À l’approche des élections présidentielles 2017, il est indéniable que le digital va jouer un rôle majeur dans le choix de notre nouveau/nouvelle président(e). Nous vous plongeons dans l’ambiance à la sauce digitale afin de mieux comprendre les enjeux du numérique pour cette nouvelle élection. Cette semaine on vous parle des fake news.

Les fausses informations dites « Fake News » sont des articles mensongers qu’on retrouve un peu partout sur internet. Ils ont généralement des titres racoleurs. Le phénomène existe depuis de nombreuses années, mais il a commencé à réellement inquiéter les médias lors du BREXIT, où toute une campagne mensongère avait été relayée sur le web et les réseaux sociaux. Il a pris une toute autre dimension suite à l’élection de Donald Trump, où clairement Facebook a été pointé du doigt comme en partie responsable de l’élection du milliardaire américain. Retour sur une réelle menace pour la démocratie en France.

Fake News, le décryptage.

Elles fleurissent sur internet à vitesse grand V, partagées sur les réseaux sociaux sur les pages identitaires des mouvements d’extrême droite ou gauche et même sur des pages moins radicales. Facebook qui est le réseau social numéro 1 a engagé un combat mondial contre ce fléau et pour dire … il n’est par le principal concerné par ce phénomène. De son côté Google a mis en place une étiquette de fact-check pour compléter la mise en avant d’articles d’actualité.

Pour en revenir à Facebook, le réseau social se base sur son algorithme et le bon vouloir des utilisateurs qui signalent des informations mensongères. On peut aujourd‘hui difficilement dire qu’ils réussissent leur pari. Au moment où j’écris ces lignes, les articles connexes des contenus partagés sur le réseau américain sont encore engorgés d’informations fausses. Nous sommes à 9 semaines du premier tour et dans ce climat anxiogène pour les médias traditionnels, cela présente une vraie menace.

fakes news macron Siecle Digital

Vrai ou faux, où est la vérité ?

L’objectif de ces articles est de choquer le lecteur pour créer un mouvement de protestation. La sémantique du contenu joue totalement sur les sentiments de sa cible. Ceux qui prolifèrent ce genre de news sont très habiles pour créer le trouble. Ils allient différentes formes.

  • Le détournement :

La sémantique de l’article se découpe en une première partie avec une information vraie, information que l’on peut vérifier sur une source fiable. La seconde partie est totalement fausse avec encore une source qui renvoie cette fois-ci vers un lien qui n’a rien à voir avec le thème abordé. Si le lecteur ne prend pas la peine de vérifier les deux sources, il est induit en erreur. Edit : 27/02/2017 – La seconde partie est fausse avec cette fois-ci une source qui renvoie vers un lien où l’information n’est pas vérifiée. Le lecteur est induit en erreur s’il n’analyse pas les deux sources.  detournement - fake news - Macron - Siècle Digital

  • L’information choquante :

Le contenu de l’article est vrai, souvent récupéré sur un site d’information, transcrit en l’état et mentionne les sources. Il est agrémenté souvent de photos choquantes qui illustrent et intensifient le sentiment de révolte. La dangerosité de ce type d’articles peut semer le trouble chez le visiteur. Il peut en déduire que le site est fiable et le partager, alors que justement il entremêle les contenus vrais et faux.

l'information choquante - Siecle DIGITAL

Source : Comparaison des deux articles du Parisien et L’Échelle de Jacob.

  • Le post viral sur les réseaux sociaux :

Une vidéo avec une légende choquante, des dires attribués à une personnalité, un montage photos avec des chiffres ou mots exagérés ? Si vous êtes utilisateurs des réseaux sociaux, vous en avez déjà vu. Des contenus partagés et likés des milliers de fois. Cette viralité rend l’information plus fiable lorsqu’elle est vue, les internautes se disent que puisqu’elle a été partagée de nombreuses fois l’information est vraie. À savoir aussi que selon ses affinités politiques, les contenus que l’on voit sont différents.

Post réseaux sociaux Fake News

Source : la fausse lettre de Jean d’Ormesson à Najat Vallaud-Belkacem repartagée 31227 fois.

Une performance web qui s’appuie sur la viralité des réseaux sociaux.

