Selon le cabinet de conseil américain Gartner, la blockchain dans le secteur de la santé est encore à l’état d’émergence, il positionne cette technologie dans le segment « Innovation trigger » de sa fameuse courbe de la hype, le moment où une technologie commence à faire parler d’elle dans les médias, avec l’atteinte optimale d’un plateau de productivité dans ce secteur à plus de 10 ans. Pour autant, des sociétés se sont déjà positionnées avec des solutions concrètes à base de blockchain pour répondre à des enjeux importants pour la sécurité des patients et de leurs données.

Garantir la provenance et la qualité de vos médicaments

Selon l’Afpa (Association française de l’industrie pharmaceutique, automédication responsable), un médicament sur huit est vendu en automédication en France. 800 000 décès sont dus à la consommation de médicaments falsifiés dans le monde chaque année. L’explosion du e-commerce et donc de la possibilité d’acheter tout et n’importe quoi en ligne, y compris des médicaments dont on ne connait pas la provenance ou dont on ne peut pas confirmer le producteur, sont autant de facteurs de risques pour les patients.

Dans ce cadre bien précis, la blockchain peut apporter une réponse tout d’abord sur la traçabilité des médicaments du producteur au consommateur. Ainsi, basé sur une technologie de blockchain privée, la société Blockpharma propose une API permettant aux acteurs de la chaîne de production dans le secteur pharmaceutique de pouvoir enregistrer automatiquement une boîte de médicaments dans le registre et fournit une application mobile qui permet au consommateur de vérifier instantanément l’authenticité de la boîte de médicament.

Mais la blockchain peut aussi répondre à la traçabilité de tout ce qu’il se passe dans la chaîne de production des acteurs de la pharmacie. Ainsi, il est possible d’imaginer des solutions permettant de stocker dans une blockchain les données produites par les capteurs installés dans les usines (température, hygrométrie, qualité de l’air…) Ces informations seraient ainsi disponibles de manières sécurisée et transparente pour les consommateurs qui souhaiteraient pouvoir vérifier si les conditions de production des médicaments en leur possession ont bien été respectées.

Permettre de partager tout ou partie de vos données de santé avec un professionnel

Tout au long de notre vie nous avons besoin de partager nos données avec les différents professionnels de santé que nous croisons. Cela commence lorsque nous sommes petits avec le carnet de santé qui sera le premier registre dans lequel nous allons stocker les informations sur notre croissance (taille et poids) aussi bien que notre carnet de vaccination ou les informations importante sur notre état de santé en grandissant. Ce carnet a tendance à s’égarer à un moment ou à un autre dans notre parcours de vie faisant ainsi perdre des informations clés pour les praticiens que nous rencontrons. Dès lors chaque professionnel de santé va créer pour lui en premier lieu et pour nous si nous le lui demandons un registre concernant les informations qui nous concernent. Un cardiologue notera toutes les informations liées aux analyses (tests d’efforts, électrocardiogrammes, échographies cardiaques…), un ophtalmologiste quant à lui conservera un dossier concernant nos différents tests de vue, fond de l’œil et autres analyses de la rétine, sans oublier le médecin généraliste qui lui aura son autre registre avec une autre typologie d’informations sur vous et vos petits, ou gros, bobos.

C’est d’ailleurs pour cela que l’assurance maladie a créé le Dossier Médical Partagé (DMP) qui tente de répondre de manière sécurisée mais surtout centralisée à la problématique de conservation de l’historique de vos données de santé et de vos antécédents. La limite à cette solution est justement sa centralisation, si demain pour par exemple l’état décide de ne plus maintenir ce registre pour des raisons de coût, ou tout simplement que ce système censé être ultra sécurisé se faisait pirater, les patients dont les données seraient stockées à l’intérieur seraient bien dans l’embarras.

Une blockchain permettrait de régler ce double problème puisqu’il ne s’agirait plus de rendre responsable une seule entité du stockage et de la sécurisation de ces données mais bien de compter sur une infrastructure distribuée et décentralisée pour le faire, avec comme bénéfice de rendre la propriété de l’information stockée au patient et non pas au médecin (y compris s’il s’agit du médecin traitant) ou à l’assurance maladie. Il serait possible de décider de partager très finement telle ou telle information de votre dossier avec un professionnel de santé ou un document en entier, de pouvoir révoquer ces droits d’accès comme vous le voudriez aussi. Par ailleurs, si on pousse l’idée un peu plus loin, chaque patient pourrait monétiser le partage de ses informations avec des laboratoires pharmaceutiques ou des entreprises du secteur de la santé tout en conservant l’anonymat.

De la transparence dans la gestion des litiges entre patients et médecins

En 2009, l’enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins (ENEIS) relevait le nombre « d’événements indésirables graves » entre 250 000 et 450 000 par an dans les hôpitaux et cliniques françaises. En 2017, un portail a été créé et oblige les professionnels de santé à déclarer « tout événement grave indésirable associé aux soins ». Toujours en 2017, après 8 mois d’expérimentation, seulement 1 153 signalements avaient été réalisés par ces professionnels de santé. Le Ministère de la Santé lui-même ne donne pas, les connait-il d’ailleurs, de statistiques sur les erreurs médicales. Pourtant on connait tous autour de nous des collègues, des amis ou de la famille qui a subi un dégât collatéral à une intervention chirurgicale ou un mauvais traitement médicamenteux. On le voit, il règne une réelle opacité dans la relation patients et médecins qui devient problématique en cas de litige.

La blockchain pourrait apporter une réelle transparence à ce binôme que forme le patient et le professionnel de santé. Grâce à cette technologie, il serait tout à fait possible d’imaginer un stockage sécurisé et infalsifiable des données et documents liés à un traitement ou une intervention. Ces informations seraient accessibles au patient et au médecin en toute transparence et permettrait justement d’apporter de réelles avancées en cas de litige entre les deux parties, notamment au tribunal où finalement il est souvent difficile d’avoir gain de cause pour le patient.

Conclusion

Ces quelques exemples illustrent bien les opportunités que peuvent générer la blockchain dans le secteur de la santé et comment cette technologie peut apporter des réponses concrètes aux professionnels de ce secteur comme aux patients que nous sommes tous à différents moments de notre vie. Transparence, sécurité, partage, collaboration sont autant de valeurs et de leviers qui sont implémentés dans les technologies de blockchain. Malgré un manque de maturité certain de ces technologies, des entreprises ont déjà engagé des travaux pour faire aboutir certains de ces cas d’usage, ou en tout cas si ce n’est pas encore fait ils sont étudiés actuellement par les entreprises du secteur.