Voilà le joli mois de mai. La saison du muguet et des pavés qui volent. C’est aussi la période des reprises machiavélique de titre révolutionnaire. C’est au tour de Bella Ciao de passer à la moulinette avec la team maître Gims, Vitaa, Dadju et Slimane aux manettes. Est-ce que ce sera suffisant pour donner naissance à la prochaine révolution? Pas sûr. Pas sûr non plus que ça comble votre playlist pour monter à l’assaut des barricades. Je vous aide un peu…

Qu’est ce qu’on attend pour foutre le feu !

Un oeil dans le rétroviseur,  on pose NTM sur la platine et on se lance. Le groupe de St Denis, comme beaucoup de groupes de rap en 1990, est le porte-voix des banlieues en ébullition. L’album « 1993…j’appuie sur la gâchette » souffle sur les braises et le titre « Qu’est ce qu’on attend » fait partie de la playlist idéale d’une jeunesse qui retourne les cités.

Un rap conscient qui était, à l’époque, en droite ligne avec la tradition française des chansonniers qui adorent embrouiller  la maréchaussée :

Moi, j’bichais, car je les adore sous la forme de macchabée’s […] J’excitais les farouches bras.
Des mégères gendarmicides, en criant: « Hip, hip, hip, hourra! – Georges Brassens

C’est le temps qui transforme potentiellement un titre comme  « Qu’est ce qu’on attend » en  hymne révolutionnaire en y ajoutant un sens historique. Toutes proportions gardées, c’est le même phénomène pour la Marseillaise qui a eu besoin d’un coup de pouce de l’histoire et d’un peu de politique pour passer d’une chanson de garnison au panthéon des morceaux revendicatifs. Depuis, la chanson de Rouget de Lisle est sacrée, il  suffit donc de la fracasser pour rallumer la mèche de la révolte.

Gainsbourg s’en est chargé avec The Wailers en reprenant  l’hymne français en reggae. Un coup de massue musical qui fait sortir de  leurs gonds les plus droitiers de nos compatriotes. On ne rigole pas avec les symboles, encore faut-il les connaître !

Révolution et communication

Aujourd’hui, on ne guillotine plus pour avoir écorché la Marseillaise ou repris Bella Ciao. Exploser les institutions à grand coup de lyrics et de riff rageux est un sport international.  Cette méthode permet de défendre sa cause tout en faisant sa communication.

La stratégie réussie parfois de façon magistrale. Le « fuck tha police » du N.W.A en visant la violence policière contre les afro-américains oblige le FBI à répliquer. À l’écoute ils adressent un avertissement au  groupe de >Compton. Qui ironiquement devient le « groupe le plus dangereux du monde ».

Idée similaire pour, « Anarchy In the U.K »Apple-converted-space »>des Sex Pistols qui était  interdit de radio et donc de communication. En appelant ouvertement à l’insurrection, le titre provoque des aigreurs d’estomac à la classe dirigeante anglaise et aux Bobby’s qui finissent par arrêter le groupe lors d’un concert nautique sur le « The Queen Elisabeth » (quand on est bon en marketing… Une publicité inespérée pour les Kings du punk :

Musique, l’âme des révolutions

On n’est évidemment pas obligé d’être hargneux pour porter des idées. Pas obligé non plus de faire du rap ou du punk pour bousculer les consciences. Un message reçu 5 sur 5 du  côté de la Caraïbe ou la syncope porte loin les opinions.

Défilé Chanel à La Havane.

Qui doute que la plus hype des révolutions soit Cubaine ? Au-delà des jugements sur les drames humains que porte cette histoire révolutionnaire, le style est du côté du Che et de Compay secundo. Le béret et le fameux « Hasta siempre » popularise la cause tout en préservant le style jusqu’au défilé de Chanel.

En Jamaïque, c’est Bob Marley, pape du rastafarisme, qui utilise le reggae et son rythme particulier pour porter la voix des peuples noirs asservie. « Get Up, Stand Up » est le standard  qui ouvre les concerts messianiques de Bob.

Pop culture et révolution : Bella ciao !

La playlist  qui nous fait prendre la fourche mélange les genres, les époques et les histoires. Que le lien historique avec une révolution soit factice ou réel, peu importe. Maître Gims comme beaucoup adopte une démarche un poil nihiliste envers l’histoire ce qui est pratique pour faire passer une chanson d’une révolution à l’autre.

Mais Bella Ciao est-elle encore une chanson révolutionnaire ou un titre de pop ?

Depuis qu’on l’a découvert dans la série La Casa de Papel . La chanson entonnée avec passion par El professor et Berlin a mutée. À l’origine c’était un chant de révolte italien qui célèbre l’engagement des partisans, résistants pendant la Seconde Guerre mondiale.

C’est aujourd’hui grâce à la série un titre pour résistant antisystème que les étudiants de Tolbiac chantent en occupant la faculté. La reprise par  maître Gims en fait un titre juste pop…Ça peut choquer, mais n’est-ce pas le but ?

Les chansons révolutionnaires sont des objets étranges. Inflammables, elles portent dans le temps des graines de révolte et peuvent faire germer les révolutions dans le coeur de la colère… Ou juste faire pshitt !

Pour finir, une playlist pour lancer votre révolution…