Ce n’est pas au nom du RGPD (règlement européen sur la protection des données). Non, c’est en vertu des réglementations anti-monopole que le Bundeskartellamt (administration anti-cartel) a sévi contre Facebook. Sévir étant d’ailleurs un bien grand mot, puisque, selon la BBC, la décision n’a pas encore de caractère contraignant, Facebook ayant un mois présenter ses arguments avant que la décision soit définitive.

La décision

Facebook devra alors demander le « consentement éclairé » des utilisateurs avant de pouvoir combiner les données de WhatsApp, Instagram et Facebook. Rappelons que WhatsApp appartient à Facebook depuis 2014 et Instagram depuis 2012.

L’entreprise de Mark Zuckerberg sera aussi empêchée d’effectuer des traitements combinés avec des données collectées sur des sites web tiers, notamment via le fameux pixel de suivi de Facebook, sauf si les utilisateurs donnent leur consentement volontairement.

La position de Facebook

Facebook a déjà annoncé faire appel de cette décision dans tous les cas : « nous ne pouvons admettre ces conclusions quant à la position d’acteur dominant, » ont déclaré au Guardian Yvonne Cunnane, responsable de la protection des données (CDO) et Nikhil Shanbhag, directeur et membre du conseil de surveillance. « L’administration sous-estime grandement la concurrence féroce à laquelle nous sommes confrontés en Allemagne. Le Bundeskartelamt pense qu’il n’a pas à prendre en compte le combat que nous livrons face à YouTube, Snapchat, Twitter et d’autres ! Il interprète également de manière erronée la façon dont nous nous sommes mis en conformité avec le règlement européen. »

Ce qu’a déjà fait Facebook

Suite à l’introduction du RGPD, Facebook a obligé tous les utilisateurs du monde entier à accepter que la société utilise leurs données à des fins publicitaires, ceci pour montrer sa bonne volonté de se mettre en conformité avec le traitement de données dans l’UE. Mais c’est la façon de donner à l’utilisateur le choix en mode « couteau sous la gorge » qui fait problème. « Tu acceptes tous les traitements ou tu supprimes ton compte » semble être le message principal des conditions générales d’utilisation de la plateforme, pour ce qui est du traitement des données.

Les CGU de Facebook

« Les CGU de Facebook, l’étendue du champ de données collectées et la manière dont ces données sont collectées et utilisées sont en violation avec le RGPD et se font au détriment des utilisateurs, » estime le Bundeskartellamt. « Les entreprises en position dominante ne doivent pas recourir à des pratiques abusives face aux autres acteurs du marché, en l’occurrence ici la capacité d’amasser des trésors de données que les concurrents ne peuvent pas eux, collecter ni traiter »

Andreas Mundt, président du Bundeskartellamt a précisé : « à l’avenir, Facebook ne pourra plus forcer ses utilisateurs à accepter sans pratiquement aucune restriction la collecte des données et la possibilité de combiner des données ne provenant pas de Facebook à leurs données Facebook ».

Le grand sujet

C’est en effet le grand sujet. Le réseau social a été critiqué par des groupes activistes tels que Noyb («Rien de tout cela ne vous regarde») pour cette pratique consistant à ne pas donner aux utilisateurs d’autre solution pour refuser leur consentement que de supprimer leur compte.

« Supprimer son compte ou cliquer sur le bouton d’accord – ce n’est pas un choix libre, cela rappelle un processus électoral nord-coréen, » a déclaré Max Schrems, président de Noyb, en mai 2018.

Cela aurait pu être pire

Selon Techcrunch, cela aurait pu être pire pour Facebook. Les autorités allemandes reconnaissent clairement que l’entreprise est fondée à traiter les données de chacune de ses plateformes de messagerie. « Le droit de disposer d’un modèle économique faisant appel au traitement des données personnelles doit être reconnu comme légitime, dans la mesure où c’est ce qu’attendent les utilisateurs ».

Le choix du terrain

Il n’en reste pas moins vrai que le choix du terrain (le droit de la concurrence) n’est pas le bon, selon certains défenseurs de la confidentialité des données personnelles. Un think-tank américain, l’ITIF (Information Technology and Innovation Foundation) estime que cette décision risquait d’être contre-productive. Rob Atkinson, son président a déclaré : « Facebook n’est pas un monopole sur le marché de la publicité ou même sur le marché des réseaux sociaux. Cette décision est une prise de pouvoir des autorités allemandes qui va surtout créer de la confusion en Europe. »

Le droit de la concurrence mauvais bon terrain ? Certains spécialistes du numérique estiment qu’au contraire, tout le sujet est là. Certains économistes rappellent que la véritable sortie de la crise des années 30 a eu lieu quand le Sherman Act (loi anti-trust américaine) a commencé à sévir.