Par Roland Koltchakian, spécialiste CX Oracle France
Pour comprendre ces évolutions, il est tout d’abord essentiel de revenir sur un certain nombre de définitions et de concepts sous-jacents lorsque nous parlons de CRM ou de CEM (pour Customer Experience Management). L’idée n’étant pas d’opposer ces deux concepts mais plutôt d’appréhender le CEM comme une évolution logique et naturelle du CRM et de sa promesse historique. Une autre erreur serait par ailleurs d’imaginer que l’économie digitale et les différentes ruptures technologiques qui y sont associées auraient signé purement et simplement la disparition des réflexions CRM au sens « traditionnel » du terme. Tomber dans ce mode de lecture un peu simplificateur ou binaire reviendrait à faire abstraction de la diversité et de la complexité des réalités qui structurent le monde marchand dans son ensemble lorsque l’on parle de « relation client ».

Les projets CRM sont-ils toujours « tendance » ou ont-ils été définitivement dépassés par les projets de CEM ?

Face à une telle question, nous pouvons être tentés de répondre avec un fort parti pris, ou de « réfléchir sur le long terme » afin d’éviter les écueils de certains raccourcis simplistes consistant à imaginer que certains phénomènes surviennent par hasard. Repenser l’historique des réflexions et projets CRM, c’est revenir dans la première moitié des années 90 avec l’apparition et le développement des premiers centres de contacts dits « modernes ». Ces derniers résultaient de la volonté des entreprises de mieux structurer les flux, les interactions et les processus liés au client dans un contexte économique de plus en plus marqué par le poids croissant du tertiaire et de l’économie des services, posant ainsi les bases du prochain cycle à venir : celui de l’immatériel et de la désintermédiation.

Une première vague de projets apparait ainsi entre tertiarisation, informatisation et consumérisation en pleine mutation, et installe progressivement l’idée de « gérer le client » avec des objectifs assez simples au départ (traiter les demandes du client en off line ou par téléphone, stocker et historiser l’information, connecter une partie des processus clients au back office de l’entreprise…). Cette vague impose cependant également la nécessité de « progicialiser » cette relation client et fait donc des directions informatiques les interlocuteurs naturels sur la conception et la mise en œuvre des solutions technologiques concernées.

Les Directions informatiques ou IT ont donc appris en marchant, aidées par les grands cabinets de consulting dans les années 90, et ont permis aux entreprises de sortir du « bouillon primordial » du CRM (une approche empirique sans réelle stratégie de fond, une efficacité et productivité encore limitées, des limitations fortes sur les moyens de pilotage et une vision du CRM diluée dans l’entreprise sans réel sponsorship identifié dans l’organisation…). Elles ont ensuite évolué progressivement vers un modèle de maturité plus structuré comprenant notamment des approches de rationalisation par processus, un SI (Système d’Information) de plus en plus urbanisé et gouverné, ainsi que la mise en œuvre de premiers outils décisionnels tels que des cubes de reporting. Ces évolutions ont ainsi permis d’étendre le projet CRM à d’autres fonctions clients telles que les ventes ou le marketing, au prix parfois de projets surdimensionnés dont certains ont été des échecs.
Entre 2000 et 2010, ce phénomène d’entropie du CRM a continué à se développer et à accélérer sous l’effet de la première « bulle internet » puis du « E-Business » post–crise internet, et dont les caractéristiques intrinsèques impliquent toujours plus de processus, plus de canaux. Cela nécessite aussi de réussir enfin à intégrer efficacement le « front office » avec le « back office » et pour les entreprises, de réussir le pari de la professionnalisation de leurs processus et standards clients au travers de normes qualité dédiées. Sans compter bien évidemment sur la nécessité de gérer au moins du point de vue technique, un capital informationnel sur le client en croissance perpétuelle.

Les architectures CRM trouvent ainsi leurs modèles de maturité avec leurs fondamentaux tels qu’un « Datawarehouse client », des outils d’automatisation des ventes ou du service client et pour les entreprises les plus matures ou les plus exposées à la « data », la possibilité d’opérer les premières solutions de gestion et d’automatisation du marketing à travers un « datamart » dédié.

Fin de l’histoire – La messe est-elle dite ?

Contre toute attente, de nombreux observateurs pourraient être surpris par le nombre d’entreprises issues de secteurs « traditionnels » qui sont encore pleinement concernées par la mise en place de ces fondamentaux ou par la modernisation significative de certaines composantes devenues inadaptées à l’ère du digital.
Les projets CRM au sens philosophique du terme sont donc loin d’être morts. Certaines entreprises, vues comme performantes et reconnues, continuent d’ailleurs à lutter afin de reconstituer et exploiter une vision client unifiée et pour réussir à sophistiquer leurs campagnes marketing sans que cela ne dérive en un chaos organisationnel ou en amateurisme commercial.

