Lors du récent World Government Summit, le millionnaire Elon Musk a déclaré que l’intelligence artificielle pourrait être une catastrophe pour l’humanité. Il estime que 15% de la population active pourrait se retrouver sans emploi dans les prochaines années, et que les conséquences sociales de cette nouvelle révolution sont encore largement sous-estimées.

L’entrepreneur prône l’instauration d’un revenu universel au niveau mondial, pour compenser la perte de revenu des personnes dont le travail sera progressivement réalisé par des robots et des logiciels. Selon lui, le premier secteur à souffrir de cette nouvelle révolution industrielle sera l’industrie des transports avec un remplacement complet de la force de travail par les robots d’ici une dizaine d’années.

De nombreuses personnes considèrent leur travail comme l’élément qui donne du sens à leur vie, et la suppression massive d’emplois dans les prochaines années pourraient laisser des millions de personnes sans but. « Si on n’a pas besoin de vous, si on n’a pas besoin de votre travail, alors quel est le but de votre existence ? » demande-t-il à juste titre.

Lors de ce sommet, Elon Musk a réitéré ses craintes de voir l’intelligence artificielle se transformer en réel danger pour l’humanité, si les chercheurs ne prennent pas conscience des conséquences potentielles de leur travail. Il appelle aussi les gouvernements à prendre la mesure de la révolution qui se prépare.

Pour appuyer ce propos, nous pouvons noter la dernière vidéo de Bill Gates qui propose l’instauration d’une « Taxe Robot » pour compenser les pertes d’emploi et aider à la reconversion professionnelle dans les domaines de la santé, de l’éducation, et de l’aide sociale.

Dans la même tonalité, nous pouvons que mettre en avant l’appel d’urgence et plein de bon sens de Laurent Alexandre au Senat en Janvier 2017. Le retard européen dans ces nouvelles technologies se creuse face aux géants américains et chinois qui investissent massivement dans cette discipline.

Ma conclusion personnelle sur ce sujet, est effectivement assez préoccupante et alarmante :

– L’Europe a déjà perdu le bénéfice de la révolution digitale au profit des géants américains et chinois (GAFA, Alibaba, Tencent…) et arrive péniblement à mettre sur orbites quelques licornes qui ne sont pas en mesure de lutter face à ces géants. Rappelons simplement qu’en 2016, 68% des investissements publicitaires français dans le digital ont été captés par Facebook et Google. Ce chiffre illustre bien à quel point l’Europe a perdu la bataille du digital.

– La révolution liée à l’intelligence artificielle est sous-estimée. Les formations universitaires ne préparent pas encore suffisamment de cursus liés à ce domaine, et nos meilleurs chercheurs sont déjà partis travailler pour les GAFA, à l’instar de Yan LeCun, spécialiste de l’intelligence artificielle et qui travaille actuellement pour Facebook. On ne peut cependant pas les blâmer vu le peu de perspectives professionnelles proposées par le secteur de la recherche en France.

– Il est effectivement certain qu’un nombre conséquent de postes, fortement qualifiés ou simplement opérationnels, seront progressivement transférés à des robots ou à des logiciels dans les prochaines années. Ce mouvement ne sera pas contrôlable. Dès lors il est nécessaire de l’anticiper en :
– redéfinissant l’offre de formation actuelle pour identifier les professions « à risques » et celles pour lesquelles nous aurons encore besoin de main d’œuvre ou de cerveaux humains dans les prochaines années, afin d’adapter l’offre et le nombre de formations.
– revoir le système de financement de notre protection sociale pour ne pas le faire reposer aussi fortement sur le travail, mais également sur le capital (dont les robots) qui joueront un rôle de plus en plus important dans les productions industrielles et de services de demain.

A l’instar de ce qui s’est passé au cours des dix dernières années avec l’arrivée du digital sur le marché, l’intelligence artificielle va profondément redéfinir notre façon de travailler. Cependant, l’enjeu sociétal est cette fois-ci beaucoup plus conséquent que ce qui a été le cas au cours de la dernière décennie.

Le bilan très mitigé de la transition digitale européenne, laisse malheureusement présager d’heures sombres face au mur de l’intelligence artificielle qui arrive sur nous.

Cette tribune vous est proposée par :
Pierre Alexandre MESSNER, CEO de Web Sparkler et Consultant en marketing digital. Twitter : @PierreMR.