L’Afrique est un continent qui dans les prochaines décennies va se réveiller pour devenir un acteur majeur de l’économie mondiale. Poussé par une utilisation du numérique et un développement démographique fort, le continent africain va devenir une terre d’innovation avec des modèles qui lui sont propres et qui vont mettre à mal l’innovation des cultures occidentales.

Pendant le HUBFORUM 2016, Gilles Babinet, co-fondateur d’Africa 4 tech est venu présenter les tendances structurelles qui poussent l’Afrique vers un avenir d’innovation et d’agilité. Nous avons appris notamment qu’un simple moyen de paiement mobile avait été vecteur d’une augmentation à deux chiffres de la croissance d’un pays. Nous avons aussi appris que les réseaux de télécommunication au Rwanda avaient contribué à considérablement augmenter le PIB par habitant.

À la suite de son intervention, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Gilles Babinet pour aller plus en profondeur sur cette terre d’innovation mais aussi pour en savoir plus sur Africa 4 Tech.

On parle beaucoup du numérique en Asie, en Europe, ou aux États-Unis, mais finalement on parle assez peu de ce qu’il se passe sur le continent africain. Quelles bases la situation actuelle et le future de ce continent posent-elles ?

Ce qu’il se passe actuellement en Afrique, c’est qu’il y a beaucoup de régions qui tentent de faire émerger un modèle différent avec les grandes fonctions régaliennes (transport, santé, éducation, etc.) qui pourraient fonctionner de façon différente. Toutes les villes africaines sont débordées de trafic qui gênent leur fonctionnement, alors certains commencent à prendre des initiatives. Par exemple proposer des badges de carsharing pour que des voitures passent à des endroits à certaines heures. Même si ce n’est pas une des villes les plus encombrées, la question se pose réellement à Abidjan. Même chose pour Lagos au Nigeria, le maire commence à intégrer du big data pour réguler le trafic. Tout cela montre bien qu’ils commencent à intégrer le numérique comme un enjeu de politique publique.

C’est assez encourageant de voir que le digital arrive comme porteur de solutions. En France par exemple lorsqu’on parle de réformer le transport, on ne place pas le numérique comme une solution. Pourtant, poser un badge sur une voiture pour faire du carsharing, cela représente un cout marginal pour une efficacité importante.

Avec une explosion de la démographie prévue d’ici 2050 et l’évolution de l’utilisation du numérique qui en découlera, l’Afrique va-t-elle devenir une terre d’innovation ?

L’Afrique est déjà une terre d’innovation. L’idée sera de massifier les systèmes éducatifs en intégrant le code dedans et surtout de trouver des solutions qui sont typiquement africaines. Ce que je dis souvent c’est que l’Afrique peut devenir le cauchemar de l’Europe ou son futur. Ça peut être un driver d’innovation qui aspire plein de choses, mais il va falloir mettre en place des politiques structurées. C’est pour ça que je ne crois aux COP car on y crée de gros outils pour mettre fin à la désertification par exemple. Et pour l’écologie cela représente des enjeux très importants, de même que pour la captation sur carbone. Sauf que rien n’est fait. C’est dans ce cas que l’Afrique peut devenir un cauchemar. Cela dépendra aussi de notre capacité à mener des politiques publiques en Europe pour créer des partenariats avec l’Afrique. C’est un enjeu d’intelligence.

Du 2 au 5 novembre, vous organisez Africa 4 Tech dont vous êtes le co-fondateur. Pouvez-vous nous parler un peu de cet événement ?

Africa 4 Tech est un endroit dans lequel on va réfléchir à différentes thématiques : éducation, santé, agriculture, et énergie. Nous allons le faire avec l’idée de reposer totalement chaque sujet. Pour l’énergie par exemple, c’est les nanogrids. Comment on l’administre ? Quelle est la gouvernance ? Quel est le business model ? Quel système de paiement ? etc. Les systèmes actuels ne font pas cela et ne savent pas le faire. C’est très nouveau, c’est très différent, et le reference design est encore à construire. L’idée c’est de dire : si on prend le meilleur des techniques occidentales et des ‘hackers’ africains on aura certainement un résultat très intéressant. C’est ce qu’on va faire pendant Africa 4 Tech.

Il y a des Connecteurs, des Consultants, un Comité Scientifique, et un Board stratégique… Au-delà de l’événement, quelle est la vocation d’Africa 4 Tech ?

Nous souhaitons faire de la formation, du labo, de la recherche, … C’est ça notre objectif. C’est très ambitieux. Pour l’instant nous commençons avec un événement, mais nous avons des échanges avec des acteurs qui sont très clairement dans la même logique que nous. On pense que si nous sommes capables de fédérer les énergies on peut aboutir à quelque chose d’intéressant.