Depuis mai 2017, Spotify a laissé çà et là quelques pistes sur une possible entrée en bourse. Aujourd’hui, la plateforme a déposé un dossier pour une introduction aux États-Unis. Ses valeurs s’échangeront au NYSE (New York Stock Exchange) sous le symbole SPOT.

Un projet prévu depuis septembre 2016

Depuis septembre 2016 Spotify se prépare afin que sa société soit dans les meilleures dispositions pour se lancer dans le grand bain ! À ce moment-là, l’entreprise suédoise qui était proche du rachat de SoundCloud pour 700 millions de dollars avait stoppé toutes négociations en décembre, car la plateforme n’avait « pas besoin d’un contrat de licence compliqué l’année d’une entrée en bourse potentielle. »

De plus, Spotify avait réglé à la même période des indemnités suite à un recours collectif de compositeurs pour violation de droit d’auteur. L’accord conclu se porte à 43,4 millions de dollars et permettra à la plateforme de consolider ses actifs financiers par la suite. Pour se prémunir d’un nouveau cas de violation (non volontaire) similaire, le suédois avait fait l’acquisition de la société Mediachain en mai 2017 afin d’exploiter la blockchain pour protéger les copyrights et les royalties à verser.

Sur la fin de l’année 2017, Spotify a consolidé son offre tant du côté des labels, que du côté des utilisateurs. Ainsi, depuis octobre les artistes bénéficient d’une application d’analytics afin d’observer leurs performances sur la plateforme. Les utilisateurs peuvent également échanger des titres dans iMessage, ou jouir d’une intégration plus aboutie dans l’application Waze.

Ce qui a clôturé tous les préparatifs de l’entrée en bourse de Spotify, c’est son alliance avec Tencent, qui possède également 12% de Snapchat. Le géant chinois et le suédois se sont rapprochés en décembre 2017 pour acquisition d’actions respectives. À propos de cette collaboration, le CEO de Spotify, Daniel Ek avait déclaré « Spotify et Tencent Music Entertainment voient des opportunités significatives dans le marché mondial du streaming pour tous nos utilisateurs, artistes, mais aussi partenaires musicaux et d’affaires ».

Les données que les documents d’introduction nous révèlent

Tout d’abord, on en sait désormais un peu plus sur les modalités de l’accord passé avec Tencent Music Entertainment (TME). La branche de la firme chinoise est valorisée à 12 milliards de dollars. Spotify possède actuellement 9% du chinois, qui lui possède 7,5% du suédois, valorisé à plus de 20 milliards de dollars.

De l’acquisition de la société The Echo Nest en 2014, Spotify tire aujourd’hui sa plus grande force. C’est « un facteur clé de différenciation entre Spotify et les autres fournisseurs de contenu musical est notre capacité à prédire la musique que nos utilisateurs apprécieront. Notre système de prédiction des préférences musicales des utilisateurs et de sélection de la musique adaptée à leurs goûts musicaux est basé sur des systèmes d’analyse de données avancés et nos algorithmes propriétaires. » En effet, The Echo Nest analyse 200 petabytes de data sur les comportements des utilisateurs de Spotify (60 pour Netflix). Chaque jour, la plateforme de streaming musical enregistre 150 milliards d’actions qui viennent renforcer son pouvoir de recommandation. Cette puissance permet d’alimenter des playlists comme Rap Caviar qui représente 31% des écoutes de la plateforme. Viennent également s’ajouter à cela les Daily Mix, ou encore les Découvertes de la semaine.

Côté utilisateurs, Spotify peut compter sur 159 millions d’actifs par mois, ainsi que 71 millions d’abonnés (formule payante) répartis sur 61 pays. Si le nombre d’utilisateurs actifs par mois ne progresse que de 29% année après année, les abonnés, eux, progressent de 46% d’une année sur l’autre. Le taux de désabonnement est relativement faible. Seulement 5,1% quittent la formule payante chaque mois. En moyenne, un utilisateur consomme 25 heures de contenus par mois.

La place sur le marché du streaming musical qu’occupe Spotify n’est pas négligeable. La firme suédoise en occupait presque la moitié avec 42% du streaming mondial. Côté revenus, les abonnements et la publicité lui ont permis de générer un chiffre d’affaires de 4,09 milliards d’euros, contre 2,95 milliards d’euros en 2016, et 1,94 milliard en 2015.

De gros challenges à venir

Spotify a mis les pieds dans un monde très concurrentiel, face à deux acteurs très puissants. D’un côté Google, de l’autre Apple. Chacun de ces deux acteurs est également les créateurs des deux principaux systèmes d’exploitation mobiles : Android et iOS. Pire, ils font chacun la promotion de leur service de streaming musical à leurs utilisateurs, tout en préinstallant leur application dans les smartphones des usagers. Tout l’enjeu pour Spotify est d’arriver à se frayer un chemin jusqu’aux oreilles de potentiels utilisateurs.

Les applications de streaming musical comme Spotify vont également avoir un grave problème pour conquérir les salons des foyers. Apple avec le HomePod va logiquement privilégier Apple Music, et le Google Home, Google Play. Les différentes versions des enceintes d’Amazon sont quant à elles un peu plus ouvertes, bien que le géant commence à pousser lui aussi sa plateforme. Enjeu de taille pour Spotify qui se doit d’être accessible sur chacun des assistants vocaux (Siri, Google Assistant et Alexa) alors que ceux-ci n’ont pas nécessairement envie de créer de la facilité d’accès à Spotify. C’est d’ailleurs pour cela que le suédois est en train de créer une équipe pour travailler sur du hardware qui se concrétiserait très certainement en une enceinte connectée.

« Nous pensons que Spotify se différencie des autres services parce que nous offrons aux utilisateurs une expérience plus personnalisée, grâce à des moteurs de recherche et de découverte musicaux puissants, » a écrit Daniel Ek, le CEO de l’entreprise dans une lettre adressée aux investisseurs.

C’est effectivement sur cet aspect que la société va pouvoir conquérir de nouveaux utilisateurs. Car chacun propose un catalogue de musiques relativement similaire, bien qu’Apple possède une offre plus complète. Reste alors l’expérience utilisateur, et le plaisir dans l’usage ou l’écoute de musique. Une des raisons principales de mon départ d’Apple Music au profit de Spotify.

Le dernier aspect quant à lui est financier et représente un risque pour les investisseurs et les finance de l’application de streaming. Universal Music Group, Sony Music Entertainment, Warner Music Group, et Merlin représentent 87% des musiques écoutées sur Spotify. Si du jour au lendemain, sous la pression d’autres acteurs, ces labels décident de renégocier leurs contrats, la situation pourrait être difficile à gérer pour la plateforme.