Malgré un non-rachat et beaucoup de rumeurs en octobre 2016, Twitter n’a rien lâché. Le réseau social poursuit même un virage stratégique amorcé il y a deux ans déjà et orienté vers la vidéo. Un boulevard ouvert en direction de nouvelles solutions de monétisation, sans renier ses valeurs ni son ADN. Très curieux depuis mon article sur la lenteur dans la mise en place de nouveaux moyens chez Twitter, nous avons échangé sur ces sujets avec Damien Viel, directeur général de Twitter France durant le HUBFORUM 2017.

La vidéo est un format qui est en train de croître rapidement sur les réseaux sociaux. Le tennis, le foot, le rugby, l’esport, l’information avec Cheddar … Est-ce que Twitter fait le pari du direct face à un format de partage classique ?

Nous avons fait le pari d’une accélération à marche forcée vers une signature mondiale « It’s what’s happening ». La mission de Twitter est de dire au monde ce qui est en train de se passer et ce dont les gens parlent. On le fait, quel que soit le format. Par le texte en 140 ou 280 caractères [ndlr Twitter expérimente actuellement des Tweets pouvant aller jusqu’à 280 caractères], par l’image, mais aussi par la vidéo. Pour la vidéo, c’est un virage véritablement stratégique que nous avons opéré depuis deux ans. Elle représente aujourd’hui une part très importante de notre activité. Notre spécificité c’est d’être en direct et dans l’instant, donc la vidéo en direct revêt une importance toute particulière, vous avez raison.
Nous proposons de la vidéo en direct via Periscope que nous avons acquis il y a près de deux ans et qui nous a permis d’innover fondamentalement dans le domaine de la vidéo ainsi que des usages par les journalistes. Je me souviens de Rémy Buisine pour Nuit Debout qui a regroupé près de 400 000 spectateurs place de la République en 5 heures de direct. C’était une première avec autant d’impact, sur le monde, et sur l’information.
Depuis, les formats vidéo n’ont cessé de progresser et de s’améliorer … ce qui était inenvisageable il y a 24 mois est aujourd’hui possible. La vidéo en direct, 360°, en haute définition, telle que Louis Vuitton filme ses défilés en direct sur Twitter et Periscope avec près de 600 000 spectateurs. Depuis, c’est aussi l’information qui change, et l’utilisation par les médias de ces nouvelles possibilités qu’offre la vidéo en direct. France Télévisions a utilisée Twitter pour diffuser les matchs des Six Nations de l’équipe de France, pour diffuser les soirées électorales pendant l’élection présidentielle. Parce qu’au-delà de suivre le live sur Twitter, l’expérience est enrichie. Enrichie par des tweets de journalistes, d’experts, d’utilisateurs qui ont quelque chose à dire et qui viennent compléter ce visionnage du live.

Nous n’en sommes qu’au tout début, notre accélération continue sur le live à travers des partenariats avec des ayants droit et médias, mais aussi une mise en avant de la vidéo sur notre plateforme.

Une des problématiques majeures pour Twitter depuis quelques années, c’est sa monétisation. La vidéo représente-t-elle l’avenir pour Twitter ou simplement un complément ?

La monétisation est un élément très présent dans nos esprits. Le virage vidéo qu’est en train d’opérer Twitter nous permet d’accélérer la monétisation de nos contenus ainsi que de mettre en place une meilleure utilisation de nos audiences. Donc c’est un grand OUI : la monétisation de Twitter s’accélère par la vidéo. Le sponsoring par BMW du Tournoi des Six Nations diffusé par France Télévisions sur Twitter en direct en est un exemple. C’est aussi plus largement aujourd’hui avec la possibilité nouvelle pour n’importe quel annonceur d’être présent sous forme de pre-roll sur bien d’autres inventaires vidéos, nous appelons cette offre : In Stream Video Ads.
Tout l’enjeu est là. Twitter doit quitter progressivement un silo social (au sein des agences) afin d’entrer de plus en plus sur un marché beaucoup plus mature, celui de la vidéo en ligne. Il va vraiment nous permettre de multiplier les revenus de la plateforme grâce à des formats vidéo qui seront de très bonne qualité et avec des partenaires sélectionnés comme Vice Media ou Brut qui viennent compléter la liste de nos partenaires historiques (TF1, BFM, France Télévisions…).
Enfin, nous allons continuer à adopter les standards les plus élevés en termes de ciblage et d’affinité, sans oublier la mesure de la viewability avec IAS ou avec Moat. L’objectif pour Twitter étant d’offrir les inventaires les plus premiums et les mieux mesurés du marché vidéo.