Pour illustrer le phénomène nous avons pris comme référence les 3 derniers sites suggérés dans les articles connexes Facebook que nous avons trouvés : Info24.fr , lesriches.info , echelledejacob.blogspot.fr. Nous avons analysé l’évolution du trafic web des 28 derniers jours et sur le mois de janvier. On remarquera que le site lesriches.info a été mis en ligne mi-janvier, ce qui se croise avec le début du Penelopegate pour Francois Fillon. À l’approche des présidentielles, le trafic de ces sites est globalement à la hausse sur les 28 derniers jours par rapport au mois précédent.

Infographie Fake News

Sur les 28 derniers jours, le trafic se situe entre 215K visites et 390k. Le site echelledejacob.blogspot.fr est bien ancré dans le web et bénéficie d’un trafic naturel, là où lesriches.info et info24.fr basent leurs performances web sur leur positionnement digital. Le premier est à classer plutôt dans la catégorie des sites d’opinions personnelles alors que info24.fr et les riches.info sont davantage dans les modèles traditionnels de site de fake news.

En analysant les 15 derniers articles publiés sur ces deux sites, on en déduit que lesriches.info est plus un site pro gauche radicale et info24.fr un site pro Droite. Lesriches.info qui a été mis en ligne au début du scandale politique autour du candidat Républicain avait clairement la stratégie d’accentuer la polémique autour de François Fillon plus de 9 contenus lui sont dédiés sur les 15 derniers. Le gouvernement Hollande et Emmanuel Macron ne sont également pas en reste.

Concernant Info24.fr la dynamique est clairement inversée puisque le candidat à abattre c’est le candidat du mouvement en Marche et le gouvernement au pouvoir avec respectivement 5 et 4 contenus les concernant sur les 15 dernières news. On remarque que les contenus sont bizarrement en adéquation avec l’actualité et les sondages. Ainsi, après la révélation du scandale des emplois fictifs de François Fillon dans son enquête pour Mediapart, Edwy Penel a été ciblé par info24.fr, de même pour Emmanuel Macron qui n’a jamais été autant pris pour cible que depuis que les sondages le place au deuxième tour.

Un pavé dans la marre ? Pas si sûr.

La réelle question à se poser, c’est l’impact que peuvent avoir ces affirmations calomnieuses sur le débat politique en France. Quand on cumule le trafic de ces 3 sites sur 28 derniers jours, on obtient 971K visites, soit presque autant que le site de Jean-Luc Mélenchon qui culmine en tête de la performance web sur l’ensemble des candidats à la présidentielle. Cependant ces sites réalisent des taux de rebond très importants (là encore comme le site Jean-Luc Mélenchon), c’est-à-dire que les internautes sont déçus du contenu qu’ils trouvent sur le site après avoir cliqué sur le lien.

De même qu’il est difficile de faire évoluer le vote dit silencieux qui a sanctionné la Grande-Bretagne et les États-Unis, il est difficile aujourd’hui de quantifier l’impact du phénomène fake news sur l’électorat. Cependant, certaines choses ont résolument changé.

campagne voteleave brexit

La campagne des pro-Brexit était ouvertement basée sur un mensonge :  l’Europe coûterait 410 millions d’euros par semaine au Royaume-Uni. Les eurosceptiques ont avoué après le résultat que ces chiffres étaient faux. Donald Trump a régulièrement menti durant sa campagne, avançant des chiffres faux ou profitant de ses médias pro-conservateurs pour diluer des mensonges (soutien du Pape, PizzaGate). Les démocrates diffusaient également des fake news sur les médias pro-démocrates mais à moindre mesures que Trump. La vie politique a été quelque fois jalonnée de gros mensonges, mais ces deux dernières campagnes ont été marquées par la généralisation de ces pratiques. On dirait que la campagne française prend le même chemin tant certains candidats se permettent de réfuter les faits qui leurs sont incriminés et tapent sur les médias.

La démocratie ce n’est pas seulement le droit de vote, c’est également le droit à l’Information sur les candidats pour qui nous allons voter. C’est le droit d’être correctement informé avec des faits. Si les faits réels commencent à être réfutés, la vérité devient post-verité, un phénomène qui a été remarqué aux États-Unis. Les faits objectifs ont ainsi moins d’influence que ceux qui font appel à l’émotion et aux croyances personnelles. Généraliser ces mensonges, c’est affaiblir le pouvoir médiatique, c’est donner plus de crédit aux fake news qui s’appuient sur les émotions des lecteurs. Les internautes iront chercher l’information ailleurs si les médias sont discrédités, dans des médias où la seule volonté est de diviser le peuple et semer le trouble dans notre démocratie.