Dans un article publié ce mercredi 26/12, The Guardian a révélé l’implication d’une cadre supérieure d’Amazon dans la construction d’un portail internet qui gérera une partie des approvisionnements du gouvernement américain. Anne Rung, qui est par ailleurs une ancienne fonctionnaire de l’administration Obama, a échangé par courriels au sujet de l’approche à adopter pour la création du portail avec les cadres de la logistique américaine l’année dernière. À ce moment, la législation l’encadrant n’avait même pas encore été faconnée…

Il est difficile de savoir quelle pourcentage de l’approvisionnement du gouvernement fédéral le portail internet aura en charge, mais vu la valeur que représente ce marché, 53 milliards de dollars, les bénéfices à y engranger seront incontestablement importants. Par conséquent, il est extrêmement dérangeant de voir une entreprise privée aussi proche de l’état pour certains acteurs de l’économie américaine et de la vie politique. Cette proximité n’est pour autant pas nouvelle, Amazon s’occupe des besoins en cloud de l’armée américaine ( et des services de renseignements), un marché à 10 milliards, et embauche régulièrement d’anciens cadres de l’administration américaine après leur mandat.

Néanmoins, l’influence d’Amazon au sein du gouvernement n’était jamais apparue aussi clairement qu’aujourd’hui. Mme Rung a occupé le poste de chef des acquisitions américaines, un poste central de la logistique du gouvernement, avant de le quitter pour Amazon fin 2016. À la suite de cela, elle était en contact étroit avec Mary Davie, une autre grande responsable logistique en moins d’un an, et a réussi à obtenir des rendez-vous physiques facilement avec elle. Cette dernière trouvait par ailleurs que cette collaboration « avait beaucoup de sens ».

Le 20 septembre 2017, Mme Rung a communiqué dans un mail ses idées quand à la façon dont le portail devrait être construit si la législation était promulguée. Dans ce mail, elle ne manquait par ailleurs pas de penser à la planification de la prochaine réunion, comme si elles étaient des collègues de travail. Quelques mois après, les deux femmes se sont ensuite personnellement suggérés des candidats pour prendre la tête de certaines affaires gouvernementales et d’Amazon.

Malgré cette collaboration directe entre une entreprise privée et un membre du gouvernement exerçant une fonction étroitement liée à ses intérêts, Anne Rung ne risque pas forcément une sanction. La loi américaine punit ses anciens fonctionnaires quand ils s’impliquent à titre privé dans un projet dont ils avaient la charge moins d’un an auparavant, mais on ne sait pas si l’employée d’Amazon était liée de près ou de loin à la future plateforme d’approvisionnement du gouvernement américain.

La GSA, ou administration des services généraux, a rétorqué au Guardian que plus de 35 représentants d’entreprises avaient été rencontrés pour discuter des questions inhérentes à la création de plateformes électroniques. Selon elle, aucune entreprise n’a bénéficié d’un traitement spécial, et toutes les sociétés intéressées par le projet pouvait la contacter avec les mêmes facilités. Par ailleurs, aucune partenariat n’aurait été signé avec les entreprises privées concernant le déroulement du projet à l’heure actuelle.

De son coté, Amazon a déclaré que Anne Rung s’était conformée à toutes les règles d’éthique de la maison blanche, bien que la société ait refusé de revenir en détail sur les échanges entre son employé et le gouvernement.

Pour autant, les associations de consommateurs et les petites entreprises ne semblent pas en osmose avec les actes du gouvernement. Lisa Gilbert, membre éminent d’un groupe de défense des consommateurs, a publiquement critiqué de « peu recommandable » le fait qu’un ancien membre du gouvernement puisse jouer de ses relations pour rentrer facilement en contact étroit avec ce dernier pour prendre un ascendant commercial. Un défenseur des petites entreprises a quant à lui souligner à quel point ces échanges de mail traduisaient de l’immense influence d’Amazon dans l’infrastructure gouvernementale, ce qui lui donne par conséquent un vaste avantage sur ses concurrents.

Quoi qu’il en soit, cette affaire n’est pas totalement surprenante. Le lobbying est une pratique courante chez les GAFAs, Facebook ou encore Google se sont déjà fait remarquer plusieurs fois avec leur lien étroit dans le financement de recherches sur les politiques publiques ou leur générosité envers des représentants du gouvernement américain.