L’algorithme de YouTube favoriserait l’augmentation du nombre de « Flat Earthers » selon une recherche de la Texas Tech University.

A priori, on pourrait croire qu’il y a là l’erreur classique confondant corrélation et causalité. S’il y a plus de gens pour croire que la terre est plate puisqu’il y a plus de gens qui visionnent les vidéos qui racontent cela sur YouTube, c’est donc la faute de YouTube.

En réalité, l’étude est bien plus originale que cela et elle n’a pas tellement à voir que cela avec les statistiques. Non. Asheley Landrum, professeure assistante en science de la communication à l’Université Texas Tech a travaillé sur 30 interviews de personnes ayant assisté à l’une des deux grandes messes des « Flat Earthers », la Flat Earth Conference qui s’est tenue à Denver, Colorado en novembre 2018 et, avant celle-ci, une conférence équivalente en Caroline du Nord en 2017, à Raleigh.

Ces conférences ont alerté la chercheuse

Asheley R. Landrum, PhD, est psychologue et professeure adjointe spécialisée en communication stratégique en sciences. Ses recherches jettent un pont entre la théorie et la méthodologie de la psychologie éducative, sociale, cognitive et du développement, ainsi que la recherche en communication et les politiques publiques.
En clair, elle cherche à savoir comment les valeurs culturelles affectent notre compréhension de la science.

Comment par exemple, « les Flat Earthers ne seront pas ébranlés du tout par les propos d’un scientifique, raconte-t-elle. Quand l’astrophysicien Nel deGrasse Tyson explique de façon très rationnelle que de toutes petites sections d’une courbe très grande apparaîtront toujours comme « plates », son message sera perçu comme condescendant et dédaigneux ».

La forme l’emporte sur le fond

Et parmi les 30 interviews réalisées auprès des participants à ce congrès, elle a découvert qu’il y avait un « pattern » (une structure-type) dans l’histoire que racontent ces gens sur la façon dont ils ont « compris » que la terre n’était pas ce caillou flottant dans l’espace mais bel et bien une chose plate ».

Parmi les 30 en question, 29 n’imaginaient pas cela il y a encore deux ans… jusqu’à tomber sur des vidéos de YouTube démontrant la conspiration.
Les interviews ont aussi prouvé que ces personnes avaient vu également d’autres vidéos sur d’autres conspirations (les événements du 11 septembre, la Nasa a-t-elle réellement envoyé des gens sur la Lune, etc.).

La recherche montre enfin que l’une des vidéos les plus populaires, « 200 preuves que la terre n’est pas une boule qui tourne » est d’une efficacité redoutable, parce qu’elle offre des arguments qui rebondissent tous sur des croyances psychologiques pré-existantes très nombreuses qu’elle vient renforcer. Cela va d’extraits de la Bible jusqu’à des théories de la conspiration en passant par des a-priori sur la science.

On reconnaît là la fameuse théorie du « biais de confirmation », dont on a beaucoup parlé à l’occasion du mouvement des gilets jaunes : on a tendance à donner plus de valeur à des informations et à des sources qui renforcent des idées ou des croyances que l’on a déjà, et les réseaux sociaux offrent des effets de loupe démesurés à cette théorie.

Progrès de la Science

Landrum qui présentait ses résultats au congrès annuel de l’American Association for the Advancement of Science (Association américaine pour les progrès de la Science), a déclaré qu’elle ne pensait pas que YouTube ait fait quoi que ce soit de mal dans cette histoire, mais que si le site voulait contribuer à faire quelque chose de bien, ce serait de modifier son algorithme pour mettre en avant des informations plus précises.

Il n’en reste pas moins vrai que les solutions qu’elle propose nous laissent sur notre faim. Inviter les scientifiques à diffuser leurs propres vidéos ? Comme elle l’a elle-même expliqué, cela renforcera le sentiment des Earth Flaters qu’on ne les prend pas au sérieux, et cela renforcera le sentiment que la conspiration est réelle.

On atteint là les limites de l’intelligence artificielle. Même chez Google, l’intelligence en question ne reflète que l’intelligence des foules et des grands nombres, par la mécanique même de son algorithme. Quand la foule en question s’isole dans un segment donné et se met à partir en vrille, l’intelligence de la machine est dépassée. Qu’elle soit artificielle ne change rien à l’affaire.