À l’opposée, il y existe d’autres pistes auxquelles on pense comme une plateforme d’article à l’image d’AMP ou Instant Articles. Peut-être ajouter une expérience plus profonde afin de glisser plus de publicités aussi ?

Pour revenir à notre signature, nous sommes la plateforme qui donne au monde l’information en direct. Notre présence aux côtés des médias pour informer le monde et ce qu’il s’y passe ce n’est pas nouveau. C’est un partenariat de longue date qui a été fait avec l’ensemble des médias, mais aussi avec les journalistes à titre individuel. Oui, Twitter va demeurer une plateforme pour les journalistes, et avec comme obsession la protection et la défense du journalisme indépendant.
Pour ce qui est des formats, la vidéo, le texte … nous cherchons à pousser la bonne information en temps réel. Nous expérimentons Moments aux États-Unis, alors qu’en France nous sommes dans une position d’observateur pour voir ce qui fonctionne, ce qui est bon, et si ce serait utilisé par les médias.

L’autre piste serait un développement à l’international. Twitter reste assez discret sur sa présence en Asie alors que c’est une région où vous avez une des plus grandes pénétrations. Avez-vous des projets pour cette zone ?

L’Asie est une région fondamentale dans le développement de l’entreprise et de la plateforme. D’une part, parce que nous y avons un de nos points de force qui est le Japon. Historiquement c’est l’un des pays les plus importants pour Twitter où nous sommes la première plateforme. Les Japonais ont une relation avec l’information très directe et très axée sur le live. D’autre part, parce que l’Asie compte beaucoup de pays émergents, le développement de Twitter Lite permet d’accéder à Twitter avec des formats beaucoup plus légers, donc plus accessibles, là où les coûts et les infrastructures ne permettent pas l’utilisation d’une version plus classique de notre plateforme.
Enfin, il y a des phénomènes qu’on ne peut pas ignorer et sur lesquels Twitter a un rôle fondamental à jouer. Je vous encourage à aller voir ce qu’il se passe coté Kpop en Corée, vous verrez aussi comment Twitter peut être une plateforme d’entertainment absolument incroyable.

En ce moment, Facebook est beaucoup pointé du doigt pour ses largesses face aux fake news, où aux propos haineux, racistes … Twitter a lancé depuis un certain temps des mesures avec le ‘Trust & Safety Council’, des règles plus strictes, des outils pour les utilisateurs. Quel bilan dressez-vous ?

Depuis un an, la question de la sûreté sur la plateforme mobilise énormément de ressources, avec des résultats qui payent. L’un de nos engagements est d’améliorer le temps de traitement des signalements et actuellement, nous agissons quotidiennement sur 10 fois plus de comptes jugés abusifs qu’à la même période l’année dernière..
Twitter est un outil de liberté d’expression qui garantit aussi un environnement brand-safe pour que les marques s’y sentent protégées et c’est un sujet extrêmement important pour nous. Nous travaillons aujourd’hui avec des partenaires pour faire évoluer nos règles, notre plateforme doit s’adapter en permanence pour pouvoir être sûre pour ses utilisateurs et nous comptons bien y arriver.

Pour 2018, quels projets avez-vous ?

Pour 2018, nous avons un enjeu, un combat fondamental qui se reflète dans l’arrivée massive de patrons du CAC40 et de chefs d’entreprises, comme Isabelle Kocher d’ENGIE, Thomas Buberl d’AXA, ou encore Emmanuel Faber de Danone. Twitter est devenu une plateforme qui permet aux entreprises de porter leurs combats, leurs valeurs, ce en quoi elles croient. Il y a une demande fantastique aujourd’hui, et particulièrement de la génération Z qui arrive et qui veut savoir ce qu’elle consomme, pour qui elle travaille et quelles sont les marques dans lesquelles elle peut avoir confiance. L’enjeu en 2018 est d’accélérer la position de Twitter en tant que plateforme au service des entreprises pour ces générations qui veulent savoir et qui demandent aux marques ainsi qu’aux entreprises d’être des acteurs engagés.