L’Homme possède un pouvoir immense : l’imagination. Nous sommes capables d’imaginer des concepts qui n’existent pas et de créer des projets concrets autour de ceux-ci. Par exemple, la monnaie est un concept purement imaginatif. Tout le monde s’accorde à dire qu’un bout de papier ou pièce de métal possède une certaine valeur. Malgré les défauts que cela peut présenter, force est de constater que le système monétaire fonctionne plutôt bien depuis des milliers d’années. Dans les années 2000, certaines personnes commencèrent à imaginer qu’Internet pourrait être une sorte d’entité, une chose non physique, dotée de compétences métaphysiques. Récemment, c’est l’IA qui est considérée comme un organisme dont le développement effraie Bill Gates et Elon Musk.

Si Internet et l’IA, sont des choses organiques, elles restent toutefois prédictibles. Alors je remarque aussi que nos comportements sont également prévisibles. Nous sommes numérisés sous la forme de big data qui nous définit de plus en plus précisément. À ce point, mon imagination me questionne si sommes-nous bien dans un monde réel ou virtuel ?

Sommes-nous vivants ?

D’une manière générale, il n’existe pas de consensus actuel définissant ce qui est vivant. Donc nous ne pouvons pas affirmer si nous sommes vivants ou non. Je vous invite à regarder cette vidéo. Des scientifiques, philosophes, mathématiciens et autres ont écrit pléthore d’articles à savoir si un programme est quelque chose de vivant ou non. Il est vrai, un programme jouit intrinsèquement d’une certaine autonomie. La réflexion est loin d’être stupide, certains algorithmes ont des comportements pour ainsi dire assez étranges. Pour éviter que l’article ne soit trop long, je vous invite à regarder les travaux mathématiques intitulés « la fourmi de Langton » (cette vidéo en parle très bien).

De plus, nous sommes sous l’influence de la culture des intellectuels de la Silicon Valley, et aussi de la science-fiction hollywoodienne. D’une part, ils ont promu l’idée qu’il existe une équivalence entre les algorithmes et la vie, je vais l’expliquer quelques lignes ci-dessous. D’autre part, certains algorithmes sont l’égal d’un univers/réalité, idée véhiculée dans le film Matrix et écrit sous forme de thèse par Nick Bostrom.

Sommes-nous des algorithmes ?

Dans une certaine mesure, les animaux sont des algorithmes. Prenons pour exemple, un singe au pied d’un arbre. Il voit un bananier rempli de fruits, mais au même instant il voit un tigre s’approcher. Que se passe-t-il dans sa tête ? Une suite de calculs probabilistes pour connaitre le taux de mortalité qu’aura une action plutôt qu’une autre. La somme de ses calculs de probabilité est un algorithme. Cet algorithme change en fonction de ses sensations, de ses expériences, de ce qu’il a déjà vu, de la météo et tant d’autres critères. Il décide de fuir en montant plus haut dans l’arbre.

Ce comportement est impossible à recréer artificiellement dites-vous ? En IA, un algorithme change en fonction de son agissement (observation) est d’un calcul lié au gradient stochastique (voici une vidéo de vulgarisation même si le sujet reste compliqué). Donc tous les paramètres cités ci-dessus dont se sert le singe pour prendre sa décision, sont l’équivalent du calcul du gradient.

Autre exemple, le séquençage de l’ADN est la numérisation de notre code génétique. Le code génétique est le code source de toutes nos cellules. Un peu comme le code source du système d’exploitation d’un ordinateur. Sous une certaine manière nous sommes numérisables et certains déjà intégralement numérisés. Il convient également de souligner que les big data sont entreposées dans des mondes virtuels à la propriété d’entreprises privées.

Mon esprit critique dans tout ça ?

Par extension, un singe étant assez similaire à nous, 99% de notre code d’exploitation (ADN) est similaire au sien. Nous pouvons affirmer que son comportement est un algorithme (donc prédictible). En effet, nous le savions que le singe allait fuir, il n’allait pas rester au pied de l’arbre pour serrer la patte au lion. Quand bien même notre fonctionnement est majoritairement inconscient. 

Du point de vue du singe, il a bien conscience que c’est lui qui a agi, il avait un certain nombre de choix face à lui, ce n’était pas prédictible. Il l’a décidé avec son esprit critique. Cependant, il n’a pas conscience que son cerveau fasse autant de calculs. Au même titre qu’un ordinateur ne sait pas comment il fonctionne, mais exécute néanmoins les tâches qu’on lui demande. Nous pouvons donc en influençant nos terminaisons nerveuses avec des puces ou des agents chimiques, exécuter des tâches selon ce que demande un administrateur.

Pour conclure, le séquençage de l’ADN est la numérisation de notre code d’exploitation. L’IA est la numérisation de nos fonctions cognitives. L’exemple du singe n’est qu’une analogie de nos comportements quotidiens. Nous agissons en fonction de nos expériences, de nos sensations, et d’autres critères. Dès lors que tout est numérisable, au même titre que nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes vivants, est-il si faux de dire que nous sommes déjà numérisés ? Par conséquent nous vivons bien dans un monde virtuel.