La semaine dernière se tenait à Paris la septième édition de la conférence China Connect, rendez-vous annuel consacré aux tendances digitales du marché chinois. Le thème de cette édition était « Crack the codes » ou comment déchiffrer les dynamiques d’un marché singulier, en perpétuelle réinvention et, à bien des égards, en avance sur les pratiques digitales de l’occident.

L’explosion du Live Streaming.

Le phénomène marquant de l’année est le développement du live streaming mobile… un peu plus tard que chez nous mais beaucoup plus fort ! Cette nouvelle forme d’entertainment s’est très rapidement insérée dans le quotidien des consommateurs, notamment les plus jeunes, et dans les stratégies de marques de tous les secteurs. Son développement se distingue de ce que nous observons en Europe et aux Etats-Unis par

  • son ampleur : 150 applications disponibles parmi lesquelles Ingkee, Huajiao ou Douyu qui comptent plus de 50 millions de téléchargements chacune, et au total plus de 350 millions d’utilisateurs réguliers des plateformes de live streaming
  • sa dimension interactive : les live streams ne sont pas des vidéos que l’on se contente de regarder, il s’agit le plus souvent de cessions interactives au cours desquelles les fans formulent des demandes, échangent avec l’émetteur et offrent des cadeaux virtuels
  • la monétisation : via les cadeaux virtuels payants – de quelques centimes d’euros pour un hug ou un bouquet de fleurs à quelques centaines d’euros pour une voiture de sport ou un yacht – des dizaines de milliers de streamers gagnent un revenu souvent plus élevé qu’un salaire local alors que les plateformes telles que Huajiao se rémunèrent en prélevant 30% sur chaque transaction
  • Illustration vidéo du WSJ (en anglais)

Les KOLs : un media à part entière.

Le phénomène des KOLs – key opinion leaders – déjà très présent en Chine s’est amplifié avec le développement du live streaming. Constituée de grandes et de petites célébrités (comme Melilim Fu qui participait à la conférence avec ses cheveux et tenues oranges) aussi bien que d’individus lambda ayant une audience de fidèles, la cohorte des KOL est aujourd’hui considérée comme un media à part entière et un point de passage obligé pour les marques qui souhaitent développer visibilité et engagement de leurs cibles, notamment dans certains secteurs à forte dimension affinitaire comme le luxe, les cosmétiques ou l’automobile.

Les campagnes des annonceurs jouent sur les différents niveaux de la pyramide des KOLs (peu de célébrités en haut, beaucoup de petits influenceurs à la base) pour déployer des stratégies qui mêlent actions de prestige ou d’impact et déploiement de proximité.

La spécificité du média KOL est que celui-ci se réapproprie le discours des marques. Certains parlent d’UGC 2.0 : la création de contenus de marques dont les célébrités et influenceurs deviennent le principal vecteur.

La convergence du social et du commerce.

Nous l’avons déjà évoqué ici, WeChat, le réseau social plateforme de services utilisé par plus de 700 millions de chinois, a pris le lead mondial en matière de social commerce c’est-à-dire d’intégration des opportunités d’achats dans les conversations.

En associant aujourd’hui les solutions de paiement en ligne comme AliPay et WeChat payment aux  plateformes de live streaming, la Chine amplifie le processus de convergence du commerce et du social. Avec la fonction « click to buy » l’abonné à un live stream peut d’un click acheter le vêtement porté par la personne (le KOL) qui s’exprime dans une vidéo ou le produit ou service dont il/elle est en train de parler. Dans un pays ou 9 internautes sur 10 se connectent sur leur mobile cela génère beaucoup d’achats spontanés. Pour les marques, développer l’affinité, fédérer des communautés enclenche presque naturellement des ventes. Ca paye !

La Chine démontre une nouvelle fois sa capacité à innover et à prendre le lead non pas dans le développement des technologies mais dans leurs usages et leur monétisation.