Si la philosophie reste globalement la même, la démarche liée à un projet CRM a su évoluer et opérer une forme de « révolution » en rompant avec des logiques presque séculaires basées sur des démarches complexes, des cycles séquentiels avec un enchainement mécanique des tâches et pas toujours les bonnes boucles de rétroaction. Tout cela avec pour objectif final d’intégrer enfin les avantages et nouvelles marges de manœuvre portées par des innovations telles que le cloud computing et le SAAS, et qui présupposent un nouveau rapport au « produit fini » que peut être une application métier au service du client.

Les démarches relatives à des projets CRM se voient donc plus optimisées que réellement transformées, au travers de certaines sources d’accélération et d’agilité entre la conception initiale et le delivery final ; cela permet ainsi aux entreprises de disposer d’une architecture CRM sur des délais plus courts et plus adaptés aux nouvelles réalités du digital et de la « servicialisation » de l’offre produit, plus adaptée à la réalité des comportements clients, qu’ils soient B2B ou B2C.

Quelles sont les entreprises qui devraient penser leur projet en tant que « projet CRM » et celles qui devraient le penser en tant que « projet CEM » ? Il n’y a pas forcément de réponse simple ; là encore, la nature même de cette question peut entrainer le risque d’une posture idéologique un peu dépassée à l’heure où la profusion des écosystèmes de solutions technologiques, les « buzzwords » ou une nouvelle dialectique contribuent souvent à entretenir l’hésitation des entreprises à sauter le pas.

Il s’agit avant tout pour certaines entreprises de penser cette question, au-delà de la nature et des caractéristiques du marché sur lequel elles opèrent, en intégrant le poids historique de ce que les directions informatiques nomment le « legacy », ce patrimoine informatique si difficile et si lourd à faire évoluer… Or, si vous vous appelez Uber, Netflix, Amazon, Tinder ou que vous êtes un « pure player », il est bien évident que la nature même de votre métier et de votre modèle va vous amener à vous concentrer avant tout sur la création de valeur par l’expérience client plutôt que la recherche constante de rationalisation ou d’hyper productivité de votre SI. Ce qui tombe plutôt bien puisque comme bon nombre de vos confrères, vous aurez fait le choix de ne pas « posséder » en tant que tel votre patrimoine informatique mais de le confier et le faire tout ou partiellement opérer par les grands fournisseurs de cloud, Oracle ou autres ; à l’exception bien évidemment de certains asset critiques tels que les codes secrets de vos algorithmes et de votre application !

Ainsi l’ensemble de vos ressources, outils, processus et compétences doit être consacré à maximiser la valeur de l’expérience client telle qu’elle peut être vécue et perçue par vos clients ou par les utilisateurs de votre service, et ce dans un contexte global dont chacun connaît à la fois les défis et les exigences entre : Confiance & « Data Privacy », open innovation, hyper mobilité, complexité des comportements, globalisation de l’offre produit disponible, prolifération des écrans et saturation publicitaire, émergence de nouveaux modes et structures de distribution… Mais surtout la fameuse « prime à l’expérience client » dans une époque qui tend à banaliser et uniformiser les marques et leurs produits.

Le prérequis afin d’aborder la notion de projet CEM repose avant tout sur la notion d’hyper personnalisation de l’expérience, devenue une obsession pour certaines « entreprises plateformes ». Or, réussir le défi de cette hyper personnalisation dans les nouvelles logiques de temporalité, telles que semble l’imposer chaque jour un peu plus notre consommation au quotidien, présuppose un nouveau rapport à la façon dont nous pouvons capter, comprendre et analyser le réel dès lors qu’il s’agit de se mettre à la place du client. Vous l’avez donc bien compris, le prisme d’observation entre projet CRM et projet CEM est radicalement opposé voire inversé. Là où les projets CRM semblaient imposer une grille de lecture centrée sur l’efficacité et la productivité du SI, des processus internes et la baisse du CAPEX, le projet CEM émerge de façon originale en proposant un nouveau rapport, voire une nouvelle doctrine des moyens technologiques, de l’usage de la donnée mais également une hybridation forte des ressources et des compétences au service de cet objectif d’hyper personnalisation de cette expérience client.

