« Nous sommes peut-être la dernière génération capable se souvenir qu’il existait un monde où les téléphones étaient fixés aux murs ». Ce commentaire, d’un dénommé Justin Rosenstein, a résonné dans ma tête comme un fait indéniable du temps qui passe et des évolutions technologiques qui traversent les générations. Mais également comme le besoin de transmettre quelque chose, comme un devoir de mémoire post années 2 000.

J’ai bientôt 28 ans, j’ai fini mes études il y a trois ans et pourtant je ressens déjà ce fossé technologique entre mes étudiants les plus jeunes et mon expérience. Un fossé technologique qui peut s’illustrer par un simple son. Celui de la connexion à Internet 56k qui ne fonctionne pas quand le téléphone fixe est en marche. On est pourtant en 2001 et ma maison d’enfance située en campagne vient pourtant juste d’être « rattachée » au Web. Cet exemple, enfants de cette génération, vous l’avez probablement vécu, mais point de nostalgie. Qui pourrait regretter la lenteur du débit, l’unique support de l’écran fixe ou de l’ordinateur portable pesant 9kg avec une batterie éphémère ?

Nous sommes peut-être la dernière génération capable de se rappeler de la vie « d’avant ». – Justin Rosenstein.

J’en viens donc à la génération qui nous suit, celle que l’on nomme « Génération Z », celle sur laquelle les marketeurs misent gros, tout comme on a misé sur nous. Une manière de plus de vendre des recommandations à six chiffres sans réel fond. Mais où je veux en venir plus sérieusement ? À la différence culturelle intrinsèque entre les générations qui se suivent. Je ne pense pas à l’adoption et à la culture de telle ou telle technologie. Une femme de 60 ans se sert quasiment aussi bien d’un smartphone qu’un adolescent de 13 ans. Tout dépend du contexte et de son envie d’apprendre de nouvelle chose.

Les micro-moments ont remplacé les sessions. – Gianni Pulli, Google France (en 2015).

Aujourd’hui on remarque que les cycles produits / services technologiques se superposent et les transitions sont plus rapides. En occident, nous venons seulement de passer le cap symbolique du Mobile first que Google présente son nouveau cheval de bataille : l’AI first (intelligence artificielle). Alors que mes parents ont vu la phase des ordinateurs en gestation puis leur commercialisation, qu’ils ont appréhendé Internet au moment je sortais de la primaire et qu’ils ont consommé les smartphones comme un vulgaire téléphone portable sans le côté « smart ». Il s’est passé seulement 10 ans pour arriver à un taux d’équipement du smartphone en France du même niveau que le téléphone fixe. Ce dernier suit d’ailleurs un déclin au profit du premier. Pour Internet, il a fallu quasiment 20 ans. Nous l’avons déjà dit, les cycles technologiques se raccourcissent quand les comportements évoluent beaucoup plus vite.

L’économie est aujourd’hui indexée sur l’attention quand elle était, quinze ans avant, centrée sur la rareté. Nous sommes passés d’une société « pauvre » en informations à une société disposant d’une immense quantité d’informations. Une partie est subventionnée par l’État, l’autre par les annonceurs.  

Attention = Money – Ev Williams, cofondateur de Twitter et fondateur de Medium.

J’en viens aux craintes de certains développeurs qui ont eux-mêmes participé au développement de cette économie de l’attention, comme Loren Britcher qui a conçu la fonctionnalité pull-to-refresh et Justin Rosenstein ayant participé à la conception du bouton J’aime sur Facebook. Le « Like » tout comme la fonction de rafraichissement sur mobile monopolisent notre attention. Au sein même d’une étude réalisée, par le département Facebook Research, le comportement des utilisateurs après une publication, les chercheurs ont relevé trois principaux constats, dont deux sont directement liés à l’attention :
– une augmentation des visites sur Facebook et des interactions avec les amis durant les 24 heures qui suivent la publication,
– une contribution plus forte envers les publications de la communauté.

Le temps passé supplémentaire est synonyme de revenus publicitaires supplémentaires pour les plateformes sociales comme Facebook et ses consœurs. Mais pour de plus en plus de personnes, le souci ne réside pas dans le profit, mais sa source. Des écoles s’ouvrent où les téléphones portables, consoles et ordinateurs sont prohibés. Le tout pour recentrer l’attention perdue pendant une conversation, un repas partagé, un trajet en voiture ou en train… Je me rappelle lors de mes études qu’un enseignant (doctorant en communication) estimait (en 2009) que les dépenses en biens pour être connecté allaient potentiellement se déverser vers des dépenses pour justement se déconnecter. En 2009, le nombre d’utilisateurs Facebook explosait, pour autant il soulevait déjà un débat encore trop peu évoqué. Je finis cet article sur une notification mobile Google Agenda me rappelant d’aller courir…

Crédit image : Photo de Jamie Street sur Unsplash.