Ces dernières années les scandales sanitaires autour de la nourriture n’ont jamais été aussi nombreux ou en tout cas on en n’a jamais autant parlé dans les médias. Qu’il s’agisse du scandale de la viande de cheval en 2013 concernant environ 4,5 millions de plats préparés et des dizaines de millions de consommateurs, plus récemment de l’affaire de la viande de boeuf avariée avec 800 kilos de viande retrouvés par les services sanitaires du ministère de l’Agriculture dans 9 entreprises du secteur agroalimentaire, ou encore le scandale du lait infantile contaminé aux salmonelles fin 2017, autant d’histoire dont on aimerait qu’elles ne puissent se reproduire. On le voit la traçabilité de la chaîne complète du producteur au consommateur des produits que nous consommons tous les jours est un enjeu majeur aujourd’hui et pour les années à venir. La confiance est rompue entre la grande distribution et ses clients et la question est de savoir comment la rétablir pour apporter de réelles réponses non contestables dans l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur ? La blockchain semble ici encore être la bonne solution pour régler les tensions du secteur.

 

Blockchain du poulet

En janvier 2018, Alexandre Bompard le nouveau patron de Carrefour annonçait un grand plan de transformation pour l’enseigne de grande distribution afin de la faire devenir omnicanal et lui permettre d’accélérer sur le numérique. Dans ce cadre, 2,8 milliards d’euros sont prévus d’ici 2022 dont une partie consacrée à des investissement sur la blockchain. En mars 2018, Carrefour annonçait ainsi en grande pompe la sortie d’une nouvelle application pour permettre aux consommateurs de suivre la chronologie des événements de la vie du poulet d’Auvergne, produit pour la marque, grâce à un QR code étiqueté sur l’emballage. Avec une simple application mobile il est possible d’accéder à toute l’information enregistrée tout au long de la chaîne de l’élevage jusqu’à la mise en barquette d’un poulet et son arrivée en magasin. Toutes les informations sont enregistrées dans une blockchain Ethereum privée mise à disposition des différents corps de métier de la chaîne de valeur, qu’il s’agisse de l’éleveur, du vétérinaire ou de l’abatteur.

 

En novembre dernier, c’est un autre géant de la grande distribution qui annonçait avoir passé sous blockchain ses carottes bios afin d’en garantir toute la traçabilité aux clients. Auchan pour ne pas le citer, a donc passé un partenariat avec Te-Food une startup allemande qui développe une solution nommée FoodChain et qui apporte donc la technologie de blockchain permettant de réaliser ce cas d’usage. En l’occurrence, au-delà des informations liées aux acteurs qui produisent les carottes, une puce RFID équipe les caisses de transport afin de pouvoir disposer d’informations supplémentaires autres que celles inscrites dans la blockchain par les différents acteurs qui les manipulent. Au final, là aussi un QR code est installé sur l’emballage final des carottes pour permettre au consommateur d’accéder avec son smartphone à toutes les informations les concernant tout au long de la chaîne.

 

Traçabilité de bout en bout

On le voit, il existe de nombreuses expérimentations chez les acteurs du retail en France et chacun est parti sur des solutions différentes pour atteindre son objectif de traçabilité, que cette solution soit développée spécifiquement pour Carrefour avec Ethereum ou en lien avec une startup pour Auchan avec Te-Food, le résultat est assez proche. Il existe un autre acteur en France qui développe une solution de ce type pour répondre à tous ces enjeux, il s’agit de la société Connecting Food. Co-fondée par des professionnels de l’agroalimentaire, cette société propose d’apporter elle aussi de la transparence dans la chaîne logistique dans ce secteur en développant une solution qui apporte des étapes supplémentaires dans le processus global de suivi des événements de vie d’un produit alimentaire. Ainsi, Connecting Food propose en plus de la traçabilité, de pouvoir auditer des critères de compliances avant l’enregistrement des informations dans la blockchain ou encore de rémunérer le producteur qui joue le jeu de participer à ce processus de tracking de la qualité de ses produits tout au long de la chaîne jusqu’au client final. D’un point de vue technologique, la startup a choisi de travailler avec la solution Hyperledger Fabric la solution d’IBM qui est une blockchain privée.

 

La blockchain une réponse ultime en termes de confiance ?

Pas si sûr car malgré tout, à tout moment dans la chaîne globale il peut se passer un certain niveau de collusion entre les acteurs qui y participent de manière à accepter de laisser passer des informations erronées qui seront enregistrées dans la blockchain comme si elles étaient véridiques. Tout le problème de ces utilisations de la blockchain et de la promesse qu’elles tentent d’apporter pour redonner confiance au consommateur est qu’à tout moment les informations qui seront « déclarées » dans le système peuvent être faussées, sciemment ou non, et ce n’est pas la technologie qui règlera le problème, en tout cas pas la blockchain. Dès lors que l’information provenant du monde réel n’est pas traitée automatiquement par un algorithme ou un objet connecté et que cette information n’est pas enregistrée automatiquement dans la blockchain sans intervention humaine, il existe toujours une faille permettant de corrompre la donnée. Vitalik Buterin lui-même, fondateur d’Ethereum, le déclarait lors d’une interview donnée à Devcon4 à Prague en fin d’année dernière : « Les blockchains ne fournissent certainement pas des garanties à 100%, surtout dans le monde réel. »

 

Conclusion

Au final, la blockchain est porteuse de nombreuses perspectives pour le secteur de l’agro-alimentaire qui cherche de nouveaux leviers de rassurance pour les consommateurs qui ont été largement échaudés ces dernières années par des scandales nombreux en France et à l’étranger. À ce titre les promesses de la blockchain comme technologie de la confiance sont enclines à apporter les solutions tant recherchées pour satisfaire tous les acteurs et le client final plus particulièrement. Pour autant, attention aux croyances qui voudraient que parce qu’il y a de la blockchain toutes les informations qui y transitent seraient totalement vraies et non contestables car ce qui pèche encore dans le processus de bout en bout ce sont les déclarations d’informations réalisées par un être humain et non par une machine, car le maillon le plus faible dans ce processus c’est bien l’humain pas la machine.