L’époque actuelle érige donc le « mode agile » comme l’un des attributs les plus caractéristiques du projet CEM. Mode agile et design thinking étant les deux clés permettant de penser, concevoir, développer et optimiser de façon continue un service et une expérience désirés par le consommateur, en cohérence avec ses usages et propension à adopter le service ainsi que sa fréquence d’utilisation. Il s’agit donc d’observer en temps réel le comportement de l’utilisateur, de comprendre les phénomènes créant ou détruisant de la valeur, de proposer et tester des hypothèses d’amélioration, de les mettre en œuvre et de les adapter au fil de l’eau dans le cadre de boucles itératives et sans fin.

Le défi du projet CEM repose avant tout sur une notion de pluridisciplinarité dans un marché du travail marqué par la rareté de certains profils et l’apparition de nouveaux métiers restant encore relativement émergents malgré la création de filières de formation. Existe-t-il un profil type pour un ergonome ou pour un « product owner » ? Devient-on un spécialiste de l’UX par expertise technique ou grâce à une sensibilité esthétique visuelle constituant très souvent un critère clé dans l’adoption ou l’abandon d’un service ou d’une application ? Comment réussir à synchroniser efficacement l’ensemble de ces expertises afin de conjuguer efficacité business et qualité de l’expérience client ? Tels sont quelques-uns des nouveaux enjeux associés à la gestion de projet CEM où, au-delà de certains aspects éminemment rationnels tels que ceux qui structurent les projets CRM, il s’agira également de jouer sur une certaine alchimie voire une nouvelle forme de magie afin de réussir à générer le levier le plus puissant qui soit en matière d’engagement client : la connexion émotionnelle.

Quels sont les principaux obstacles pour mener à bien ce type de projets et comment les contourner ?

La première erreur serait avant tout de réduire ces projets à des démarches purement technologiques dont la seule finalité serait de générer des gains de productivité ou de faire plaisir au directeur financier en réduisant le TCO (Total Cost of Ownership) annuel du domaine applicatif client. Pour autant, et le marché l’a déjà démontré, il est possible de concilier réduction de coûts et accroissement de la « valeur client ». Une meilleure valeur perçue pour le client et un indicateur tel que le NPS ou le « customer effort score » peuvent aider à matérialiser et quantifier.

Si l’on veut éviter les pièges qui ont pu émailler la longue histoire du CRM et l’histoire plus récente du CEM, il faut avant tout considérer ces projets comme la résultante de la volonté forte et affirmée de transformation de l’entreprise autour du client. Un tel processus de transformation résulte rarement d’une illumination qui arriverait par hasard !

C’est sans doute la raison pour laquelle j’invite encore une fois à penser ce type de démarche sur le « long terme » et de l’enraciner de façon profonde dans la vision stratégique, l’organisation, les croyances et les éléments de culture de l’entreprise.
Prenons l’exemple de ces entreprises / marques qui sont vues et reconnues comme des « championnes de l’expérience client » outre–Atlantique telles que Zappos, Amazon, Apple, USAA ou encore Virgin Atlantic… Si l’on s’intéresse de façon approfondie à la génèse de leurs modèles et la trajectoire de ces entreprises, chacun pourra constater que si elles sont devenues de véritables marques expérientielles, cela ne s’est pas fait en démultipliant les investissements technologiques sur tous les sujets ou en étant systématiquement positionnées sur des logiques « premium ». Chacune de ces entreprises réunit un certain nombre de caractéristiques communes telles que la force de leur leadership ; celui-ci est très souvent personnifié et incarné par une personnalité toujours un peu « hors norme » dont l’obsession, au-delà du fait d’être un entrepreneur par nature même, est avant tout de « casser les codes » d’un marché ou d’une industrie tout en faisant de la satisfaction client un objectif absolu en matière de stratégie d’entreprise. C’est cette obsession du client qui se voit déclinée en « brand manifesto » ou « corporate purpose » visible à tous les étages de l’entreprise et qui constitue un référentiel culturel compris et partagé par tous.

Ainsi, et si le management de votre entreprise adopte ce type de posture avec sincérité et la volonté forte et constante de transformer cette posture en attribut réel de votre marque, vous vous serez déjà donné les moyens de dépasser une grande partie des obstacles auxquels vous serez confronté lors des phases de conception et de déploiement de votre architecture CRM. Tout simplement parce que votre démarche reposera sur une fondation solide et essentielle que peut être celle de la conviction et de la confiance en cette conviction.

