Philippe Dewost, ancien co-fondateur du LabChain le laboratoire d’innovation dédié aux architectures de consensus décentralisé, disait en mai 2016 lors d’une conférence OuiShareFest « 80% de ce qu’on peut lire dans la presse sur la blockchain est bullshit ». Et cela n’arrête pas de se confirmer de semaine en semaine. En effet, plus de 2 ans après ce constat, les choses n’ont pas beaucoup bougé. Ainsi, récemment des personnalités réputées ont remis en causes le potentiel de la blockchain et ont tenté d’expliquer en quoi elle n’avait aucun intérêt en s’appuyant sur des contre-vérités ou des arguments fallacieux pour justifier leur point de vue. Prenons le cas des dernières « bêtises » publiées et confrontons les à la réalité.
Confondre l’histoire de Bitcoin avec celle de toutes les autres blockchains
Les concepts liés à la blockchain Bitcoin ont été imaginés en 2008 par un individu dont on ne connait que le pseudonyme, Satoshi Nakamoto, ce qui rend effectivement « mystérieuse » sa création. Mais les fondamentaux cryptographiques derrière cette première implémentation de la blockchain existent depuis plusieurs dizaines d’années avant son invention. Par ailleurs, cette technologie n’est en rien impénétrable ou obscure puisque son code est téléchargeable et modifiable par n’importe quel développeur. Il en est de même pour la très grande majorité des autres technologies de blockchain qui sont quasiment toutes disponibles en logiciels libres.
Inscrivez-vous à la newsletter
En vous inscrivant vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.
La sécurisation de la blockchain n’a rien de complexe
La sécurisation des blockchains se fait grâce à certains utilisateurs dont le rôle est défini dans la technologie, on les appelle des mineurs. Dans tous les réseaux informatiques certains acteurs ont un rôle d’interconnexion des individus et entreprises, on les appelle des nœuds. C’est le cas en particulier pour internet dont le maillage s’est tissé à travers le temps mais dont la plus grande partie est concentrée entre les mains de compagnies aux États-Unis. Ces géants américains peuvent décider d’appliquer à tout moment des règles et des contraintes unilatéralement qui peuvent avoir un impact sur votre propre utilisation du réseau. Pour ce qui est de la blockchain, les mineurs ne peuvent rien faire de plus que d’appliquer les règles définies dans la technologie, ils n’ont pas la main sur la gouvernance du réseau qui est totalement décentralisée et gérée par ses utilisateurs. Ces mineurs sont payés par le réseau lui-même pour le sécuriser et vous pouvez décider de participer à cette sécurisation.
Pointer une énième fois la dépense énergétique de Bitcoin
Lorsqu’on cherche à mettre en exergue les défauts des blockchains, le plus souvent on voit émerger un argumentaire bien précis sur la consommation énergétique de celles-ci. Cet argument totalement démagogique et tout à fait orienté est à mettre en regard de la consommation énergétique d’autres industries dans le monde. Ainsi en 2013 on relevait déjà qu’internet consommait l’équivalent de la production de 30 centrales nucléaires. Une seule requête de recherche exécutée sur Google équivaut à la consommation d’énergie d’une ampoule allumée pendant une heure. Par ailleurs, il faut aussi mettre en lumière les travaux en cours chez les grands acteurs de la blockchain pour concevoir de nouveaux algorithmes moins gourmands en énergie, ou encore pour fabriquer des composants électroniques plus performants d’un point de vue énergétique.
Blockchain et cryptomonnaies sont dissociables
Mélanger blockchains et cryptomonnaies en expliquant que l’une ne vient pas sans l’autre et vice versa est totalement erroné. Les cryptomonnaies ne sont qu’un épiphénomène lié à la technologie qui par ailleurs apporte de bien plus grandes capacités en termes de sécurité, de traçabilité, de décentralisation que les actifs qu’elle permet d’échanger. Et pour le coup, la fièvre spéculative sur les cryptomonnaies ne peut pas à elle toute seule remettre en cause la technologie sous-jacente. Ce serait comme expliqué que la bulle internet du début des années 2000 prouve que toutes les entreprises de l’économie du numérique n’ont aucune valeur.
Les technologies blockchains sont bien plus simples à comprendre que celles de l’intelligence artificielle
On entend souvent dire que la blockchain est difficile à comprendre, que cette technologie est complexe, floue ou ésotérique alors qu’en fait elle est bien plus simple et bien plus accessible que l’intelligence artificielle. En effet, sur l’IA tout le monde est à peu près capable de comprendre comment ces technologies pourraient avoir un impact sur la vie de tous les jours. Et puis de nombreux exemples sont maintenant disponibles au grand public qu’il s’agisse des assistants vocaux en passant par les voitures autonomes, tout le monde arrive à se projeter sur ce que l’on peut en faire. Mais à part une poignée d’ingénieurs ou de chercheurs, personne ne saurait expliquer précisément comment tous ces algorithmes fonctionnent alors qu’on parle de technologies qui existent depuis les années 50. En revanche les blockchains existent seulement depuis 10 ans cette année, le recul sur les usages est encore faible même si de nombreux projets ont déjà démontrés leur valeur. Mais surtout, des développeurs à la tête bien faite sont capables de rentrer dans ces technologies sans sortir de Polytechnique ou du CNRS.
Conclusion
Il y a donc encore en 2018 beaucoup de mystification autour des blockchains et de leur potentiel de disruption. Le travail d’évangélisation et de diffusion auprès des entreprises et des particuliers est encore important. Il y aura toujours des débats d’experts à propos de cette technologie, mais comme il y en a régulièrement sur d’autres sujets. Et puis il y aura toujours des positions de principe ou des postures sur ces thèmes parce qu’ils sont au cœur de bouleversements qui peuvent faire peur. Mais espérons surtout que le niveau des débats s’élèvera un peu plus afin d’aborder les vrais problèmes, ce que font les professionnels de la blockchain au sein de l’écosystème, plutôt que de rester au niveau des discours obscurantistes tels qu’on peut les entendre régulièrement.