Dans mes conférences je trace les traits du paysage numérique que nous utilisons tous les jours. Par exemple, je parle de Spotify et de ma consommation de musique. En effet, j’écoute environ 5 heures de musique par jour. Dans la salle, les plus de 35 ans sont surpris. Les plus jeunes trouvent rien de surprenant. En effet, la bibliothèque Spotify pèse plus de 30 millions de titres ! C’est beaucoup plus que je ne pourrais écouter dans toute ma vie, même si j’augmente mon temps d’écoute à 12 heures par jour. Et pourtant, tous les lundis je suis content d’ouvrir Spotify car l’Intelligence Artificielle (IA) a préparé ma playlist pour la semaine calée sur mes goûts musicaux.

Aujourd’hui nous créons2,5 Eo(Exa-Octets)de data par jour. La prolifération de la data engendre un submergeant d’information. Nous sommes confrontés à ce tsunami de data qui se déverse sur les supports numériques que nous utilisons quotidiennement. De plus, la création de data est exponentielle. Ça tombe bien l’IA a deux points forts. D’une part, elle est scalable, elle s’adapte à cette augmentation vertigineuse de données. D’autre part, l’une des fonctionnalités de l’IA est de trier les informations.

L’IA est nécessaire pour trier les informations et nous montrer ce que l’on veut. Il n’est pas imaginable aujourd’hui de chercher manuellement un nom dans un annuaire, ou de regarder une carte pour se déplacer. L’IA permet de récupérer, compiler et mettre en forme les informations, elle nous rend service. L’IA est déjà présente le lundi matin, mais elle l’est bien plus que nous le pensons. Elle est à côté de nous jusqu’au soir, d’ailleurs à la fin de mes présentations je le dis : « nous vivons sous influence, sous perfusion de l’IA ».

L’influence sous toutes ses formes

On ne décide pas ce que l’on regarde

Souvent, les étudiants me demandent d’où je tire mes sources. Je lis beaucoup et je regarde tout autant des vidéos. Je ne me rappelle plus qui a dit : « YouTube est la plus grande université du monde ». Cette phrase, c’est ma réalité quotidienne. Il est légitime de se demander si YouTube permet vraiment d’apprendre des choses. C’est vrai, il y a une quantité de vidéo de chats, de memes, de bêtisiers, zappings, de contenus divertissants pour ainsi dire, noyant totalement le contenu informationnel. Pourtant oui, il est possible d’apprendre une multitude de chose. Nous verrons plus bas dans l’article comment l’algorithme nous influence en bien ou en mal.

Restons dans la vidéo et parlons d’un autre acteur qui utilise sciemment l’IA. Netflix possède un catalogue de milliers de contenu vidéo (séries, films, documentaires etc.). Mon Netflix est différent du vôtre. En effet, Netflix utilise différentes couvertures de film/série en fonction de vos appréciations cinématographiques. Cette adaptation est l’œuvre de l’IA qui va non seulement vous suggérez une liste de contenu à voir, mais vous influencer par une image sélectionnée en rapport avec vos préférences personnelles. Notre capacité à prendre des décisions sur ce quoi nous regardons est ainsi facilitée, en quelque sorte, contrôlée.

Face-book | Fake-news | Deep-fakes

Dans l’IA, il y a différents domaines, comme le deep learning entre autres, qui apprend grâce à de grand volume de données. Les data présentées pour son apprentissage sont « étiquetées » c’est-à-dire connue. Le résultat que l’IA doit atteindre est aussi connue. Pour le Reinforcement Learning (RL), il apprend sans nécessairement avoir beaucoup de données connues. En effet, un agent en RL est capable d’apprendre et de s’adapter grâce à une boucle d’apprentissage. Cette boucle peut être un cercle vertueux ou un cercle vicieux ; tout dépend du degré de perception et d’action de l’IA.

Les newsfeed dans Facebook peuvent s’apparenter à une boucle, plus nous regardons et likons d’un certain type de contenu, plus l’algorithme va nous proposer des informations corrélées. La valeur d’action est la proposition de certains articles et la valeur de perception sera notée grâce aux emojis d’humeur et le nombre de clic sur l’article.

L’esprit critique est nécessaire aujourd’hui

L’IA n’est pas sans biais car c’est l’Homme biaisé qui programme l’IA. Un peu comme un parent asocial qui inculquera l’impolitesse à son enfant. L’exemple du bot sexiste résume parfaitement ce problème. Les fakes news, des publicités avant le contenu d’un youtubeur sont les maux des algorithmes d’aujourd’hui.

J’attire votre attention sur le fait qu’aujourd’hui, il n’est plus possible (nous humain) de faire la distinction entre une voix humaine d’une voix synthétisée. Idem pour la vidéo qui s’approche de plus en plus d’une qualité HD. D’ailleurs un nouveau terme est créé : le deep-fake . Notre sens du doute doit être mis à contribution de manière systématique si nous ne voulons pas tomber dans le gobage d’information douteuse.

IA comme patron

YouTube est comme la télévision qui comporterait des centaines de millier de chaînes. À une autre différence près : nous ne choisissons pas ce que nous regardons. Puisqu’il y a beaucoup trop de contenus pour tout voir dans une vie là-aussi, alors l’algorithme trouve pour nous des suggestions de ce que nous pourrions aimer. En effet, là aussi mon compte YouTube est totalement différent du vôtre. Une autre conséquence de l’algorithme lors de la lecture automatique de YouTube, cela nous emmène parfois dans des vidéos sans rapport. D’ailleurs les créateurs de contenu (youtubeurs) sont totalement à la merci de cet algorithme, notamment du classement des tendances ! Donc la prochaine fois qu’on vous pose la question « connaissez-vous une personne qui a une IA en tant que patron ? » vous saurez répondre : oui les Youtubeurs !

