Le Big Data est au centre des problématiques des entreprises, en témoigne la multiplication des acteurs sur toute la chaîne de valeur, ou encore l’explosion du nombre de visiteurs au salon Big data Paris.

Lors de l’édition 2018, nous avons eu l’occasion de suivre l’intervention de Matt Harris, Head of IT chez Mercedes-AMG Petronas Motorsport, l’écurie leader (pilote et constructeur) du Championnat du monde de Formule 1. Lors de sa prise de parole, ce dernier expliquait les conditions d’une saison de F1, avec l’évolution des règles et régulations autour des objets connectés embarqués sur les automobiles. Il est revenu sur les avantages concurrentiels liés à l’analyse des données qui sont devenues incontournables, pour optimiser les performances lors des compétitions, mais également soutenir et enrichir les efforts en recherche et développement du groupe. Matt Harris a également évoqué les exigences considérables d’une équipe IT, qui doit se déplacer chaque semaine, dans un pays différent, dans des conditions variables, à l’exemple d’un circuit de Singapour avec 70% d’humidité.

Des capteurs embarqués jusqu’à l’analyse des données, la nécessité d’être équipé de logiciels adaptés et compétitifs oblige les écuries à rechercher les meilleurs partenaires. La capacité à intégrer les données, les analyser et à fortiori gérer la communication entre différents écosystème via les APi, peuvent être considérés comme des avantages concurrentiels dans un sport aux exigences élevées.

C’est dans le cadre du partenariat entre TIBCO Software Inc. & Mercedes-AMG Petronas Motorsport que nous avons pu échanger avec Matt Harris.

Quel est votre rôle au sein au sein de Mercedes AMG Petronas ?

Quels sortes d’infrastructures, dispositifs et logistiques sont nécessaires pour supporter une saison de Formule 1 ?

Il y a eu de grands changements ces dernières années, avec de nouvelles règles et régulations. Les composants changent toutes les saisons. Les équipes se déplacent toutes les semaines, dans différents pays, dans des conditions différentes à chaque fois. On peut dire que nous transportons tout ce que doit contenir un environnement normal, à la différence que nous l’adaptons à l’environnement si particulier du circuit.
L’exemple des 77% d’humidité à Singapour est caractéristique. Nos équipes doivent travailler avec les conditions locales. Elles ne peuvent pas se permettre de travailler avec de l’air conditionné, car si ce dernier nous lâche, c’est fichu.

Si nous postulons que tout part de la collecte de données, quel est le spectre d’informations récoltées sur une automobile ?

Pneus, température, pression, déplacement de l’automobile, le moteur, le groupe motopropulseur, les forces aérodynamiques, le débit d’air… Il y a entre 200 et 300 capteurs sur un véhicule. Tout dépend si nous sommes à l’entraînement, lors d’une qualification ou d’une course. En Formule 1, les unités de commande électronique (systèmes embarqués) sont soumises à des règles, des limitations en terme de taille et de bande passante ce qui impacte la récolte de données. Nous n’avons accès aux données que lorsque le véhicule rentre au garage, peu importe le nombre de tours que celui-ci a réalisé.

Quels sont les éléments les plus cruciaux en terme d’avantages compétitifs ?

Tous les éléments sont importants. Le conducteur ? Les pneus ? L’aérodynamique ? L’unité de puissance ? Si je touche une chose, cela impactera les autres. Il faut bien comprendre que toutes les parties de l’ensemble sont en interrelations. Certains éléments sont plus sensibles, mais je ne pense pas qu’un seul soit plus important que les autres. Un des éléments que nous ne contrôlons pas pour le moment, c’est le pilote (rire). Ils ne sont pas équipés de capteurs. Peut être dans le futur, mais il y aura alors de nouveaux problèmes, notamment de GDPR ( Règlement général sur la protection des données).

Vous êtes en tête du classement des pilotes et des constructeurs, comment l’analyse des mégadonnées interagit avec la conduite de Lewis Hamilton ?

Si on renverse la perspective, à chaque fois qu’un pilote nous fait un retour sur sa conduite, nous ne l’acceptons pas tant que nous ne pouvons le prouver par l’analyse des données. S’il nous dit que le véhicule a été mauvais dans le virage, nous allons devoir prouver par la donnée pourquoi il a eu ce type de sensations. Il nous faut traduire ses mots, ses impressions, par une analyse des données : est-ce que la vitesse était différente ? Le temps ? La trajectoire ? Ce n’est pas que nous ne croyons pas les remontées du pilote, mais nous devons passer par l’analyse. Cette dernière est cruciale avant d’apporter tout correctif au véhicule.
Le pilote apprend également de la data, à l’exemple des données GPS. Nous pouvons lui faire savoir qu’il freine 10 mètres trop tôt avant un virage par rapport à un concurrent. Ca peut sembler peu, mais une saison peut se jouer sur ce genre de détail.