Cinquième chronique d’une série de huit textes sur l’évolution de l’ expérience client en point de vente de 1800 à 2050, mon objectif est d’éclairer les lecteurs sur différents changements et innovations qui ont jalonné l’histoire du marketing en point de vente.

1970 – 1999: l’expérience retail technique et marketing!

CB : Carte et Code-Barre !

Alors que les formats des magasins se généralisent et, tout au mieux, grandissent avec la création des « mega malls », c’est plutôt de l’intérieur que les innovations se développent ; la création discrète d’Amazon le 5 juillet 1994 par J. Bezos, premier « e-commerçant » spécialisé, à l’origine dans la vente de livres et de celle de eBay en 1995 par Pierre Omidyar en Californie passe presque inaperçue ; en revanche, les cartes de paiement deviennent les nouveaux outils phares de l’ expérience client. Le premier distributeur automatique de billets est installé à Paris en 1968 (1967 à Londres), trois petites années avant l’apparition des premières cartes à piste magnétique, aussitôt encadrées par la création d’un GIE « Groupement Carte Bleue ». Il est possible, dès 1973 de régler ses achats, en France comme à l’étranger, sans passer par l’habituelle « change » et, un an plus tard, alors qu’Internet voit le jour, Roland Moreno invente la carte à puce, ancêtre de celle que nous utilisons encore aujourd’hui.

S’ensuivront différentes étapes : en 1980 les premiers terminaux de paiement électronique font leur apparition ; en 1986, la première carte à puce CB est commercialisée et elle intègre, l’année suivante, un hologramme pour renforcer la sécurité et protéger le possesseur. En 1990, il faut dorénavant composer un code à 4 chiffres pour régler ses achats et, six ans plus tard, une hotline CB permet aux consommateurs de faire opposition en cas de perte ou de vol. Cocorico, la carte à puce, invention française, s’exporte dans le monde entier à partir de 1997 et la première carte de retrait internationale est lancée. En 1999, déjà, votre CB vous permettait de payer en euros… ! Un long parcours pour un outil qui révolutionne aussi bien le process d’achat en magasin que les portefeuilles et qui change drastiquement la case « sortie » des points de vente, les caisses passant, durant ces 30 années, d’un paiement par « monnaie » au règlement moderne que nous connaissons encore actuellement.

Le point de vente se transforme donc en son intérieur et c’est en 1973, avec l’utilisation du code-barre – pourtant breveté par deux étudiants américains dès 1952 ! – et l’invention du code UPC (les petits chiffres en dessous des lignes verticales) que la codification devient courante et que l’identification des produits accélère les process des points de vente. Au départ réservé à l’étiquetage des wagons de train, ils sont finalement utilisés par le supermarché « Commander Systems » en 1974 sur des paquets de chewing-gum ! Encore aujourd’hui moins coûteux que les puces RFID – mais pour combien de temps ? – il demeure l’outil universel d’étiquetage produit, aussi facile à manipuler pour les professionnels, qu’utiles aux clients pour gagner du temps à la caisse. Une vraie révolution d’une expérience client dont on parle pourtant rarement !

Ressentez et revenez !

Outre ces modifications de « porte-monnaie », la trentaine d’années modifie en profondeur les logiques marketing qui sont de plus en plus ciblées. C’est notamment avec le développement du marketing sensoriel, qui intègre de plus en plus de sens et de méthodes pour les activer, que le marketing débute sa première phase de « personnalisation ». En 1992, Abercrombie & Fitch devient l’un des acteurs les plus doués de ce domaine grâce à Mike Jeffries qui repositionne l’entreprise en misant sur le marketing sensoriel ; combinant éclairage, musique et signature olfactive, les points de vente deviennent de véritables exemples d’attraction et les résultats des ventes augmentent significativement, donnant encore un peu plus de relief à l’importance de l’ambiance en magasin et de son impact sur la consommation globale.

En France, Mood Media renouvelle le design sonore par la création de playlists personnalisées avec pour premiers clients Celio ou encore Sephora. Il est alors question de travailler sur le targeting précis des clients et de leur soumettre une musique appropriée à leurs attentes. Au début des années 90 apparaissent également les premiers écrans en point de vente, principalement publicitaires, et ceux-ci se généraliseront dans les années 2000 en trouvant une toute autre utilité…

Le marketing sensoriel permet de « divertir » le client dans le point de vente mais il n’empêche pas les retailers de se poser une question simple et ô combien importante : comment faire revenir les clients en magasins ? C’est le secteur aérien, condamné à une concurrence accrue à cause de la dérégulation, qui trouve une première réponse ; en effet, en 1981, American Airlines lance un programme de récompense pour ses meilleurs clients, le « Frequent Flyer Program ». Vous l’aurez compris, les premiers véritables programmes de fidélité viennent de naître et se répandront rapidement dans les autres secteurs, à commencer par celui de l’hôtellerie (Holiday Inn et Mariott – 1983), en passant par la location de voiture (National Rental Car – 1987) jusqu’au Groupe Casino et son « Club Avantage ». Suivront rapidement d’autres grands noms du retail français comme Les Galeries Lafayette ou encore le BHV au commencement des années 2000. La fidélisation devient l’un des enjeux majeurs dans un monde résolument consumériste où la concurrence est de plus en plus exacerbée et où le stockage de données numériques progresse jour après jour. Les clients, eux, se voient offrir l’occasion de bénéficier d’offres de réduction qui permet, pour la première fois, d’acquérir un produit… gratuitement pour récompenser leurs précédents achats ! Quelle expérience !

Un géant rôde…

Les années qui coulent entre 1970 et le 21ème siècle sont les dernières représentantes d’un retail intégralement physique où chacun se bat pour trouver un moyen d’acquérir une clientèle, de la comprendre, de la divertir et de la fidéliser par l’intermédiaire d’outils marketing de plus en plus précis et d’outils technologiques efficaces et sécurisés. Mais, dans l’ombre, une révolution se prépare et un géant rôde : Internet se démocratise et l’e-commerce peut soudain sortir de l’ombre… Ce qui n’est pas pour déplaire à un certain Jeff Bezos !