L’IA me connaît mieux que moi-même

La percée dans les Machine Learning a été la modélisation de notre cerveau, pas le monde

Nos propres cerveaux apprennent à faire des choses difficiles. Le RL est la forme artificielle qui se rapproche le plus du cerveau biologique. Nous savons que l’Homme et les animaux apprennent en jouant, il y a une forme de récompense dans notre cerveau. Pour être encore plus précis, le cerveau de l’Homme apprend lorsqu’il se trompe.
Une balle rebondit de telle manière, on change la texture de la balle, on lâche la balle. L’enfant spectateur prédit son rebondissement mais la balle se scratch par terre : l’enfant rigole. Il rigole car ce n’est pas en conformité avec sa prédiction. Par répétition/entraînement, il va apprendre que la hauteur et la matière influent sur le rebondissement.

L’IA ne rigole pas

Revenons au machine learning, certes l’IA ne rigole pas mais elle voit quand elle se trompe. En tout cas son algorithme permet de s’améliorer dans une tâche donnée. Je l’ai dit plus haut, l’IA s’adapte et s’améliore avec des boucles d’apprentissages. Par conséquent, nous pouvons considérer les humains comme des assemblages de nombreux algorithmes démunis de conscience. D’ailleurs pouvons-nous affirmer que nous avons une conscience ? Je me suis exprimé sur ce sujet. Encore une fois, ces questions font l’œuvre d’une littérature intarissable que nous ne manquerons pas d’en reparler. Finalement, il est concevable qu’un algorithme extérieur pourrait théoriquement me connaître bien mieux que je ne puis me connaître moi-même.

L’IA nous montre ou cache des infos sans qu’on le lui demande

L’IA est présente et nous manipule dans la vie de tous les jours. Nous nous en rendons même plus compte. Autres que les précédents exemples, la preuve la plus simple est la recherche sur Google. Etant également social media manager, je m’occupe des campagnes AdWords pour le compte d’entreprise. Par un jeu de paramètre et d’ajustement je fais en sorte que l’IA de Google puisse rendre visible des annonces aux personnes les plus susceptible de cliquer. Est-ce fiable ? Oui au vu des retours sur investissement publicitaires que nous (moi + IA Google) générons pour mes clients. En effet, il y a là une sorte d’androiritme. La combinaison de l’humain et de l’IA donne des résultats très puissants. Le placement publicitaire génère pas moins de 100 000 enchères par seconde !

GAFA is watching you

Tout de même, je me dis que l’IA de Google a une connaissance des gens ultra précise. Elle propose mon annonce, et quelqu’un clique et achète le produit. Cela signifie que l’IA savait que cette personne allait consommer ce produit/service. Elle le fait aussi bien qu’un vendeur de chaussure vous voit dans son magasin. En même temps, Google connait nos déplacements, nos habitudes et c’est grâce à toutes ces données que leur régie publicitaire est si efficace.

Nous allons régulièrement sur Facebook. Idem, il y a beaucoup trop de contenu pour tout voir dans une vie. C’est l’algorithme qui va « filtrer » quoi vous montrer en premier et en dernier (oui les derniers post vus sont enregistrés par l’algorithme). Je ne vais pas m’étaler sur les bulles de filtre qui ont été assez discutées ces derniers temps. Mais sachez que Messenger filtre aussi vos messages. Une personne qui ne fait pas parti de vos contacts sera « cachée » dans la rubrique « autres » de Messenger. C’est du même acabit que les spam. Le service de messagerie sait pour vous, quel mail il faut « cacher ».

Amazon est capable, grâce à la régression, de trouver des similitudes dans les comportements d’achat et de favoriser les ventes additionnelles.

Concernant les données biométriques, Apple possède votre empreinte digitale. Et je ne parle même pas de la reconnaissance faciale qui se met en place dans le continent asiatique.

Les IA gèrent notre économie

Le métier de trader a bien changé. Dans les salles de marché où le métier consistait à crier plus fort que les 8 personnes à côté de soi s’est transformé en métier d’informaticien matheux. Et il faut bien le dire, le THF (trading haute fréquence) est l’apanage de notre économie. Aujourd’hui 70% des opérations boursières aux USA et 40% en Europe sont exécutées par des algorithmes.

Le trading algorithmique exploite certaines imperfections de marché et génère un profit en les corrigeant.

Je rajoute cette information au passage. Légalement, les banques qui pratiquent le THF ont une limite maximale d’une opération par… nano-seconde ! En d’autres termes, les THF exécutent 1 milliard d’opérations par seconde.

Qui influence qui ?

Chacun de nos faits et gestes sont enregistrés, compilés, et analysés et cela de plus en plus précisément. Notre monde est phygital, nous vivons la compression de la réalité physique et de la réalité virtuelle. Les algorithmes nous mettent à disposition des produits et services en phase avec nos attentes. Nous gagnons donc du temps et les entreprises en efficacités. En revanche avec des outils IA, nous sommes capables de nous tromper nous-même. Tout comme ma consommation de musique peut paraître absurde pour certain, la nouvelle génération est en phase avec ce changement et la trouve meilleure. Tout comme les découvertes médicales, sociales, neuronales, etc. qui contribue à l’amélioration de notre civilisation.

Finalement, notre comportement sur le digital est influencé par l’IA bien plus que nous le pensons. En Chine, avec les applications comme Alipay, leurs décisions sont notées, évaluées, segmentées à un niveau ultime. Hors de ce fait, sommes-nous influencés par l’IA ou influençons-nous l’IA pour qu’elle nous propose des suggestions personnalisées ?