Bien entendu, il ne s’agit pas de nier le poids ou le facteur d’inertie que peuvent constituer d’autres obstacles et face auxquels la vertu des bonnes intentions ne peut suffire à elle seule. Je veux parler de l’un des obstacles parmi les plus souvent cités lorsque l’on parle de projet CRM ou CEM et qui est : l’organisation en silos.
Comprendre l’ensemble des raisons et facteurs qui ont conduit à l’un des maux les plus chroniques lorsque l’on évoque les freins à l’entreprise « orientée client » pourrait sans doute faire l’objet d’un ouvrage à part entière, tant les racines de ce phénomène remontent loin dans les origines du CRM et tant ce silotage subit lui aussi une forme d’entropie avec ce nouvel effet de bord que peut être « la création de silos dans des silos ».

Cette entropie repose sur la multiplication plus ou moins maîtrisée des structures de distribution ou de service au client, avec pour chacune leur système, canaux et processus associés. Par exemple, est-ce que tous les hyper distributeurs sont capables aujourd’hui de gérer de façon unifiée les interactions, offres, transactions, réclamations, retours produits, promotions quel que soit le format concerné entre passage en caisse dans l’hypermarché, clic & collect magasin, passage au drive, achat sur le site E-commerce ou sur l’application mobile alors que ce serait dans l’absolu la vocation du « compte client unique » ?

Si certaines technologies ont permis d’enregistrer des progrès notables dans la capacité à reconstituer et gérer dans le temps cette vision unique du client, technologies telles que le « master data management », « l’ID Graph » ou encore le « Identity management », auxquelles nous pourrions ajouter l’optimisation et la rationalisation des environnement de gestion des données, force est de constater que le défi reste encore immense et qu’une partie des réponses à ce défi peut parfois résider dans le « côté obscur » des organisations tel que la divergence des intérêts entre différentes entités ou une hyper complexité intrinsèque et dont il s’agit de tenter de limiter les dommages collatéraux entre le client et l’entreprise.

Alors, qui pourrait enfin aider les entreprises à surmonter cet obstacle majeur à la « customer centricity » que peut être l’entreprise en silo ? Le Chief Digital Officer ? Le Chief Data Officer ? Existe-t-il seulement une fonction « providentielle » afin de réussir enfin à déconstruire les silos au sein de l’entreprise ? Et avec quel mandat et quel pouvoir confié par le COMEX ?

Pour ma part, je ne crois pas nécessairement à l’homme ou à la femme providentiel mais plutôt aux vertus de l’intelligence collective et de nouveaux modèles organisationnels « en réseaux » avec une direction de l’expérience client disposant de relais opérationnels / référents dans chacune des autres directions en interaction avec le client : Marketing, E-commerce, ventes, service client, logistique voire au sein même d’une direction financière pour les entreprises les plus matures. Sans compter bien évidemment, l’importance du binôme que cette direction devra construire et faire vivre harmonieusement et efficacement jour après jour avec la direction des SI ! En substance, il s’agit donc d’aller bien au-delà du simple fait de fournir une AMOA (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage) entre direction métier et direction marketing (par exemple) pour espérer résoudre ce très vaste enjeu que constitue l’entreprise en silos.

Quelles sont les différences entre les projets de consolidation de la relation client et les projets d’amélioration de l’expérience client ?

Si nous considérons qu’en 2018, la majeure partie des projets CRM s’inscrivent dans la logique d’un existant plus ou moins significatif en fonction des composantes concernées, nous pouvons dès lors souscrire au principe de « consolidation » où la démarche à poursuivre devrait consister à prendre en compte la maturité de cet existant avec ses forces et ses limitations afin de le moderniser et de l’adapter aux nécessaires évolutions que peut impliquer le digital.

Typiquement, un projet de consolidation de la relation client pourrait consister par exemple, à rendre plus fiable le socle informationnel sur le client comme peut l’être le fameux référentiel client unique et qui constitue très souvent l’investissement prioritaire pour sortir du syndrome de l’entreprise en silos, et que nous avons longuement décrit et commenté plus haut. Cet objectif de fiabilisation pouvant résider dans la capacité à intégrer et consolider des flux issus de différentes sources de données ou systèmes métiers, mais contribuant chacune et chacun à leur niveau à gérer une partie d’un parcours client, que ce soit en acquisition, en fidélisation ou dans le cycle de vie lié à l’usage du produit.

