les filles ». L’effet nombre joue aussi : moins il y a de filles en écoles d’ingénieurs, moins elles ont envie d’y aller.

Mettre à mal l’imaginaire du numérique

Il est d’abord urgent de changer les idées reçues sur l’informatique pour amener les filles à investir ces métiers, pour leur donner envie d’entreprendre. C’est l’une de missions clés de la Fondation Femmes@Numérique, créée en 2018, qui rassemble des associations et 42 entreprises du numérique, dont Econocom. C’est un combat que je mène depuis des années, au sein du Syntec Numérique. En intervenant régulièrement dans les écoles, je vois le chemin qui reste à parcourir, notamment pour rendre les métiers du numérique plus concrets. Une récente étude des Talents du Numérique montrent par exemple que plus de 85% des lycéens ne savent pas ce qu’est un data scientist ! Or c’est aussi en faisant la pédagogie des métiers de plus en plus collaboratifs que l’on peut mettre à mal le stéréotype du geek solitaire.

Apprendre aux enfants à coder dès la primaire est aussi une solution pour démystifier l’informatique. Les ateliers de codage à l’école organisés par la start-up Magic Makers , en sont la meilleure preuve. Les enfants, filles comme garçons, apprennent par exemple à customiser un drone en s’initiant au code et en s’amusant. C’est sans doute l’un des meilleurs leviers d’inclusion ludique qui soit !

Faites-vous plaisir les filles !

Pour ma part, j’ai toujours travaillé dans l’informatique, d’abord en créant mon entreprise, puis en la revendant à ECS, qui deviendra plus tard Econocom. Ma chance est peut-être de n’avoir eu aucun travail de « déconstruction » à faire, aucun stéréotype à détruire. J’ai avancé dans le métier, sans me poser de questions existentielles et, toujours, en gardant intacte l’envie d’apprendre, d’entreprendre et de faire bouger les lignes. En 2011, lors de mon intégration dans les instances de Direction Econocom en France, je me suis rendue compte que quelque chose « clochait » : j’étais la seule femme dans le business. Le déclic qui m’a donné envie de m’engager pour motiver les femmes à prendre leur destin en main et à investir le numérique.

Qu’elles soient collégiennes ou en reconversion professionnelle, qu’elles aient le profil d’entrepreneuse ou qu’elles ne l’aient pas, je tiens à toutes le même discours : ne loupez pas la marche digitale ! Formez-vous et soyez curieuse : c’est possible aujourd’hui, grâce à l’e-learning, aux MOOC aux vidéos éducatives, aux formations courtes comme celles de la Grande école du numérique… Osez sortir des sentiers battus et entreprendre de nouvelles aventures, quitte à ne pas réussir du premier coup. Et surtout, faites-vous plaisir : devenez actrice du digital et inventez un avenir qui vous ressemble, un avenir en phase avec vos aspirations… Au final, c’est l’humanité dans son ensemble qui s’en portera mieux !