Il y quelques semaines, New Scientist partageait un extrait de I am Jane Doe, un documentaire racontant l’histoire de nombreuses jeunes femmes tombées dans la prostitution après s’être fait piéger via les petites annonces d’un journal. Dit comme ça, on semble bien loin du titre de l’article, mais promis, on arrive au bitcoin. L’extrait repris par New Scientist retenait le cas (réel) du témoignage de Kubiiki Pride, une mère dont la fille de 13 ans avait disparue. Elle a retrouvé sa trace grâce à des photos de sa fille publiées sur le site backpage.com, un site web qui héberge des centaines de pages de publicités dédiés au service sexuel et dont la majorité sont illégales. Similaire à Craiglist, Backpage hébergeait plus de 70% du marché américain des publicités sexuelles en ligne en 2012. Il a fallu 270 jours à Kubiiki Pride pour qu’elle retrouve sa fille, qui avait été drogué et battu par le trafiquant sexuel qui la séquestrait.

Pour les autorités, il est très difficile de faire face à ce genre de cas car énormément d’annonces sont postés chaque jour, faisant de chaque fille une goutte d’eau qu’il est quasiment impossible de retrouver. Pour cette raison, des chercheurs de l’Université de Californie à Berkley ont tenté de prendre le problème différemment pour tenter une nouvelle approche utilisant les moyens technologiques. L’une des chercheuses, Rebecca Portnoff déclare : « Internet a facilité beaucoup de méthodes dont les trafiquants peuvent profiter [•••] Ils peuvent facilement atteindre un grand public et générer beaucoup de contenu sans avoir à se révéler ». Dans ce cas, autant utiliser les mêmes armes que les trafiquants pour les mettre hors d’état de nuire.

Depuis 2015, chaque transaction publicitaire faite sur le site Backapge.com s’effectue en bitcoin et est enregistrée dans un espace accessible à tous. Bien que les identités ne soient jamais révélées, les transactions sont associées à un portefeuille associé. C’est là qu’intervient l’équipe de chercheurs : l’Université a mis au point une intelligence artificielle qui utilise le machine learning pour suivre l’argent. L’IA a pour objectif de fouiller permis les différentes pages de publicités afin d’identifier le portefeuille de chaque annonce, et de déceler les transactions particulières ou répétées. Aussi, les annonces dont le style rédactionnel est similaire sont soumises à l’analyse de l’outil. Si les transactions et les annonces semblent anormales, elles sont transmises aux autorités pour être examinées minutieusement. Le réel avantage de cet outil est l’automatisation d’une tache qui nécessite énormément de temps et de ressources aux autorités, là où l’IA optimisera ses recherches.

L’équipe de recherche a présenté l’IA lors d’une conférence au Canada portant sur l’exploration des données, après avoir mené une période d’essai de 4 semaines. Sur 10 000 annonces, l’outil a correctement identifié environ 90% des annonces ayant le même auteur, avec un faux positif de seulement 1%. L’un des portefeuilles analysé était l’auteur de 150 000 $ de publicités sexuelles, preuve possible d’un trafic sexuel. Si les résultats sont fructueux, l’outil pourra s’étendre au reste du pays.

Environ 4,5 millions de personnes ont été victimes de trafic sexuel, et aux Etats-Unis, beaucoup se retrouvent en photos dans les annonces publicitaires du site Backpage. Pour ce qui est du trafiquant qui a enlevé la fille de Kubiiki Pride, il s’est finalement fait arrêter et condamner à 5 ans de prison. Avec ce nouvel outil, les poursuites contre les trafiquants sexuel pourraient augmenter.

Source : New Scientist