Lorsque l’on est plongé au cœur de la machine Google et Adwords, une grande question taraude les esprits : « Puis-je acheter ou utiliser la marque d’un concurrent sans son autorisation comme « terme de recherche ou UA de mots-clés » afin d’être mieux référencé sur Internet ? » Une question que je me suis posée en tant que consultante dans une agence spécialiste du SEA.

Pour faire simple, selon la jurisprudence, c’est possible mais … uniquement dans le cas où le nom d’une marque est utilisé comme mot-clé via un service de référencement type Google Adwords, mais non pas sous forme de méga-tags sur les codes sources d’un site Internet.

Marque d’un concurrent et achat de mots-clés : un régime de liberté surveillée.

Ainsi, l’utilisation d’une marque dont on n’est pas propriétaire via un service de référencement type Google Adwords ou Bing Ads, pour vendre des produits ou services identiques à ceux couverts par la marque en soi n’est pas illicite. Toutefois, attention cela ne signifie pas que tout est permis !

Clairement, l’usage d’une marque comme mot-clé dans le cadre d’un service de référencement payant ne doit pas porter atteinte à l’une des fonctions de cette marque, et notamment à sa fonction d’« identification d’origine. » Autrement dit, l’internaute ne doit pas se méprendre sur l’origine des produits ou services en cause et bien comprendre que le site sur lequel il est redirigé est le site d’un tiers, et non celui du titulaire de la marque qu’il tape dans la barre de rechrche. Bien évidemment, il ne doit pas non plus pouvoir penser qu’il achète un produit ou service de la marque utilisée comme mot clé si ce n’est pas le cas.

Ce qui est donc déterminant, c’est la façon dont est rédigée et présentée l’annonce afin de ne pas induire l’internaute en erreur. Si besoin est, la justice vérifiera donc si la marque est citée ou non dans le corps de l’annonce (à moins évidemment que les produits vendus soient des produits de ladite marque). A fortiori, si le site vend effectivement des produits de la marque il peut – en plus d’utiliser la marque en mot-clé – en faire la promotion dans son annonce sous réserve qu’il en vende en quantité suffisante.

De plus, il faut savoir que l’ensemble de ces règles s’appliquent aussi si les signes reproduits sont similaires à la marque sans être strictement identiques et/ou si les produits ou services proposés sont similaires à ceux couverts par la marque.

Si le moindre risque de confusion est établi, l’annonceur pourra être attaqué sur le terrain de … la CONTREFAÇON et même de la concurrence déloyale ou parasitaire. De même qu’il est à noter que des actions pour concurrence déloyale et parasitisme peuvent être ouvertes au-delà de l’acquisition d’un droit de propriété intellectuelle sur le signe utilisé comme mot-clé. Et ce, même si le mot-clé qui a été acheté est une dénomination sociale ou un nom de domaine, et non une marque.

… et à ne pas imiter une marque renommée

Si l’on évoque maintenant, le cas particulier des marques renommées, il faut retenir que selon la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne), le titulaire d’une marque renommée peut en interdire l’usage pour plusieurs raisons. Si en étant utilisé en tant que mot-clé, cet usage porte préjudice au caractère distinctif de la marque ou à sa renommée ou bien si la tierce personne tire ainsi un profit abusif grâce au caractère distinctif ou à la renommée de la marque.

Autrement dit, la seule renommée d’une marque confère un périmètre de protection plus large et permettrait même de sanctionner plus facilement cette pratique.

Metatags, un régime de prohibition ?

Contrairement à l’achat de mots-clés via des services de référencement payants type Google Adwords, l’insertion de mots-clés dans les codes sources d’un site Internet est une technique de référencement naturel. Mais une fois encore, quelle est la position de la justice sur la question ?

Celle-ci a admis qu’une telle pratique pouvait être constitutive de contrefaçon, quand bien même le signe n’était pas visible pour l’internaute. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, dans ce cas, un risque de confusion sera forcément caractérisé, puisque les encarts apparaissent alors sous les résultats naturels de la recherche, sans que le caractère publicitaire de l’annonce ne soit indiqué par un quelconque élément.

Toutefois, certaines décisions récentes ont estimé que la mention d’une marque dans les codes sources d’un site ne constitue pas une contrefaçon dès lors que la marque n’est pas visible de l’internaute.

Cependant, attention …

La pratique resterait sanctionnable sur le terrain de la concurrence déloyale au motif qu’elle constituerait une « démarche volontaire et délibérée, qui permet à celui qui en use de bénéficier de la notoriété de celui dont elle utilise l’identification et caractérise un comportement fautif qui justifie la condamnation de l’auteur. » Cette solution, même si elle se détache de celles retenues en matière d’achats de mots-clés (puisque la pratique est en soi illicite) nous semble pourtant plus compréhensible.

En matière de blacklinks (liens retours), la même approche a été retenue juridiquement. En effet, utiliser le statut social et le nom de domaine d’une société concurrente sous la forme d’un mot-clé, utilisé de façon intense dans le cadre de création de backlinks, lors de requêtes naturelles, à l’effet de tromper le moteur de recherche, a provoqué de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle qui risque d’être moins visité, ainsi qu’une utilisation parasitaire de l’investissement.

En conclusion, si l’on se réfère à l’état actuel de la jurisprudence, deux mots sont à retenir en matière d’achat d’AdWords reproduisant une marque : « Keep calm ! ».

Grands manitous du SEO, vous retiendrez donc qu’il faudra désormais vous abstenir de reproduire avec ardeur et excès toute marque dans les codes sources de son site Internet.

Merci au cabinet Marceau Avocats pour les réponses apportées ici.