Imaginez une biotechnologie capable de manipuler un gène pour le renforcer, ou lui retirer tous ses défauts. Imaginez que l’on puisse stopper une mutation génétique héréditaire qui fait qu’une personne pourrait mourrir à 30 ans. C’est précisément ce qu’est capable de faire CRISPR.

Son nom ressemble à une marque de céréales, ses lettres valent pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats. En français ça donne Courtes Répétitions Palindromiques Groupées et Régulièrement Espacées. Voilà donc un terme à glisser au cours d’un repas pendant les fêtes.

Derrière son abréviation, CRISPR a la possibilité de changer la face du monde. Elle peut avoir un impact mondial sur notre santé, jouer ainsi un rôle clé sur les systèmes de santé, mais aussi sur l’agriculture.

Concrètement, c’est un outil de modification génétique qui s’avère être puissant, peu onéreux, et facile à exploiter. Cette biotechnologie peut ajouter, supprimer, modifier le patrimoine génétique de n’importe quelle cellule. Qu’elle soit végétale, animale, ou humaine. Cela fait d’elle une machine à créer des (organismes) mutants à tout-va. D’une technique de thérapie génétique, on passe à une chirurgie du gène. Auparavant il était difficile de maitriser l’insertion d’un gène, mais aussi de cibler un gène présentant des défauts. À présent, CIRSPR offre une précision chirurgicale.

CRISPR

©Betty Lafon/Sciences et Avenir

CRISPR contre Duchenne.

Des expériences ont déjà été menées partout dans le monde. Certaines sont même plus que concluantes. C’est notamment le cas pour un travail sur la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). C’est une maladie neuromusculaire qui se caractérise par une atrophie ainsi qu’une faiblesse musculaire qui progresse au fil du temps. Elle est due à une dégénérescence des muscles squelettiques, lisses et cardiaques. Cette maladie touche 1 garçon sur 3500 et 1 fille sur 100 000. Cette maladie touche donc des centaines et des centaines d’enfants chaque année pourtant leur espérance de vie à seulement 27 ans.

S’il n’existe aucun traitement pour cette maladie, CRISPR peut intervenir. Plusieurs équipes de chercheurs ont été en mesure de corriger l’erreur génétique qui entraine l’absence de production d’une protéine (la Dystrophine). Elle permet aux muscles de se solidifier. Cette erreur génétique peut prendre des formes plutôt différentes, certains patients manquent la plupart du gène ce qui fait que le corps ne produit pas la Dystophine. Chez d’autres patients, il y a tellement d’erreurs que le corps élimine tout seul la protéine dès qu’elle est produite. Les chercheurs se sont concentrés sur le cas où le corps ne produit pas cette protéine. L’idée étant de découper le code génétique, permettant tout de même au corps de continuer à lire le gène et créer une protéine. Cette dernière prendrait une autre forme, permettrait de régler partiellement le problème, mais créerait une dystrophie musculaire de Becker (DMB).

Pour arriver à ce résultat les chercheurs ont intégré CRISPR à un virus puis l’ont injecté dans des fétus de souris ayant une DMD. Les scientifiques ont noté qu’à chaque fois ils avaient fait mouche, modifiant le code génétique des sujets leur permettant ainsi de créer une protéine fonctionnelle.

CRISPR contre le cancer.

Des premiers essais sur l’Homme ont débuté il y a moins d’un mois. Cela se passe en Chine où des chercheurs ont injecté pour la première fois des cellules génétiquement modifiées à l’aide de CRISPR. L’idée derrière cette opération est de simplement mettre en veille un gène, le tout faisant office de traitement contre le cancer des poumons.

Ces essais cliniques sont dans une phase de test qui s’axe principalement sur la sécurité de l’utilisation de CRISPR sur l’Homme. Avant de partir dans d’autres essais, il faut que la technologie soit sûre pour nous. Le premier patient à avoir reçu une injection fait partie d’un groupe constitué de 10 malades. Chacun est atteint d’une forme de cancer avancée lui laissant 6 mois d’espérance de vie maximum. De plus, ces patients ne répondent à aucuns des traitements qui leurs ont été proposés.

L’idée ici est de renforcer les défenses immunitaires des patients. Les scientifiques veulent cibler un gène très précis présent dans les cellules T du patients. Les cancers se répandent parce que les cellules cancéreuses sont ignorées par les cellules T alors que ces dernières devraient les attaquer.

L’étude n’a pas encore révélé ses premiers résultats, bien qu’ils soient attendus avec impatience.

Si CRISPR est en bonne voie pour soigner l’impensable, sa paternité est actuellement discutée dans les tribunaux. Des milliers de vies sont en jeux, mais aussi potentiellement des milliards de dollars. La juridiction américaine devra déterminer qui de l’Université de Californie (UC Berkeley) avec la Française Emmanuelle Charpentier ou du Broad Institute à Cambridge (Massachussets) dépendant du MIT est le parent de CRISPR. Ce pauvre enfant victime du divorce pourrait aussi rapporter un Prix Nobel à son inventeur.

De nouveaux projets naissent chaque mois en utilisant CRISPR. L’objectif est d’abord concentré sur la médecine et la recherche de traitements. Néanmoins, d’autres projets portent sur les embryons, ou le stockage.