Les pérégrinations sur internet mènent parfois au meilleur, souvent au pire, mais offrent toujours une ballade hors des boucles rétroactives issues de nos habitudes sur les réseaux sociaux : la fameuse sérendipité tant louée.

C’est dans cette démarche que je suis tombé il y a quelques années sur Fier Panda, un Gloubi-boulga constitué de tout ce que la culture web peut apporter en terme de contenus. A l’ère ou tout se monnaye, du profil Instagram jusqu’au backlink sur un média, il me semblait intéressant de discuter avec le fondateur d’un blog avec un trafic non négligeable (2 millions de VU en 2017) et qui baille dès qu’on lui évoque comment il pourrait transformer tout ça en business.

Salut Jean, c’est quoi Fier Panda ?

Salut Clément et merci pour cette interview ! Fier Panda est un média numérique qui vient de fêter sa sixième année d’existence, soit quarante-quatre ans en âge Internet. Lorsque nous avons lancé le site en 2012, nous ne savions pas véritablement ce que nous souhaitions réaliser – à part nous amuser en regroupant au sein d’un même espace tout ce que nous aimons sur la toile, à savoir du contenu sérieux, drôle, culturel et futile. C’est au fil du temps que nous avons construit l’identité du site, sa ligne éditoriale si tu préfères, que nous pouvons résumer aujourd’hui à “culturo-intellomaispastrop-proInternet-anti-idiocratie”.

Concrètement, se côtoient sur le site aussi bien des articles aux thèmes très variés que des images étranges trouvées çà et là ou des interviews de personnalités. Ce qui lie tout ce fatras est un ton volontairement décalé.

Maxime Barbier, le rachat de pages Facebook, LinkedIn, les Influenceurs… vous aimez bien taper sur l’écosystème digital français, pas trop de retours de flamme ?

On aime bien taper sur les imbéciles des Internets et, en terme de gogolerie corporate, Maxime Barbier et Gregory Logan sont de sacrés spécimens. Jusqu’ici nous n’avons jamais eu véritablement de problèmes. Quelques menaces mais, fort heureusement, rien de concret.

Comment monétisez-vous le média ?

C’est très simple, nous le faisons pas. Fier Panda ne rapporte absolument aucun argent. Nous avons tenté il y a quelques années de mettre des bannières publicitaires sur le site mais très vite nous nous sommes rendu compte des limites du truc. Déjà, en termes d’expérience utilisateur, c’est tout simplement insupportable de disposer d’un écran recouvert aux deux tiers de publicités de merde. Ensuite, d’un point de vue éditorial, la publicité nique tout. En effet, c’est beaucoup plus simple d’avoir du clic en partageant des photos de petits chats qu’en écrivant un long article sur Kant. Tu peux vite être tenté de privilégier le pognon – et donc ce qui génère facilement du trafic – au détriment de la qualité de ce que tu produis.

Nous avons finalement fait le choix d’être un média totalement indépendant avec aucune rentrée d’argent. Cette absence de revenus nous condamne à rester bénévoles, à financer nous-mêmes les dépenses (payer le serveur quoi) mais nous donne une totale liberté et nous permet d’envisager Fier Panda comme une aire de jeux sans aucune contrainte. Même lorsque nous sortons un magazine papier ou des t-shirts nous ne visons pas le profit mais le remboursement de nos frais.

Qui est derrière le média ? Comment vous organisez-vous ?

Nous sommes une bonne vingtaine. Nous avons des développeurs, des correcteurs, des créateurs de contenu, des relecteurs et des webmasters. Au final nous avons une petite communauté faisant vivre le site. Ensemble, nous tentons d’être auto-organisés. Nous partageons le travail, en fonction de notre temps, disponibilité et envie. Là-dedans je suis le facilitateur, celui qui fait le lien entre les personnes. Ce n’est pas forcément évident, surtout que nous faisons tous cela en dehors de nos heures de travail (ou lorsque notre patron fait l’erreur de partir en congés). Il y a bien eu quelques ratés, quelques départs et incompréhensions mais au final cela fonctionne plutôt bien.

Pas trop rude le changement d’algorithme de Facebook ?

Ha mais totalement. Il a retourné notre trafic comme une chaussette. Nous nous sommes fait connaître via Facebook, qui représente 75% des origines de nos visites, seulement aujourd’hui si tu ne sors pas ton chéquier il est impossible que les posts de ta page Facebook soient vus par ceux qui la suivent. C’est là le problème de la majorité des sites. Markounet a fermé le robinet, la récréation est terminée, tout le monde doit mettre la main à la poche. Quand, comme nous, tu n’as pas de pognon et tu ne souhaites pas en générer, il ne te reste plus qu’à désinstaller Google Analytics de ton site et te concentrer sur le fun. Ou alors tu peux tenter de booster ton reach en multipliant les “TAG TON POTE” et autres vidéos idiotes.

Tu penses quoi du web actuel ?

Je suis partagé. Il y a du très bon – rapidité, accès, facilité – et du très mauvais – les réseaux sociaux. Je suis nostalgique des blogs amateurs et un peu naïfs des débuts. Il me semble qu’il y a de cela dix ou quinze ans Internet était vécu comme un moyen de création et non comme un moyen de promotion ou d’autosatisfaction. De plus, je trouve qu’il y a une sorte d’uniformisation du contenu proposé.
Cela ne veut pour autant pas dire que je souhaite un retour de Club Internet ou Caramail. Internet est différent, son succès l’a transformé et l’a rendu beaucoup plus accessible, ce qui est au final le plus important.

C’est quoi le prochain gros projet pour Fier Panda ?

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