Le 10 avril à 20h30, heure de Lyon, Mark Zuckerberg a pris place devant une commission du Congrès américain. L’objectif de ces échanges étant de comprendre comment la fuite de données exploitées par Cambridge Analytica avait pu avoir lieu. Durant quatre heures, le CEO du plus grand réseau social du monde a répondu à des questions des sénateurs. Si des questions évidentes ont été posées amenant à la conclusion que les auditeurs n’ont pas appris grand-chose de plus, le raisonnement que ces questions ont soulevé reste intéressant, tant pour les citoyens américains (et du monde) que pour Facebook lui-même.

Pour rappel, la société Cambridge Analytica a eu un accès non autorisé aux données personnelles de plus de 87 millions de personnes, principalement des américains. Les données provenaient d’une application hébergée sur Facebook destinée à effectuer un test de personnalité grâce aux données (commentaires, messages, statuts, etc.) du profil de l’utilisateur. Le scandale de cette fuite éclatant au grand jour a soulevé deux questions : Facebook protège-t-il bien nos données ? D’autres applications ont-elles eu le même comportement ?

Malheureusement, les questions des sénateurs ont été assez basiques sur le fonctionnement de Facebook, preuve peut-être que les politiques sont parfois déconnectés de la réalité numérique de notre ère. Possible aussi que l’importance des fonds versés par le réseau social de 46 des 55 membres du comité a aidé. Néanmoins, les élus ont cherché à comprendre les conditions générales d’utilisation de Facebook, la façon dont les annonceurs ciblent les utilisateurs, la manière dont les développeurs peuvent accéder aux données des utilisateurs, et tout ce qui entoure la collecte de données effectuée par le réseau social. Cette volonté a été très bien résumée par Chuck Grassley, sénateur républicain : « ces événements ont provoqué un débat plus large sur les attentes des consommateurs et l’avenir de la protection des données dans la société. »

Ainsi se poursuivent les enchaînements de questions / réponses entre le comité du congrès et Mark Zuckerberg. Des interrogations qui forcent le constat que durant 14 ans, Facebook a favorisé le partage des données de ses utilisateurs, plutôt que sa protection. Tant de produits et de services ont vu le jour, rendant le réseau social tentaculaire, et laissant parfois de côté le respect de l’interface utilisateur. Le partage de données a été évoqué de deux façons par le jeune CEO, qui présente sa société comme un intermédiaire. D’un côté des annonceurs ciblent une audience de personnes qu’ils souhaitent toucher, selon des critères sociodémographiques (passions, âge, sexe, localisation …). D’un autre côté, des applications comme le test de personnalité qui a servi Cambridge Analytica, qui ont la possibilité d’accéder aux données personnelles des utilisateurs, avec leur consentement.

« Je pense que l’erreur que nous avons commise, c’est de considérer notre responsabilité comme un simple outil de construction, plutôt que de considérer toute notre responsabilité comme un moyen de s’assurer que ces outils ont été utilisés pour le bien, » a ajouté Mark Zuckerberg.

Arrive à la suite cette mise en lumière la question qui tue : pensez-vous que vous avez un monopole ? Nous pouvons tous nous dire que non, si l’on veut nous pouvons utiliser Twitter, ou Instagram … ah non pas Instagram. Alors Snapchat … Et après ce rapide tour des solutions possibles, la conclusion est oui, Facebook est bien dans une situation monopolistique. Néanmoins, la réponse de Mark Zuckerberg est déroutante puisque pour lui, ses compétiteurs sont Google, Apple, Amazon, ou encore Microsoft, ses comparses du GAFAM. Listing assez étonnant étant donné qu’aucune de ces entreprises ne possède une offre similaire à celle de Facebook. Seuls la valorisation est la course à l’IA seraient des critères importants aux yeux de Zuck’ ?

Pourtant c’est clairement la position de Facebook qui est la cause de sa présence devant un comité du congrès des États-Unis. Son fonctionnement, son omniprésence, sa monétisation, ses centaines de produits, ses autres applications (Instagram, WhatsApp, Messenger) … tout cela ne peut être retrouvé ailleurs sur Internet, sauf en Chine où Facebook est toujours verrouillé. De sa position dominante, Mark Zuckerberg n’identifie que trop tard sa responsabilité sur notre société : dépendance pour certains médias, influence politique, déploiement de fake news, chronophagie …

Les quelques jours passés depuis la mise en lumière du scandale de Cambrige Analytica a forcé l’entreprise à se remettre en question et il était temps. Malheureusement d’autres applications et d’autres sociétés similaires vont voir leur nom arriver dans cette introspection à l’instar de CubeYou et AggregateIQ.

Cela forcera certainement la conclusion finale de l’exécutif et du législatif américain : il faut réguler Facebook (et peut-être ses camarades des GAFAM).