Google vient d’annoncer la fin de son service de comparateur d’assurance Google Compare. Une des raisons évoquées c’est qu’il est très complexe de reconstituer avec précision le profil de risque d’un conducteur. Google, dont on connait la force de frappe et les capacités financières, a donc jeté le gant dans un domaine qu’il prétendait conquérir. Quelles leçons pouvons-nous en tirer ? Une telle décision mérite, tout d’abord, de saluer le pragmatisme américain. Nous autres français ne savons pas assez mettre fin à une diversification quand les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mais au-delà de ce constat on peut évoquer trois raisons à cet échec.

En premier lieu, la complexité.

Proposer une chambre d’hôtel au prix le plus bas est relativement simple. Trouver quel E commerçant vend le moins cher tel ou tel produit informatique est également devenu monnaie courante sur le web. Mais dès que l’on cherche à entrer dans le cœur de métier d’un assureur, les techniques web que Google maîtrise, ne deviennent que des atouts secondaires. Au risque de froisser les mauvais conducteurs, quand un assureur auto propose un tarif élevé il ne fait que son travail : il fixe un prix au risque. Suivant l’âge, le type de véhicule, l’historique de sinistres les tarifs varient car le risque n’est pas le même. Quant au type de couverture proposée c’est là aussi un sujet complexe où professionnalisme et dialogue avec le client sont requis. Il ne suffit donc pas d’ajouter au prix affiché sur un site le coût de la livraison et de faire un classement des différentes offres.

Force de fra

Force de frappe de Google ou pas certains secteurs résistent.

En deuxième lieu, le poids de la réglementation.

Certains secteurs sont peu réglementés, d’autres comme les taxis souffrent d’une réglementation archaïque. L’assurance, et les services financiers en général, exigent d’obtenir licences et autorisations. Il n’est donc pas toujours possible de dérouler une offre globale en se contentant de traduire les pages d’une même interface. Il est parfois également nécessaire de s’inscrire dans un cadre réglementaire qui n’a pas été conçu pour des offres 100% numériques. La situation des plateformes de crowdfunding fait figure d’exception comme évoqué dans mon papier Crowdfunding : sa forte croissance peut-elle se maintenir en France ?

En troisième lieu, la force préservée des acteurs traditionnels.

Dans son modèle économique Google espérait obtenir des assureurs qu’ils lui reversent des commissions. Après un an d’efforts, les grands acteurs du secteur n’avaient toujours pas donné leur accord à un tel partage financier. Voilà un exemple qui montre que la force des acteurs existants demeure un facteur clef. Il ne suffit pas de claironner des ambitions, de mettre en œuvre un modèle économique (légèrement) différent pour emporter la place. Loin de s’écrouler face à cette initiative de Google le secteur des assureurs en sort renforcé.

En conclusion deux idées fortes ressortent de cet arrêt du Google Compare.

Tout d’abord, Google arrive à faire rouler sa voiture sans conducteur mais n’arrive pas à gagner assez d’argent en comparant les prix des assurances auto. L’un des GAFA est donc mis en échec sur un secteur précis. Google n’est pas invincible. Malgré sa force de frappe financière et son influence sur le web Google doit aussi battre en retraite.

Ensuite, il est clair que certaines FinTech, je pense particulièrement aux robot advisors, devraient prendre en compte cet exemple. De nombreuses similarités apparaissent en effet entre l’assurance auto et l’épargne. Établir un profil d’investisseur, se mettre d’accord sur le niveau des services proposés, arriver à établir une allocation d’actifs réellement adaptée, sont des processus complexes. Le marché de l’épargne est fortement réglementé lui aussi. Et enfin, les acteurs traditionnels sont solides et bien décidés à lutter contre les ambitions des FinTechs. Peut être faudra-t-il que certaines FinTechs corrigent sinon leur stratégies du moins leurs ambitions.