Un autre exemple lorsque l’on parle de projet de consolidation de la relation client serait d’adapter une brique de marketing automation / gestion de campagnes aux nouveaux canaux ou médias digitaux tels que le display en natif, le retargeting, l’optimisation sous contraintes ou encore les notifications mobiles. Il s’agit au travers de cette démarche de réussir à aller enfin plus loin que le « simple » email marketing (souvent vu comme l’horizon indépassable lorsque l’on parle d’animation client), afin de favoriser l’intégration mais surtout la synchronisation en temps réel avec d’autres canaux de communication ou médias digitaux, afin de diversifier les tactiques et mécaniques de communication dans un contexte où le niveau de pression de communication sur le canal email tend à générer un phénomène d’indifférence voire de rejet pur et simple de la part du consommateur.

Enfin consolider un projet de relation client, c’est également favoriser son extension organisationnelle en permettant de créer (enfin) plus de transversalité entre les différents départements amenés à interagir avec le client. Ce type de tendance est particulièrement visible dans le cadre de projets visant à mettre à disposition de téléconseillers opérant dans des centres de contacts dédiés à l’après-vente ou à la gestion de processus de réservation, des données marketing détaillées donnant une vision exhaustive des offres et sollicitations qui auront été adressées au client avant la prise de contact. Enoncé de la sorte, la démarche pourrait paraître pleine de bon sens voire simpliste. Dans les faits, ce type d’intégration au-delà des aspects techniques, renvoie également l’entreprise à sa vision de l’animation client et la façon dont elle peut être diffusée dans l’ensemble de l’entreprise en fonction du contexte lié à l’interaction ou de règles de gestion spécifiques.

Les projets d’amélioration de l’expérience client reposent pour leur part plutôt sur une démarche d’amélioration continue rendue possible par la collecte systématique, quasi – exhaustive et en temps réel des feedbacks liés à l’usage d’un client / utilisateur d’une application ou d’un service digital. Cette nouvelle agilité dans la captation et la compréhension du réel, conjuguée aux réalités d’une composante technologique plus « légère » permet un nouveau rapport à ce principe d’amélioration et à la temporalité dans laquelle sont mises en œuvre ces améliorations.
Mais là encore et au-delà de cette apparente simplicité associée à cette démarche, il s’agit de prendre en compte le poids et les défis liés à deux grandes dimensions que sont celles de l’hyper-diversité et de l’hypercomplexité. Hyper diversité des consommateurs et utilisateurs, de leurs besoins, de leurs usages, de leurs motivations et de leur sensibilité à des offres concurrentes ou à d’autres univers de substitution (imaginez que vous soyez l’éditeur d’une application mobile Grand public, l’enjeu consistera pour votre entreprise à fidéliser l’utilisateur de votre application dans un univers concurrentiel de plus en plus large et toujours plus attractif, alors que le budget mensuel de votre utilisateur lui, n’est à priori pas extensible…) et hyper complexité des parcours sur un marché de plus en plus structuré par l’interpénétration entre différents écosystèmes dans lesquels peut évoluer une offre plateforme par exemple.

« Le Diable est dans les détails » … Ce proverbe pourrait résumer à lui seul la philosophie d’une démarche d’amélioration de l’expérience client où le niveau de granularité du détail sur lequel les développeurs et autres spécialistes de l’UX vont tenter d’agir, peut parfois se révéler sur des niveaux très fins comme l’emplacement d’un bouton dans un tunnel de commande ou le scrolling nécessaire afin d’arriver à une information critique sur une page web. Il s’agira d’agir sur des éléments d’ergonomie mais également d’esthétique puisque oui, la beauté du service ou de l’application fait désormais partie des revendications et des critères d’adoption et d’attachement du consommateur / utilisateur. Cette logique d’amélioration continue explique la raison pour laquelle le monde des applications et de l’UX repose sur un principe de renouvellement quasi permanent des « releases » afin de tendre vers cet optimum que peut être l’hyper personnalisation de l’expérience client.

Enfin, et pour conclure, est-il besoin de rappeler les différences assez fortes qui peuvent exister sur le profil des différentes équipes projets, entre projet de consolidation du CRM et projet d’amélioration de l’UX que l’on compare parfois à un choc culturel entre « consultants en cravate » et « hipsters en fixie » ? Au-delà de cette vision un peu caricaturale, ma conviction est que chacune de ces deux écoles gagnerait à emprunter l’une à l’autre afin de construire ce qui devrait être la nouvelle philosophie des projets de gestion de l’expérience client pour les années à venir : une approche de l’expérience client toujours centrée sur les principes d’hyper personnalisation, et en capacité d’industrialiser rapidement et à grande échelle les innovations les plus récentes (IA, chatbots, blockchain,…) dans une ère marquée par l’influence croissante des échanges C2C.